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Sénégal : une manifestation contre le report de la présidentielle violemment dispersée

Rédigé par Dakarposte le Dimanche 4 Février 2024 à 17:56 modifié le Dimanche 4 Février 2024 - 18:04

Des heurts ont éclaté dimanche après-midi à Dakar, où les gendarmes sénégalais ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes des centaines de personnes venues manifester contre le report sine die de la présidentielle prévue à la fin du mois, annoncé la veille par le président Macky Sall.


Au Sénégal, des heurts ont éclaté dimanche 4 février, dans l'après-midi, à Dakar où les gendarmes sénégalais ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes des centaines de personnes venues manifester à l'appel de plusieurs candidats de l'opposition contre le report de la présidentielle du 25 février, annoncé la veille par le chef de l'État, Macky Sall.

Des hommes et des femmes de tous âges, agitant des drapeaux du Sénégal ou portant le maillot de l'équipe nationale de foot, ont convergé en début d'après-midi vers un rond-point sur un des axes routiers principaux de la capitale, à l'appel de plusieurs candidats.

Les gendarmes, déployés en grand nombre, ont déclenché un tir nourri de grenades lacrymogènes pour tenter de les disperser. Puis ils se sont enfoncés, à pied ou en pick-up, dans les quartiers adjacents à la poursuite des manifestants en fuite, qui leur ont par endroits jeté des pierres.

Ce sont les premiers heurts consécutifs à l'annonce, samedi, par le président Macky Sall, du report sine die de la présidentielle du 25 février. Une décision sans précédent qui a suscité un tollé.



L'annonce faite samedi par le président sénégalais, élu en 2012 et réélu en 2019, dans un contexte de grave crise politique, plonge à nouveau dans l'inconnu ce pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique, mais qui a connu depuis 2021 différents épisodes de troubles meurtriers.


Appels à manifester
Plusieurs candidats de l'opposition ont annoncé à la presse leur décision d'ignorer la décision du président Sall et maintenir le lancement dimanche de leur campagne électorale.

"Nous rejetons systématiquement le décret (reportant la présidentielle). Nous donnons rendez-vous ce dimanche à tous les Sénégalais pour une marche" à Dakar, a déclaré Cheikh Tidiane Youm, un porte-parole du camp de l'opposition sur la radio privée RFM.

"Nous nous sommes réunis et entendus pour nous rassembler à partir de 15 h (locales et GMT) pour démarrer notre campagne de façon collective", a déclaré, sur la même radio, Habib Sy, l'un des 20 candidats qui devaient concourir au scrutin reporté.

"Toutes les forces vives de la nation doivent s'organiser, agir et obtenir la restauration du calendrier républicain", a de son côté écrit l'intellectuel Felwine Sarr dans une tribune.

L'opposant sénégalais Khalifa Sall, un des principaux candidats à la présidentielle, avait appelé samedi tout le pays à "se lever" contre le report du scrutin.


"Régression démocratique"
L'ancienne Première ministre Aminata Touré a fustigé sur les réseaux sociaux une "régression démocratique sans précédent" et enjoint "les démocrates et les citoyens (à) se mobiliser pour défendre nos acquis démocratiques".


Le report sine die de la présidentielle au Sénégal, annoncé samedi par le président Macky Sall, ouvre une "période d'incertitude", a déclaré dimanche la porte-parole de l'Union européenne, appelant à la tenue d'élections "dans les meilleurs délais".

"L'Union européenne (...) appelle tous les acteurs à œuvrer, dans un climat apaisé, à la tenue d'une élection, transparente, inclusive et crédible, dans les meilleurs délais et dans le respect de l'État de droit, afin de préserver la longue tradition de stabilité et de démocratie au Sénégal", a ajouté Nabila Massrali dans un communiqué.

La France a de son côté appelé dimanche le Sénégal à lever les "incertitudes" créées par le report afin que le scrutin puisse se tenir "dans le meilleur délai possible".

Les États-Unis, "profondément préoccupés" par l'annonce du report, avaient exhorté samedi "tous les participants au processus électoral sénégalais à s'engager pacifiquement dans l'effort important visant à fixer rapidement une nouvelle date et les conditions d'une élection libre et équitable".

Quant à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), elle a également exprimé son "inquiétude" et demandé dans un communiqué aux autorités d'œuvrer à fixer rapidement une nouvelle date.

Au Sénégal, les députés doivent se réunir lundi pour examiner la proposition de loi déposée par le candidat et opposant Karim Wade pour le report de la présidentielle de six mois, a appris l'AFP samedi auprès du Parlement. Le texte doit être approuvé par les 3/5es des 165 députés pour être validé.

Commission d'enquête sur les candidatures
Le président Sall a annoncé samedi, quelques heures avant l'ouverture officielle de la campagne, abroger le décret fixant la présidentielle au 25 février. C'est la première fois depuis 1963 qu'une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal.

Nombre de réactions ont souligné la pratique de la démocratie et de l'alternance. Le Sénégal n'a jamais connu de coup d'État, une rareté sur le continent, alors qu'ils se sont succédé ces dernières années en Afrique de l'Ouest.

Le président sénégalais a justifié ce report en invoquant des divergences concernant des candidatures et des accusations de corruption présumée visant deux membres du Conseil constitutionnel. Il a notamment invoqué le conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale après la validation définitive par la juridiction de 20 candidatures et l'élimination de plusieurs dizaines d'autres.

À l'initiative de Karim Wade, un candidat recalé qui a remis en cause l'intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l'élection, l'Assemblée a approuvé la création d'une commission d'enquête sur les conditions de validation des candidatures.

Éviter la défaite à tout prix ?

Contre toute attente, les députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche. Elle a provoqué une vive querelle sur la séparation des pouvoirs, mais aussi nourri le soupçon d'un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter la défaite. Le candidat du camp présidentiel, le Premier ministre Amadou Ba, est contesté dans ses propres rangs et fait face à des dissidents.

Au contraire, l'antisystème Bassirou Diomaye Faye, à la candidature validée par le Conseil constitutionnel bien qu'il soir emprisonné depuis 2023, s'est imposé ces dernières semaines comme un postulant crédible à la victoire, un scénario cauchemar pour le camp présidentiel.


Selon le code électoral, un décret fixant la date d'une nouvelle présidentielle doit être publié au plus tard 80 jours avant le scrutin, ce qui mènerait à fin avril dans le meilleur des cas.

Mais dans ce scénario, Macky Sall risque ainsi d'être encore à son poste au-delà de l'échéance de son mandat, le 2 avril.










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