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CHRONIQUE - RÉBELLION OU SOUMISSION : SERIGNE ASSANE, ENTRE LE MARTEAU DU POUVOIR ET L'ENCLUME DU KHALIFE

Rédigé par Dakarposte le Mardi 6 Octobre 2015 à 10:09 modifié le Mardi 6 Octobre 2015 - 10:12

Babacar Mbaye
Lepeuple.sn


​Serigne Assane Mbacké. Son nom est inscrit dans les annales de l’histoire politique du Sénégal. Et la frilosité du pouvoir de Macky Sall, enclin à emprisonner avec ou sans raison, y aura joué un rôle déterminant. En proie à une diabolisation accrue dans les médias, le jeune chef religieux qui a fini de comprendre les mécanismes du système politique sénégalais, tire toute la gloire de son séjour carcéral. Il a compris que son avenir, en politique, dépend de sa capacité à porter l’estocade, à s’ériger en bouclier devant les abus d’un pouvoir qui fait de la répression des opposants son activité de prédilection.



Macky Sall, le meilleur attaché de presse de Assane Mbacké 
Le jeune chef religieux réputé proche de Karim Wade devrait remercier le président Macky Sall. Ce qu’il fera d’ailleurs dès sa sortie de prison, une étape de sa vie qu’il conçoit tel un stage à la Maison d’arrêt et de correction (Mac) de Diourbel où il a purgé une peine de plusieurs mois, derrière les barreaux. Petit-fils de Serigne Fallou Mbacké, Serigne Assane a très tôt pris goût à la chose politique, à la célébrité, à monter sur les podiums de l’actualité d’où il ne descendra pas de sitôt. Pour faire sa publicité, le jeune mara s’est offert gratuitement les meilleurs attachés de presse du Sénégal, Macky Sall et son gouvernement, ses ministres et députés ou simples soutiens, habitués à réagir, par tirs groupés à chaque sortie d’un opposant. C’est ainsi qu’il faut interpréter les actes posés par Assane Mbacké, consistant à braver l’autorité politico-judiciaire qui lui interdit toute prise publique de parole. Mais on savait déjà que le pouvoir n’irait pas au-delà de l’emprisonnement, et que le jeune marabout n’allait pas s’exécuter devant une décision judiciaire aux motivations politiques, qui méritent qu’on s’y attarde un peu. Car il est du reste incompréhensible qu’en démocratie, qui plus est en république, qu’un acteur politique soit formellement interdit de parole comme dans une monarchie où la censure est de rigueur. C'est l'envoyer à la retraite et Assane Mbacké n'est point obligé de leur faciliter la tâche. 
En effet, cet acte anti-démocratique qui s’avère être une violation flagrante des droits de la personne humaine, du droit à la libre expression, ne peut avoir sa place dans un pays comme le nôtre, un modèle de démocratie vanté à travers le monde, mais devenu méconnaissable depuis que la justice sénégalaise, sous Macky Sall, se laisse instrumentaliser par des interdictions arbitraires de rassemblements politiques, de sortie du territoire pour des personnes soupçonnées d’enrichissement illicite. Un club restreint qui accueille dorénavant en son sein, tout opposant teigneux, jugé encombrant par le régime en place. C’est le cas de Assane Mbacké, qui a fini de décoder les mécanismes d’un système politique répressif, qui le sert sans le vouloir. 


Modou Sidy Mbacké, un cas d’école 
Mais aujourd’hui, c’est sur le terrain religieux et non politique que le débat glisse progressivement, s’il n’est en train de dériver gravement. Un débat malsain d’autant que les proches du pouvoir veuillent dire de Serigne Assane qu’il défie l’autorité religieuse de Touba. Un mensonge grotesque, un amalgame notoire fait à dessein et entretenu volontairement dans les médias. Est-il besoin de rappeler que le jeune loup aux dents longues avait, dès le début, en sa qualité de citoyen d’un pays libre, annoncé la couleur, en s’engageant en politique, mais dans l’opposition. Si bravade envers l’autorité religieuse il y a, les hommes politiques de Touba, les marabouts et politiciens connus dans la ville sainte, engagés pour certains parmi eux aux côtés du pouvoir, encagoulés ou à visages découverts, devraient être indexés en premier. Car c’est sous Macky Sall qu’on aura vu un fils du Khalife, inscrit sur des listes électorales avant d’être sévèrement battu par ses adversaires politiques, lors des dernières élections locales de juin 2014. 
Ainsi donc, vouloir interdire à Serigne Assane de mener des activités politiques s’avère un non-sens, une mauvaise interprétation faite à dessein, de la dernière sortie d’un Khalife qui préférerait certes que ses petits-enfants retrouvent le chemin des champs ou des daaras. On ne peut pas refuser à Serigne Assane ce qui est autorisé à des membres et proches de la famille religieuse de Touba. Assane Mbacké, qui ne s’est pas jusqu’ici inscrit dans une dynamique d’opposition, de défiance ou de rébellion à l’endroit de l’autorité de Touba, reste membre de la phratrie mouride et de ce fait, une personne libre comme bien d’autres dans le milieu mouride, de s’engager dans l’opposition ou ailleurs. D’ailleurs n’est-il pas dans son rôle d’opposant lorsqu’il foule au pied une décision judiciaire aux soubassements politiques, destinée à le museler pour des raisons politiques. Le même procédé a failli coûter la liberté à un autre jeune marabout, le tonitruant Modou Sidy Mbacké, petit-fils de Serigne Abdou Lahad que le couple présidentiel a manqué de jeter derrière les barreaux, n’eût été… 
Entre le marteau du pouvoir et l'enclume du khalife, les jeunes marabouts sont souvent rappelés à l'ordre au besoin, par la hiérarchie, mais jamais jetés en pâture quel que soit ce qui peut leur être reproché. 
Arrêté puis déféré au lendemain de ses déclarations fracassantes relativement à l’incendie des deux maisons du député et vice-président de l’Assemblée nationale, Moustapha Cissé Lô, Serigne Assane fait partie de cette génération de politiciens qui ont compris, qu’avec le régime actuel, il faut se taire et se faire oublier ou piétiner, ou faire face pour survivre. Un régime qui réfléchira à deux fois avant de commettre l’erreur qui consiste à emprisonner le jeune chef religieux, une seconde fois. Enfin, si les Sénégalais croient avec ou sans raison que la prison peut constituer un raccourci vers le palais, l’on peut dire sans risque de se tromper, que l’étape carcérale aura été pour le jeune chef religieux, Assane Mbacké, le prix de la célébrité. Laquelle peut ouvrir bien des portes. 

 

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