Ibrahima Bachir Dramé est un expert pétrolier. En connaisseur, il apporte sa touche technique au tollé national soulevé par l’affaire Petrotim.
Le débat houleux autour du pétrole et du gaz a pris une nouvelle tournure. L’opposition menace même de porter plainte contre le frère du Président Sall, Aliou, entre autres. Quelle appréciation en faites-vous ?
«Le problème, c’est de voir comment les gens vont s’y prendre ? A quel titre vont-ils porter plainte contre Aliou Sall ? Il faut qu’ils fassent la part des choses, en faisant très attention. Car la question pétrolière renvoie à beaucoup de référents qui ont trait à l’ordre juridique institutionnel, au régime des investissements pétroliers et surtout à l’émergence d’un régime juridique international et au règlement des différends entre les Etats sur la Convention de Washington. Ce débat n’est pas bénéfique pour le pays. Les gens ont posé la question du plan de péremption, tout en oubliant que ledit plan est un droit contractuel. Si le bénéficiaire décide de créancier, il souscrit aux conditions financières demandées par le vendeur. Est-ce que le Sénégal était dans les dispositions de le faire ? Les entreprises pétrolières protègent leurs intérêts. En réalité, l’Etat sénégalais n’a rien perdu dans cette affaire de pétrole et de gaz. Le chiffre de 600 milliards francs Cfa de perte annoncée n’existe pas.»
A ce titre, l’opposition n’est-elle pas techniquement en train de faire fausse route ?
«Sur l’aspect technique, l’opposition est en train de faire fausse route. Il y a beaucoup de contre-vérités et d’amalgames qui entourent cette affaire. Les gens sont entrés dans une spirale politique. Notre pays est à la croisée des chemins, il ne faut pas jeter le discrédit sur lui et hypothéquer ses chances d’investissement sur le pétrole. A ce rythme-là, les gens vont réussir à faire fuir les éventuels investisseurs et hypothéquer les chances du Sénégal de figurer parmi les pays ayant réussi la révolution du pétrole. La question du pétrole est une affaire d’experts et d’expertise, il ne faut pas en faire une affaire politique. Mais les gens créent la confusion en disant par exemple qu’il y a plus de mille métiers qui peuvent être dérivés du pétrole. C’est faux, inexact. La réalité, c’est qu’il n’y a que cinq-cent métiers codifiés du pétrole.»
Selon vous, qu’est-ce qu’il urge de faire pour que ce débat autour du pétrole n’impacte pas négativement sur l’économie du pays ?
«La solution réside dans le dialogue avec les autorités, dans un cadre de concertation élargi. Où les gens vont réfléchir sur comment investir dans le futur sur le pétrole sénégalais, en termes d’investissements humains, de ressources humaines, de formation et de technicité. L’agenda économique doit prendre le pas sur la politique, ça doit être le combat. Ce jeu autour du pétrole peut mener à la violence. Ce qui n’est pas bon pour notre pays. Il faut penser aux générations futures, qui ne méritent pas un pays en lambeaux et penser à tous ceux qui se sont battus pour que ce pays soit une référence démocratique en Afrique. Les gens doivent revenir à des sentiments assez patriotiques pour informer juste et vrai et avoir le courage d’aller à la table de discussion afin de trouver des points de convergence et régler le problème. Le décret présidentiel qui met sur pied un Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz est une bonne initiative.»
IBRAHIMA KANDE (L’OBSERVATEUR)