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Sénégal: Macky Sall, le président des «espoirs trahis»

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 15 Septembre 2016 à 15:26 modifié le Jeudi 15 Septembre 2016 - 15:28

Il représentait l'espoir. L'espoir de démocratie, de liberté, de bonne gouvernance, d'une vie meilleure. Mais « tous ces espoirs ont été trahis », disent les détracteurs du président sénégalais Macky Sall, au pouvoir depuis quatre ans. Le chef d'État est attendu aujourd'hui à Montréal à l'occasion de la conférence du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, demain. Voici quatre reproches qui lui sont faits.


Le président sénégalais Macky Sall est attendu aujourd'hui à Montréal à l'occasion de la conférence du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, demain. PHOTO LOIC VENANCE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESS

PROMESSES BRISÉES

« Macky Sall a surfé sur tous les combats des Sénégalais qui aspiraient à une meilleure démocratie [afin d'être élu], mais il ne respecte pas ses engagements », se désole Fadel Barro, coordonnateur du mouvement Y'en a marre, un groupe de contestation né dans la foulée de l'opposition populaire à la réélection du président précédent, Abdoulaye Wade. « Tous les combats que les Sénégalais avaient menés, il faut les refaire », estime le militant. « Il y a beaucoup de régression sur le plan des libertés, les marches sont systématiquement interdites, les gens ne peuvent pas s'exprimer », s'insurge-t-il. Le professeur Moda Dieng, spécialiste du Sénégal de l'Université Saint-Paul à Ottawa, parle pour sa part d'un bilan qui « globalement, n'est pas positif », évoquant la bonne gouvernance et l'indépendance des pouvoirs comme principales lacunes. « [Macky Sall] a déçu, il a beaucoup déçu, constate M. Dieng. Je me demande s'il va remporter les prochaines élections. »

JEUNES ABANDONNÉS

 

Macky Sall a voulu s'attaquer aux « inégalités et [aux] injustices sociales », en mettant en place le « Plan Sénégal Émergent », comme le souligne le site internet de la présidence sénégalaise, mais il est encore trop tôt pour juger des résultats, estime Moda Dieng. Fadel Barro, lui, se montre plus critique. « Mettre du béton partout en disant qu'on construit, ce n'est pas pour ça que les gens se battaient, ce n'est pas ça qui assurera l'avenir de ce pays », dit-il, déplorant les interruptions de courant, la pollution, la « vie chère » et le chômage des jeunes, toujours élevé. « La réalité, c'est que les jeunes continuent de prendre la mer, de prendre le désert, pour essayer d'aller en Europe ; les jeunes continuent de se radicaliser dans des mouvements extrémistes parce qu'ils n'ont pas de débouchés chez nous », lance le militant.

DURÉE DU MANDAT

La durée des mandats présidentiels, un sujet très sensible au Sénégal, est également une source de frustration à l'égard de l'actuel président, lui qui avait fait la promesse « très importante » en campagne électorale de la ramener de sept à cinq ans, souligne Moda Dieng. Le professeur rappelle que le président précédent, Abdoulaye Wade, « avait fait beaucoup de modifications » à ce sujet et tentait d'être réélu pour un troisième mandat, une manoeuvre jugée inconstitutionnelle par un bon nombre d'observateurs, ce qui avait causé « énormément de crispation » et provoqué la crise électorale qui a mené à la victoire de Macky Sall. Que ce dernier renie maintenant cet engagement inquiète une partie de la population, qui ne veut pas le voir s'éterniser au pouvoir. « Il est obnubilé par un autre mandat », s'exclame Fadel Barro, qui estime que le président Sall est « l'incarnation d'une façon de faire de la politique qui consiste à ne pas véritablement engager de vraies réformes, [...] à manipuler les gens ».

MANQUE DE VERTU 

« Macky Sall n'est pas plus vertueux qu'Abdoulaye Wade », que les Sénégalais ont congédié en 2012, tranche Moda Dieng. Le professeur estime que le président sénégalais a « instrumentalisé » les mesures qu'il a mises de l'avant pour « faire condamner ses ennemis », dont le fils de son prédécesseur. Le congédiement de la directrice de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption ainsi que celui d'un inspecteur des impôts, qui se seraient intéressés de trop près aux proches du président, a d'ailleurs indigné les Sénégalais, rappelle Fadel Barro. « Absolument rien n'est fait pour encourager la bonne gouvernance, au contraire, on dissuade les gens », déplore-t-il, souhaitant que les autorités canadiennes profitent de la visite du président sénégalais pour aborder ces questions. « On dit partout qu'on partage les mêmes valeurs de démocratie, de lutte contre la corruption, et cetera, lance Fadel Barro. Il faut le lui rappeler. » Le cabinet du premier ministre Justin Trudeau n'a pas voulu indiquer si une rencontre est prévue entre les deux hommes.

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