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Affaire Adja Astou- Les raisons d’un pardon

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 19 Mai 2016 à 12:27 modifié le Dimanche 26 Mai 2019 - 16:56

 Affaire Adja Astou-  Les raisons d’un pardon
Au Sénégal, les émissions qui touchent la description et l’analyse des faits sociaux sont souvent confiées à des animateurs qui ne sont pas habilités à aborder ces thématiques aussi complexes que sensibles.
Ces émissions qui devraient êtres minutieusement préparées sont prises à la légère, avec des plateaux qui réunissent des animateurs et des invités non spécialistes, qui avancent généralement des affirmations sur la base des préjugés, de l’expérience personnelle, voire de simples rumeurs.
En effet, depuis un certain temps, il est rare de rester une semaine, sans entendre une dérive verbale grotesque dans la presse, lors des émissions confiées à des amateurs qui s’ignorent.
Face à l’indignation collective ou précisément à celle de la communauté visée, l’auteur (e) des propos incriminés finit toujours par présenter ses excuses. Et puis, on passe à autre chose, en attendant la prochaine sottise.
Heureusement, on est au Sénégal, un pays particulièrement spécial, en matière de cohésion sociale.
Adja Astou, actuellement entre les mains de la justice, pour avoir affirmé sur un plateau de la chaîne 7TV, que les vieux halpoular s’adonnaient à des actes de viols sur des enfants dans les maisons, fait sûrement partie de cette catégorie de personnes qui n’ont pas leur place dans des débats sur des phénomènes sociaux.
Dès lors, il importe de rappeler brièvement des faits qui permettent de justifier cette vague d’indignation.
Elle a indexé clairement des personnes âgées, originaire du Fouta Toro, berceau de la religion musulmane au Sénégal et, dans une certaine mesure, en Afrique Sub-saharienne.
S’il y a une identité, un signe distinctif, qui permet de désigner les vieux halpoular, c’est certainement le fait d’être des sunnites convaincus.
Ces vieux qui passent autant de temps dans les mosquées que dans leur propre domicile, qui rechignent même à regarder une femme pour des raisons purement religieuses, peuvent être qualifiés de tout sauf de s’adonner à des actes aussi odieux que le viol.
Et pire encore, un viol à domicile, sur des membres de leur famille.
De l’inceste !
D’ailleurs, le Daka de Médina Gounasse, initié par El Hadj Mamadou Saydou Ba, qui regroupe actuellement des milliers de personnes, principalement venues du Fouta Toro et de sa diaspora, est conçu pour offrir justement à ces vieux un cadre idéal, où ils pourront observer scrupuleusement les préceptes de l’islam.
Cet événement religieux majeur, l’un des plus stricts de ce pays, exclut la présence de la femme, pour éviter toute tentation diabolique.
Voilà les vieux qui sont qualifiés de spécialistes du viol à domicile!
Ces vieux-là n’ont que leur dignité et leur foi en Dieu.
C’est la raison de leur existence sur terre.
Si on les leur dénie, il ne leur restera plus rien.
Voilà les raisons de cette vive indignation !
Le fait qu’Adja soit une fille de Peul rend encore la situation beaucoup plus grave, dans la mesure où l’on serait tenté de penser qu’elle parle en toute connaissance de cause.
Elle pourrait probablement parler d’une expérience personnelle ou d’un fait de cette nature dont elle eu écho ou dont elle est témoin.
Voulait-elle parler d’autre chose, comme le mariage précoce ou forcé, par exemple ?
Elle est la seule à pouvoir apporter cette précision.
En tout cas, ce n’est pas ce qu’elle a dit en présentant ses excuses.
Par ailleurs, faire partie d’une société ne signifie pas être habilité à en parler.
Pour connaître une société et avoir la légitimité d’en parler, il faut plusieurs années d’études dans les laboratoires d’anthropologie, d’ethnologie et de sociologie, pour ne citer que ces disciplines.
Concernant cette affaire, étant donné qu’elle s’est excusée, je crois qu’on peut s’en contenter et la laisser vaquer tranquillement à ses occupations.
Mieux, il faut l’aider comme une fille, comme une sœur.
D’abord, il convient de lui donner l’occasion de se justifier, de donner ses raisons, si toutefois elle en détient.
Ensuite, lui reconnaître éventuellement sa part de vérité, aussi infime soit-elle et essayer d’en tenir compte pour améliorer la société.
Enfin, il s’agira de lui montrer en quoi consiste son erreur car, parfois, certaines choses, aussi vraies soient-elles, ne sont pas à dire publiquement.
Et puis, en matière de sciences humaines et sociales, il est conseillé d’être nuancé, d’éviter les conclusions hâtives car c’est un domaine caractérisé par la variabilité.
Tout change du jour au lendemain. La société évolue, à l’image des êtres humains qui la composent. Elle n’est pas figée, statique.
En définitive, ces crises sont normales dans la marche d’une communauté. Elles font partie de ce qui permet aux uns et aux autres de faire leur propre introspection et de s’améliorer.
Malheureusement, ces mutations sociales ne se font pas sans des victimes.
Peut-être, Adja Astou en fait partie. Prions pour qu’elle puisse surmonter cette épreuve.



Ce texte est ma part du pardon !
Dr. Amadou SOW
UCAD

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