Qui va s'installer à Matignon et quand ? Cinq jours après les résultats des élections législatives, la France attend toujours de savoir qui sera son ou sa Première ministre. À gauche, même si le nom d'Huguette Bello est évoqué depuis vendredi 12 juillet, le bras de fer s'intensifie entre les insoumis et les socialistes, qui tardent à s'accorder sur une proposition pour Matignon. Au sein de la macronie, la désunion irrite le président, qui a déploré vendredi le "spectacle désastreux" donné par son camp cette semaine.
Sans aucune formation politique n'ayant atteint la majorité absolue des 289 députés, de nombreux scénarios restent sur la table pour sortir du blocage : cohabitation, coalition, gouvernement minoritaire... voire un gouvernement technique qui pourrait être mis en place pour éviter une longue période d'instabilité.
Composé de personnes sans affiliation partisane – comme des hauts fonctionnaires, des techniciens ou des spécialistes dans des domaines spécifiques –, ce cabinet garantirait la continuité du service public avec le soutien ponctuel des différentes forces politiques de l'Assemblée. L'objectif est de faire consensus pour que le gouvernement ne soit renversé par aucune motion de censure. Une solution généralement transitoire, en attendant une alternative plus stable.
"Dossiers urgents" et "administration quotidienne"
Dans la tradition constitutionnelle française, le terme de "gouvernement technique" n'existe pas. Les spécialistes établissent cependant un lien avec les "affaires courantes" qui existaient sous la IVe République. "Celles-ci désignaient la période durant laquelle un gouvernement démissionnait et qu'un nouveau n'était pas encore formé", explique Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à l'université Jean Moulin-Lyon 3, spécialisée en droit constitutionnel. "Le gouvernement en charge des affaires courantes ne pouvait prendre aucune initiative politique, se limitant à la gestion des dossiers urgents et à l'administration quotidienne du pays."
Si le pays n'a jamais connu de gouvernement purement technique, des membres de la "société civile" ont déjà été nommés à des postes ministériels importants malgré leur absence de carrière politique, comme Nicolas Hulot à l'Écologie en 2017, Éric Dupond-Moretti à la Justice en 2020, ou Amélie Oudéa-Castéra aux Sports en 2022.
D'après la constitutionnaliste, "il serait préférable de choisir au poste de Premier ou Première ministre quelqu'un capable de rassembler un large consensus, compte tenu du risque de voir l'Assemblée nationale perdre patience et renverser un gouvernement qui chercherait à faire passer une réforme trop marquée politiquement. De plus, la nomination d'un haut fonctionnaire à ce poste n'exclut pas son éventuelle implication future dans la sphère politique".
Un modèle emprunté à la politique italienne
Ce schéma s'est déjà répété à plusieurs reprises en Italie, comme avec Mario Draghi entre 2021 et 2022 pour débloquer une impasse parlementaire. Le président du Conseil italien avait ainsi pu rassurer les marchés quant à l'état des finances du pays, mais le pays a ensuite connu l'accession au pouvoir de Giorgia Meloni et de son parti d'extrême droite, Fratelli d'Italia, en 2022.
"Les partis qui ne renverseront pas un tel gouvernement en France feront preuve d'un véritable esprit sacrificiel, privilégiant l'intérêt général à leurs intérêts partisans", analyse Benjamin Morel, politologue et maître de conférences en droit public à l'université Paris 2. "L'avantage d'un tel modèle, c'est que, sans couleur politique, les députés se libéreraient d'un certain fardeau et d'une partie de la responsabilité des décisions difficiles à prendre, comme le vote du budget au sein d'une large coalition par exemple."
Récemment, plusieurs figures politiques ont plaidé pour un gouvernement technique, comme le vice-président du RN, Sébastien Chenu : "Aucune solution n'est satisfaisante, à part au mieux une sorte de gouvernement technique sans étiquette politique", a-t-il estimé vendredi sur RMC. Même discours pour le centriste Hervé Morin, qui a affirmé sur Europe 1 que "le désordre qu'a créé le président de la République va nous amener à un gouvernement technique".
Mais cette approche est généralement perçue comme une mesure temporaire. En confiant les rênes du pays à des experts, l'hypothèse d'un gouvernement technique risque d'écarter la dimension politique du débat public. "Le danger est d'assister à une forme de dépolitisation et d'aller vers une technocratie", pointe Benjamin Morel. "Cela pourrait aussi générer un sentiment d'élection 'volée', où les citoyens auraient l'impression que leur choix n'a pas été respecté, alors que le scrutin a beaucoup mobilisé."
Sans aucune formation politique n'ayant atteint la majorité absolue des 289 députés, de nombreux scénarios restent sur la table pour sortir du blocage : cohabitation, coalition, gouvernement minoritaire... voire un gouvernement technique qui pourrait être mis en place pour éviter une longue période d'instabilité.
Composé de personnes sans affiliation partisane – comme des hauts fonctionnaires, des techniciens ou des spécialistes dans des domaines spécifiques –, ce cabinet garantirait la continuité du service public avec le soutien ponctuel des différentes forces politiques de l'Assemblée. L'objectif est de faire consensus pour que le gouvernement ne soit renversé par aucune motion de censure. Une solution généralement transitoire, en attendant une alternative plus stable.
"Dossiers urgents" et "administration quotidienne"
Dans la tradition constitutionnelle française, le terme de "gouvernement technique" n'existe pas. Les spécialistes établissent cependant un lien avec les "affaires courantes" qui existaient sous la IVe République. "Celles-ci désignaient la période durant laquelle un gouvernement démissionnait et qu'un nouveau n'était pas encore formé", explique Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à l'université Jean Moulin-Lyon 3, spécialisée en droit constitutionnel. "Le gouvernement en charge des affaires courantes ne pouvait prendre aucune initiative politique, se limitant à la gestion des dossiers urgents et à l'administration quotidienne du pays."
Si le pays n'a jamais connu de gouvernement purement technique, des membres de la "société civile" ont déjà été nommés à des postes ministériels importants malgré leur absence de carrière politique, comme Nicolas Hulot à l'Écologie en 2017, Éric Dupond-Moretti à la Justice en 2020, ou Amélie Oudéa-Castéra aux Sports en 2022.
D'après la constitutionnaliste, "il serait préférable de choisir au poste de Premier ou Première ministre quelqu'un capable de rassembler un large consensus, compte tenu du risque de voir l'Assemblée nationale perdre patience et renverser un gouvernement qui chercherait à faire passer une réforme trop marquée politiquement. De plus, la nomination d'un haut fonctionnaire à ce poste n'exclut pas son éventuelle implication future dans la sphère politique".
Un modèle emprunté à la politique italienne
Ce schéma s'est déjà répété à plusieurs reprises en Italie, comme avec Mario Draghi entre 2021 et 2022 pour débloquer une impasse parlementaire. Le président du Conseil italien avait ainsi pu rassurer les marchés quant à l'état des finances du pays, mais le pays a ensuite connu l'accession au pouvoir de Giorgia Meloni et de son parti d'extrême droite, Fratelli d'Italia, en 2022.
"Les partis qui ne renverseront pas un tel gouvernement en France feront preuve d'un véritable esprit sacrificiel, privilégiant l'intérêt général à leurs intérêts partisans", analyse Benjamin Morel, politologue et maître de conférences en droit public à l'université Paris 2. "L'avantage d'un tel modèle, c'est que, sans couleur politique, les députés se libéreraient d'un certain fardeau et d'une partie de la responsabilité des décisions difficiles à prendre, comme le vote du budget au sein d'une large coalition par exemple."
Récemment, plusieurs figures politiques ont plaidé pour un gouvernement technique, comme le vice-président du RN, Sébastien Chenu : "Aucune solution n'est satisfaisante, à part au mieux une sorte de gouvernement technique sans étiquette politique", a-t-il estimé vendredi sur RMC. Même discours pour le centriste Hervé Morin, qui a affirmé sur Europe 1 que "le désordre qu'a créé le président de la République va nous amener à un gouvernement technique".
Mais cette approche est généralement perçue comme une mesure temporaire. En confiant les rênes du pays à des experts, l'hypothèse d'un gouvernement technique risque d'écarter la dimension politique du débat public. "Le danger est d'assister à une forme de dépolitisation et d'aller vers une technocratie", pointe Benjamin Morel. "Cela pourrait aussi générer un sentiment d'élection 'volée', où les citoyens auraient l'impression que leur choix n'a pas été respecté, alors que le scrutin a beaucoup mobilisé."