Il est vrai que le Sénégal est l’un des pays où la vie est plus chère en Afrique, et que Dakar fait effectivement partie du top 10 des villes les plus chères au monde. A compter de l’année 2020, les prix ont grimpé de plus de 50% au Sénégal, alors, qu’à part les fonctionnaires qui ont pu bénéficier d’ajustements salariaux à la hausse entre 2021 et 2022, le pouvoir d’achat des sénégalais n’a pas évolué. Cette hausse exorbitante des salaires dans la fonction publique est un autre débat qui est de plus en plus agité à juste titre. En effet, la masse salariale de l’Etat se situe actuellement à 106 milliards francs CFA par mois, phagocytant, avec le service de la dette, près de 60% des recettes de l’Etat.
La vérité est que les aspirations de souveraineté et d’indépendance économiques ne peuvent être concrétisées qu’après un processus et une dynamique de ruptures politiques et économiques sur quelques années, l’année 2024 n’en est que le point de départ. D’un point de vue incrémental, l’existant et l’Etat actuel de notre économie est encore trop malingre et étriquée pour servir de base d’accélération de la réalisation de ces aspirations de notre peuple à la souveraineté et à l’indépendance économiques. La déclaration du Ministre des finances et du budget lors de sa passation de service est claire, même elle n’annonce rien de nouveau, puisque l’économie sénégalaise est depuis plusieurs années en difficultés permanentes et récurrentes. Toutefois, dans le contexte actuel, le mot « difficulté », est plus négativement chargé, tant le régime déchu a prostré l’économie sénégalaise dans tous ses fondements collectifs. Et les malversations ont atteint leur pic dans la période 2012-2024.
Il faut, cependant, savoir tirer les leçons du passé récent et tenir compte des vulnérabilités et de la dépendance encore profondes de l’économie sénégalaise. Il faut éviter les éternels recommencements dus à des actions d’urgence sans calcul économique, ni arbitrage, ni stratégie adéquats. En 2012, le régime de Macky SALL s’est rapidement investi dans la baisse des prix des denrées alimentaires et la mobilisation de fonds conséquents pour des transferts sociaux. D’environ 6% en moyenne dans la période 2008-2011, le taux d’inflation a été maintenu en moyenne à moins de 0,5% entre 2012 et 2015. Ces actions ont ainsi contracté le PIB en volume et pénalisé la croissance économique qui a été de 3,7% en 2012, 2,6% en 2013 et 4% en 2014. La lutte contre l’inflation a plutôt évincé les préoccupations de création de richesses et d’emploi en contractant le PIB nominal. C’est ce que les économistes désignent par ratio de sacrifice, depuis la relation de Phillips (1961) montrant que la baisse des prix s’accompagne normativement d’une aggravation du chômage.
En même temps, le clientélisme politique avait fait exploser les charges salariales de l’Etat qui sont passées de 54 milliards à près de 75 milliards francs CFA mensuels. Les marges de manœuvre financières de l’Etat étaient donc très faibles au moment où il fallait trouver 9 700 milliards de francs CFA pour la phase 1 du Plan Sénégal Emergent (PSE) à partir de l’année 2014. Tenaillé entre une mécanique de création de richesses trop faible et des dépenses publiques débridées, l’Etat sénégalais a donc dû se ruer vers l’endettement externe durant toutes les deux phases du PSE. Le ratio dette sur PIB est ainsi passé d’environ 40% en 2014, à plus de 75% maintenant. Ce service de la dette, combiné aux autres charges incontrôlées de l’Etat, est un de ces goulots qui ont étranglé jusqu’ici le potentiel de financement des secteurs clés de l’économie comme l’agriculture et la révolution numérique.
Nous sommes conscients que Diomaye et Sonko ne doivent pas échouer et ils constituent une chance inouïe pour que le Sénégal se hisse en exemple et modèle économique qui aura vocation à inspirer toute l’Afrique. Dès lors la réflexion stratégique ne doit pas être bâclée et elle doit allier une tactique précise et une communication bien adaptée. Notre conviction est que l’inflation est un des sacrifices majeurs que le peuple sénégalais doit endosser, pour permettre au nouveau régime d’avoir les moyens de sa révolution et de lutter de manière conséquente contre le chômage des jeunes. Du fait des vulnérabilités et de l’extraversion encore profondes de notre économie, il faut tenir compte du risque de repli stratégique du côté de ces puissantes multinationales redoutant de payer les frais de ces ruptures. Une telle tendance pourrait faire mal à nos finances publiques dans le court terme.
Il faut déconstruire, sans tarder, cette fausse image de confrontation avec l’occident et la France qui est collée au Président Bassirou Diomaye Faye et au Premier Ministre Ousmane Sonko. L’approche souverainiste développée par Ousmane Sonko ne sous-entend aucunement pas un antagonisme avec les intérêts occidentaux dans nos territoires. Les IDE restent un atout à fortifier, en même temps qu’ils peuvent être un des supports fondamentaux pour relever substantiellement la taille du secteur privé national à travers diverses synergies d’investissements, et de transferts de technologies et de savoir-faire. Il s’agit donc, d’abord, d’une question d’intérêt national et de rupture avec ces pratiques de coopération qui, durant plus de 64 ans, ne nous ont permis ni de nous industrialiser, ni de réduire le chômage et la pauvreté.
En derniers mots, nous appelons le nouveau régime à préférer la croissance économique et la hausse des revenus distribués, plutôt que la contraction des prix. Ces derniers restent une variable très aléatoire encore fortement tributaire de facteurs exogènes que nous ne maitrisons pas du fait des vulnérabilités et la dépendance encore très marquées de notre économie. Dans ce contexte de tensions budgétaires exacerbées, la contraction des prix va mener à des dépenses fiscales indésirables en termes de TVA, en plus de nécessiter des subventions, ce qui va davantage plomber les finances publiques. Il ne faut, néanmoins, ménager aucun effort pour consacrer une bonne partie des économies budgétaires escomptées, aux subventions de certaines denrées alimentaires comme l’huile, la farine, le riz et le sucre. Et pour les autres secteurs comme l’immobilier et le transport, nous suggérons que l’Agence de régulation des marches (ARM) devienne en une Autorité nationale de régulation économique (ANARE). Ce nouvel organe de régulation doit être indépendant, transversale et sans tutelle d’un Ministère, et donc verticalement et horizontalement intégré à tous les secteurs. Il doit être doté de toutes prérogatives et tous les moyens nécessaires à l’encadrement, dans les limites optimales, des tarifs et de la qualité de tous les biens et services.
Pr Elhadji Mounirou NDIAYE,
Economiste.
La vérité est que les aspirations de souveraineté et d’indépendance économiques ne peuvent être concrétisées qu’après un processus et une dynamique de ruptures politiques et économiques sur quelques années, l’année 2024 n’en est que le point de départ. D’un point de vue incrémental, l’existant et l’Etat actuel de notre économie est encore trop malingre et étriquée pour servir de base d’accélération de la réalisation de ces aspirations de notre peuple à la souveraineté et à l’indépendance économiques. La déclaration du Ministre des finances et du budget lors de sa passation de service est claire, même elle n’annonce rien de nouveau, puisque l’économie sénégalaise est depuis plusieurs années en difficultés permanentes et récurrentes. Toutefois, dans le contexte actuel, le mot « difficulté », est plus négativement chargé, tant le régime déchu a prostré l’économie sénégalaise dans tous ses fondements collectifs. Et les malversations ont atteint leur pic dans la période 2012-2024.
Il faut, cependant, savoir tirer les leçons du passé récent et tenir compte des vulnérabilités et de la dépendance encore profondes de l’économie sénégalaise. Il faut éviter les éternels recommencements dus à des actions d’urgence sans calcul économique, ni arbitrage, ni stratégie adéquats. En 2012, le régime de Macky SALL s’est rapidement investi dans la baisse des prix des denrées alimentaires et la mobilisation de fonds conséquents pour des transferts sociaux. D’environ 6% en moyenne dans la période 2008-2011, le taux d’inflation a été maintenu en moyenne à moins de 0,5% entre 2012 et 2015. Ces actions ont ainsi contracté le PIB en volume et pénalisé la croissance économique qui a été de 3,7% en 2012, 2,6% en 2013 et 4% en 2014. La lutte contre l’inflation a plutôt évincé les préoccupations de création de richesses et d’emploi en contractant le PIB nominal. C’est ce que les économistes désignent par ratio de sacrifice, depuis la relation de Phillips (1961) montrant que la baisse des prix s’accompagne normativement d’une aggravation du chômage.
En même temps, le clientélisme politique avait fait exploser les charges salariales de l’Etat qui sont passées de 54 milliards à près de 75 milliards francs CFA mensuels. Les marges de manœuvre financières de l’Etat étaient donc très faibles au moment où il fallait trouver 9 700 milliards de francs CFA pour la phase 1 du Plan Sénégal Emergent (PSE) à partir de l’année 2014. Tenaillé entre une mécanique de création de richesses trop faible et des dépenses publiques débridées, l’Etat sénégalais a donc dû se ruer vers l’endettement externe durant toutes les deux phases du PSE. Le ratio dette sur PIB est ainsi passé d’environ 40% en 2014, à plus de 75% maintenant. Ce service de la dette, combiné aux autres charges incontrôlées de l’Etat, est un de ces goulots qui ont étranglé jusqu’ici le potentiel de financement des secteurs clés de l’économie comme l’agriculture et la révolution numérique.
Nous sommes conscients que Diomaye et Sonko ne doivent pas échouer et ils constituent une chance inouïe pour que le Sénégal se hisse en exemple et modèle économique qui aura vocation à inspirer toute l’Afrique. Dès lors la réflexion stratégique ne doit pas être bâclée et elle doit allier une tactique précise et une communication bien adaptée. Notre conviction est que l’inflation est un des sacrifices majeurs que le peuple sénégalais doit endosser, pour permettre au nouveau régime d’avoir les moyens de sa révolution et de lutter de manière conséquente contre le chômage des jeunes. Du fait des vulnérabilités et de l’extraversion encore profondes de notre économie, il faut tenir compte du risque de repli stratégique du côté de ces puissantes multinationales redoutant de payer les frais de ces ruptures. Une telle tendance pourrait faire mal à nos finances publiques dans le court terme.
Il faut déconstruire, sans tarder, cette fausse image de confrontation avec l’occident et la France qui est collée au Président Bassirou Diomaye Faye et au Premier Ministre Ousmane Sonko. L’approche souverainiste développée par Ousmane Sonko ne sous-entend aucunement pas un antagonisme avec les intérêts occidentaux dans nos territoires. Les IDE restent un atout à fortifier, en même temps qu’ils peuvent être un des supports fondamentaux pour relever substantiellement la taille du secteur privé national à travers diverses synergies d’investissements, et de transferts de technologies et de savoir-faire. Il s’agit donc, d’abord, d’une question d’intérêt national et de rupture avec ces pratiques de coopération qui, durant plus de 64 ans, ne nous ont permis ni de nous industrialiser, ni de réduire le chômage et la pauvreté.
En derniers mots, nous appelons le nouveau régime à préférer la croissance économique et la hausse des revenus distribués, plutôt que la contraction des prix. Ces derniers restent une variable très aléatoire encore fortement tributaire de facteurs exogènes que nous ne maitrisons pas du fait des vulnérabilités et la dépendance encore très marquées de notre économie. Dans ce contexte de tensions budgétaires exacerbées, la contraction des prix va mener à des dépenses fiscales indésirables en termes de TVA, en plus de nécessiter des subventions, ce qui va davantage plomber les finances publiques. Il ne faut, néanmoins, ménager aucun effort pour consacrer une bonne partie des économies budgétaires escomptées, aux subventions de certaines denrées alimentaires comme l’huile, la farine, le riz et le sucre. Et pour les autres secteurs comme l’immobilier et le transport, nous suggérons que l’Agence de régulation des marches (ARM) devienne en une Autorité nationale de régulation économique (ANARE). Ce nouvel organe de régulation doit être indépendant, transversale et sans tutelle d’un Ministère, et donc verticalement et horizontalement intégré à tous les secteurs. Il doit être doté de toutes prérogatives et tous les moyens nécessaires à l’encadrement, dans les limites optimales, des tarifs et de la qualité de tous les biens et services.
Pr Elhadji Mounirou NDIAYE,
Economiste.