Comment avez-vous jugé l’attitude du journal le Monde qui donne l’information pour se contredire par la suite ?
Il est très rare que ce journal fasse publier des rectificatifs. Mais dans ce cas d’espèce, il est inexcusable qu’un journalise puisse inventer des noms qui ne figurent pas dans le document qu’il exploite. Et comme le journaliste du Monde a bien expliqué que le nom de Macky Sall ne figurait pas dans le document sur lequel il a travaillé et que lui-même n’a jamais cité le nom de Macky Sall qui n’est apparu que sur le site, il me semble qu’un esprit malin a glissé un élément qui ne figurait pas dans l’information originale mais qui a pu mettre en émoi toute la république du Sénégal. Donc, c’est une preuve supplémentaire de la nécessité d’avoir une meilleure maîtrise des publications sur le web qui souvent partent d’une information intéressante mais la font diriger vers la désinformation. C’est véritablement cela que signifie désinformation. C’est-à-dire partir d’une situation vraie mais présentée dans des formes qui peuvent déstabiliser un adversaire ou mettre en ébullition une situation que l’on veut embrouiller.
Il est sûr que lorsqu’un journal réputé sérieux se livre à ce genre d’exercice, il n’est jamais totalement innocent. Maintenant, les grands journaux comme Le Monde ont une version papier, une version électronique et une version en ligne. Tout cela se complique puisque l’internet permet une certaine interactivité. Ou bien alors un traitement de seconde main d’une information déjà publiée dans une version papier. Ce genre de glissement n’est pas évitable à 100%. Mais concernant spécifiquement le cas du Sénégal et de l’implication de Macky Sall dans une affaire, la faute est du journal Le Monde. Il faut qu’il la reconnaisse, il faut qu’il s’en excuse parce qu’il a porté atteinte à son image, à sa crédibilité, à la limite à sa légitimité. Puisqu’il serait élu selon des soutiens financiers illégaux.
Est-ce que cette forme de légèreté pouvait avoir lieu si c’était un président français ou américain ?
Il me semble qu’on ne saurait jamais laisser dire qu’un président ou premier ministre européen a été élu avec l’argent de l’athlétisme mondial sans que Le Monde ne verse des indemnités. Mais avec un chef d’Etat africain, on se permet un peu plus de libertés. Cela rend l’information plus « sexy » de faire savoir qu’avec l’argent de l’IAAF, on peut élire un chef de l’Etat de pays pauvre ou ignorant. Le président africain est perçu comme une marionnette faite pour faire rire beaucoup plus que pour assurer le développement de son pays.
Depuis lors, les réactions des partis politiques se multiplient. Chacun affirme avoir financé sa campagne avec l’argent des responsables et militants. Est-ce plausible ?
Au plan national, cette information a jeté le trouble dans ce monde-là. Ce qui peut se comprendre. Les uns disant, si nous avons été battus, c’est parce que l’autre camp a bénéficié de cet investissement. Et puis ceux qui sont accusés d’avoir profité des largesses de Diack, disant qu’ils n’ont jamais rien reçu. Je pense que c’est un débat inévitable dès l’instant qu’une telle information a été publiée. Mais le problème que cela pose, c’est que ceux qui disent avoir perdu à cause de l’argent de Diack ne sont pas allés au fond des choses, puisque les montants en question sont nettement insuffisants pour financer des élections à quelque niveau que ce soit. Ce que le journaliste devrait savoir. Au fond, le problème ici, c’est celui du financement des partis. En période électorale, il entre beaucoup d’argent dans ce pays. On sait que des chefs d’Etat aujourd’hui décédés comme Mobutu ou Bongo ont souvent aidé financièrement des partis au pouvoir ou dans l’opposition pour leur participation aux campagnes électorales.
D’autre part, il est clair qu’aujourd’hui, avec cette sorte de levée de fonds qui sont effectués à la veille des élections, entrent en jeu, comme cela se fait aux Etats unis, des multinationales qui misent sur tel ou tel candidat pour que sa victoire leur ouvre les portes de l’économie du pays. Que ce soient des sociétés nationales qui passent de sociétés d’Etat à sociétés privées rachetées pour des montants ridicules par des multinationales, des infrastructures à exploiter, des mines, etc., changent de main. Ceux qui bénéficient de ces transferts sont ceux qui investissent sur tel ou tel candidat. C’est comme à la course hippique, on mise sur un cheval pour que sa victoire vous rapporte la fortune. Tout cela favorise le financement de partis selon des proportions et des modalités qui souvent malheureusement échappent à la connaissance de l’opinion.
Faut-il craindre que les campagnes électorales soient une occasion de blanchiment d’argent ?
A la limite, c’est une voie de blanchiment. Tout cet argent qui entre sans qu’on puisse identifier l’origine, les intentions, les manipulateurs, les modalités de transaction, si ce n’est pas du blanchiment, ça en emprunte les formes. Et ça pourrait devenir une source de blanchiment. Le moment est donc venu de mettre de l’ordre dans le financement des partis. Autrefois, ce qui se faisait, c’est que chaque candidat avait ses bailleurs connus. Mais on ne connaissait pas les montants et les modalités. Tout ce qu’on voyait, c’est que les partis pauvres deviennent brusquement prospères.
Cela doit nous pousser à poser les bonnes questions pour mettre le pays à l’abri de l’argent qui maintenant a des origines tellement diverses que ça peut à la limite même être de l’argent de l’intégrisme religieux. On sait que l’Etat islamique bénéficie maintenant de beaucoup d’argent. Pourquoi ne pas essayer de conquérir par les urnes cet Etat qu’ils s’acharnent à conquérir par les armes ? C’est une hypothèse qui n’est pas complètement dénouée de sens et qui mérite qu’on s’y penche.
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