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Ousmane Ngom, Djibo ou la valse des mercenaires

Rédigé par Dakarposte le Lundi 10 Octobre 2016 à 15:22 modifié le Lundi 10 Octobre 2016 - 15:23

Ousmane Ngom, Djibo ou la valse des mercenaires
On peut tout reprocher à Macky sauf de n’avoir pas su enrôler les mercenaires de la politique. Il a eu en effet la vista pour en dénicher et pour les mettre à son service. Parmi eux, Ousmane Ngom et Djibo Leyti Ka qui viennent tout juste de s’illustrer par des sorties pour le moins fracassantes.

Le premier, racontant les derniers instants du défunt régime, prétend que Wade  avait voulu confisquer le pouvoir en 2012. “C’est vers 18 heures que je suis allé au Palais pour dire à Me Abdoulaye Wade que les jeux étaient faits car les tendances donnaient Macky Sall vainqueur du deuxième tour. Je lui ai fait savoir que Dieu en a décidé ainsi, mais il me répond que c’est impossible. Ensuite, il ajoute que je suis capable, de par mes fonctions de ministre de l’Intérieur, de renverser les tendances. Je réponds non à la possibilité avant de partir”, lâche d’abord Ousmane Ngom. Et d’enchaîner :  “quinze minutes plus tard, je suis revenu au Palais pour lui faire savoir que les tendances sont lourdes et qu’on n’aura pas 40% des voix. Je lui ai dit d’appeler Macky Sall pour le féliciter, mais il répond, doumako def. Je lui rappelle qu’il avait dit qu’il ne ferait pas moins qu’Abdou Diouf qui l’avait appelé pour le féliciter en 2000. Il  m’a éconduit, mais arrivé à mon bureau, il m’appelle au téléphone pour me demander de lui trouver le numéro de Macky Sall”.

Quelle mouche a donc piqué Ousmane Ngom pour qu’il se laisse aller à cette confidence aussi grave que renversante ? A supposer même que ce soit vrai, pourquoi diantre revenir sur cet incident qui donne de son ancien mentor l’image d’un homme ivre de pouvoir et prêt à tout pour le conserver ? Pourquoi chercher à réinstaller Wade au cœur du débat politique alors qu’il s’est mis volontairement en retrait et coule ses vieux jours à Versailles ? 

En tout cas, on n’avait pas fini de nous indigner de cette sortie fracassante du phénoménal Ousmane Ngom que Djibo Leyti Ka, Secrétaire général de l’Urd, se signale pour sa part par une bombe à l’effet encore plus dévastateur. Car susceptible de mettre en péril la stabilité du pays.  

Dans une déclaration rendue publique par la Direction politique exécutive (DPE) de leur parti, Djibo et ses camarades de l’Urd KA soutiennent ni plus ni moins que «des élections présidentielles et législatives aux locales, il serait possible de voir, ensemble, comment les tenir le même jour ». Et pour cause. « Ceci pourrait favoriser le fait que les mandats qui en sont issus, soient tous désormais, à partir de 2019, de cinq ans », arguent-ils. Mais l’idée est d’autant plus saugrenue qu’elle consacrerait un recul démocratique. Et comme on pouvait s’y attendre, elle n’agrée ni l’opposition ni même certaines composantes de la majorité présidentielle. Tout comme d’ailleurs la surprenante confidence d’Ousmane Ngom à propos de Wade qui aurait cherché à confisquer la victoire de Macky Sall en 2012.

Toujours est-il qu’il serait bien naïf de croire c’est de manière totalement fortuite que Ngom et Ka se sont fait remarquer par ces sorties franchement inopportunes à seulement quelques jours d’intervalle. Peut-être ne se sont-ils pas concertés avant de lâcher chacun sa bombe. Mais ils ont tellement bien joué leur rôle de mercenaire de la politique que leurs initiatives se sont croisées pour produire quasiment le même effet.

Comment ne pas mettre alors en parallèle, voire en corrélation, la confidence détonante de Ousmane Ngom et la proposition étonnante de Djibo. Or, sous ce rapport, il y a deux choses qui sont intéressantes à analyser. A savoir, le contexte et les auteurs de ces deux déclarations qui ont fait les choux gras de la presse dernièrement.

Le contexte est en effet marqué par la pression de plus en plus forte de l’opposition et de la société civile sur l’affaire Pétrotim, par la marche programmée de l’opposition pour le 14 octobre prochain et par le lancement de la campagne de confection des cartes d’identité biométriques et donc de la refonte du fichier électoral.

Quant au profil des auteurs de ces sorties fortement médiatisées, on remarque que Ngom et Ka sont tous les deux d’anciens Ministres de l’Intérieur, donc de fins stratèges qui savent comment opérer pour contrôler l’opinion. Ils ont en plus la réputation, tous les deux, de ne jamais rechigner à faire le sale boulot.

Sous ce rapport, leurs sorties publiques, en plus d’intervenir de façon quasi simultanée, visent toutes les deux à créer le contre-feu et la diversion. Un contre-feu bien évidemment par rapport à l’affaire Pétrotim où l’actuel régime est manifestement mal à l’aise.

Mais ces deux alliés du Président parmi les plus zélés visent aussi à créer la diversion. Par rapport d’abord à la marche programmée de l’opposition que la majorité aimerait bien torpiller. A ce propos, on a même vu un quotidien de la place appartenant à un patron de presse qui revendique ouvertement son amitié avec le couple présidentiel consacrer dernièrement sa Une à la coïncidence entre cette marche de l’opposition et l’ouverture de la cession parlementaire. Comme pour préparer l’opinion à son interdiction par l’autorité préfectorale au motif naturellement de « risque de troubles à l’ordre public ». N’est-ce pas que la marche programmée le même jour par la Convergence des jeunesses républicaines (Cojer) participe aussi du même objectif ? A savoir, fournir un bon alibi à l’autorité administrative pour faire annuler la manifestation prévue pourtant de longue date par l’opposition.

L’autre diversion que cherche à provoquer notamment Djibo à travers sa proposition d’un report de tous les scrutins en 2019, est relative à la campagne de confection de nouvelles cartes d’identité et son corollaire, la refonte du fichier électoral. On se souvient qu’à propos de la dite refonte, l’opposition avait accusé la majorité d’avoir conditionné toute réinscription sur les listes électorales à une confirmation par l’électeur juste pour empêcher à un grand nombre de Sénégalais de voter. Et ce, pour rendre les scrutins moins populaires et donc moins risqués pour le pouvoir en place. Or, comme par hasard, la proposition de report formulé par le patron de l’Urd est manifestement de nature à freiner l’engouement des Sénégalais à se faire réinscrire sur ces fameuses listes électorales.

Enfin, il se cache un dernier calcul tout aussi politicien derrière la proposition du leader de l’Urd. Car, aller vers un triplage des élections (présidentielle, législatives et locales), c’est d’abord gêner Khalifa Sall et ses compagnons de Taxawu Dakar qui ne pourraient plus faire des législatives de 2017 une rampe de lancement pour la présidentielle 2019. Mais, c’est aussi empêcher le Pds d’avoir l’opportunité de tester la validité de la candidature de Karim Wade aux législatives de 2017 pour savoir la conduite à tenir en 2019. Décidément, Djibo Ka comme Ousmane Ngom n’ont pas claqué la langue juste pour le plaisir de parler. Ils ont agi en bons mercenaires de la politique. Pourvu simplement qu’ils aient agi de leur propre chef et non en intelligence avec leur donneur d’ordre. Ce qui serait bien grave.     

 Momar Diongue

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