Le président du Conseil national de la transition, Chérif Sy, qui tient lieu de parlement, a qualifié ce texte de «compromis indécent qui encourage l’impunité». Michel Kafando s’en est lui aussi très nettement démarqué dés sa libération le 21 septembre, tout en regrettant de ne pas avoir été consulté au préalable.
Acquis aux putschistes, le président de l’un des rares pays en Afrique à n’avoir jamais subi de coup d’Etat, avait été accueilli par le général putschiste burkinabé Gilbert Diendéré, arrêté. Le président sénégalais annonce aussitôt la couleur : «Je ne suis pas venu pour voir comment vous aider à vous retirer, vous ne tiendrez pas vingt-quatre heures. Réfléchissons ensemble afin d’éviter un bain de sang.» Il dira la même chose à la soixantaine d’éléments du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) rencontrés le matin du 20 septembre : «Je ne suis pas venu négocier, je suis venu vous écouter, mais aussi vous dire que vous faites fausse route.»
Les échanges décisifs dans la quête du compromis tant décrié, ce n’est pas eux qu’il les a eus, ni avec Diendéré, ni même avec Chérif Sy (qu’il n’a pu rencontrer), mais avec un comité de «sages» considéré par le président Sall comme l’interlocuteur idoine et constitué de Paul Ouédraogo, l’archevêque de Bobo-Dioulasso, de Jean-Baptiste Ouédraogo, l’ancien président, et de Pingronoma Zagré, le chef d’Etat-major général des armées.
Et pourtant, on se rappelle, dans une interview accordée a Rfi, Michel Kafando, qui se trouvait à l’ambassade de France à Ouagadoudou, se disait «très réservé» sur cet accord de la CEDEAO dirigé par les présidents Macky Sall du Sénégal et Yayi Boni du Bénin, auquel il avait déclaré «ne pas été associé».
Mais le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, n’avait pas tardé à réagir : «Michel Kafando n’a pas dit la vérité, il a été informé sur les points de propositions de sortie de crise et il a donné son appréciation sur chacun des points», avait déclaré M.Ndiaye dans le journal sénégalais l’Enquête.
Selon l’entourage de Macky Sall, ce sont eux qui, au cours d’une réunion, ont inspiré les grandes lignes de l’accord : la libération des otages, la réinstallation de Kafando à son poste, le retrait de tous les militaires du gouvernement, mais aussi la réintégration des candidats proches de Compaoré dans le jeu électoral et l’amnistie des putschistes. Les points les plus polémiques, «ce sont eux qui les ont proposés, pas nous», jure un proche du président sénégalais qui ne comprend pas les critiques, pas plus l’accusation de Kafando.
Ces propositions, le président Sall les aurait présentées de vive voix au président de la transition du Burkina, sans lui remettre le document final en mains propres, laissant le soin, selon un proche, «à son aide de camp», et d’autres sources, à Diendéré lui-même.
L’histoire ne dit pas encore comment Macky Sall a apprécié ce baptême du feu en matière de médiation. Sûr qu’il en a retiré des enseignements.
Le magazine français Jeune Afrique de défendre le président Sénégal en titrant « Macky Sall face à la crise burkinabè : on ne peut pas plaire à tout le monde. »
Ce qui est certain, c’est qu’il n’était pas présent à la cérémonie de «réinstallation» de Kafando, les 23 septembre. Pour des raisons de calendrier, dit-on dans son entourage.