Tout d’abord, observons que le Cameroun traverse depuis plus de 24 mois, une des périodes les plus troubles et critique de son histoire. Notre pays est, à quelques exceptions prêtes, en train de prendre le chemin dangereux de la guerre civile. Le septième mandat que brigue le Président Paul Biya, «n’augure rien de bon». Candidature de trop au regard d’un contexte national et régional explosif. Le Cameroun, pays d’Afrique centrale fait face à une triple menace. Dans l’Extrême-Nord, ses troupes sont toujours engagées dans une guerre qui s’enlise, malgré les succès notoires, contre les terroristes de Boko Haram. À l’Ouest, l’intégrité territoriale est remise en cause par une poignée de camerounais. Ici des camerounais tirent sur d’autres. De fil en aiguille, cette guerre asymétrique a entraîné la révolte des anglophones qui maintenant conteste leur trop longue «marginalisation», entraînant le pays dans un véritable conflit armé. Frontalier d’une Centrafrique qui peine à retrouver sa stabilité après la guerre civile, l’Est du Cameroun subit, quant à lui, les répercussions des affrontements, toujours en cours, entre différents groupes armés centrafricains… on constate donc bel et bien que le Cameroun fait face, ainsi, à une triple métastase: terrorisme dans le Nord, sécession dans l’Ouest et éventrement à l’Est. Ensuite, deuxième Président du Cameroun indépendant, la candidature de Biya intervient alors que le continent est parcouru, depuis quelques années, par un vent de contestation des vieux dirigeants, symbolisant, aux yeux des populations, l’échec des régimes post-indépendance et des liens ambigus persistants avec les anciennes puissances coloniales. De plus, 36 ans de mal gouvernance d’un régime dictatorial de thuriféraires gérontocrates qui ne veulent à aucun prix laisser le pouvoir, a clochardisé notre beau pays avec ses pratiques ésotériques sataniques. Leur plus grand trophée étant de diviser les enfants vivant au terroir et ceux de la diaspora. Alors qu’ensemble, ils seraient plus forts et feraient du Cameroun le pays leader d’Afrique. D’ailleurs, la sous-région d’Afrique centrale où règnent des Présidents «mal élus» n’est pas en reste. Le bassin du Congo, cœur des ténèbres de la démocratie en Afrique est en ébullition. Au Gabon ou en RDC (République démocratique du Congo), les transitions se font de père en fils, alors qu’à la tête du Congo Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso cumule plus de trente ans de pouvoir. Dans ces pays voisins du Cameroun, les contestations, notamment électorales, sont souvent réprimées à coups de crosse. Dans ce contexte, la dégradation de la situation camerounaise suite à une réélection de Biya sera à ne pas en douter «une menace à la stabilité de toute la sous-région». Au vu du contexte national que régional dans cette poudrière du continent qu’est l’Afrique centrale, l’on peut affirmer sans se tromper que toutes les conditions sont réunies pour une déflagration dramatique. En effet, quand on martyrise une partie de la population, il faut s’attendre à ce qu’elle se rebelle. Le Libéria, le Rwanda, la Sierra Leone, la RDC …. Toutes ces guerres civiles ont eu pour dénominateur commun les pressions du régime sur une ethnie, une partie de la population ou la majorité du peuple qui ne se reconnaît plus sur les agissements de ses gouvernants. Plus grave encore, la présence de plus en plus importante des membres des gouvernements successifs dans nos prisons pour détournement, prouve à souhait la déliquescence de l’aura de notre président. Jamais l’unité du Cameroun, pays hétérogène et complexe, n’a été aussi fragile qu’aujourd’hui. Le pays connaît un recul extraordinaire, la conscience tribale et ethnique est avivée au plus haut point. Nombreux sont ceux qui estiment que le changement, à l’état actuel des choses, ne peut pas passer par les urnes, mais au bout du fusil. On est forcément en droit de se demander si ce régime ne joue pas contre les intérêts de son peuple. Enfin, après les différentes lettres ouvertes que j’avais adressé au peuple camerounais et au président de la république, dans lesquelles j’attirais leurs attentions sur le fait qu’organiser à l’heure actuelle n’importe quelle élection au Cameroun serait un suicide, force est de constater que le régime pour des raisons de calendrier personnel s’entête dans l’organisation de la présidentielle. Il serait fort dangereux de se complaire à l’autosatisfaction, aux motions de soutien et de s’enfermer dans le piège de la réduction à la mobilisation du seul parti : Le RDPC. Le président BIYA ayant cédé aux démons du pouvoir sera seul responsable du chaos dans lequel, il laissera ce pays qui lui a tout donné. Une certaine propagande donne l’impression au peuple que le Cameroun se portera mieux après l’élection. Et que ce ne serait qu’une question de temps. C’est archi faux. Ce ne sont que des chimères. La situation ne fait que s’aggraver et je pense tout en espérant me tromper, qu’elle atteindra son paroxysme dans les semaines à venir. Nous, peuple du Cameroun, devons stopper cette mascarade électorale et cette guerre qui n’a été créé que pour conforter un pouvoir en déliquescence. On ne saurait organiser des élections dans une situation sécuritaire aussi fragile, avec un jeu démocratique construit pour faire gagner le candidat en l’occurrence Monsieur Paul BIYA, du parti-Etat qu’est le RDPC. 2- quelle attitude doit adopter le peuple camerounais fasse à cette élection. Il faut que l’on sache que ne pouvant se faire sur l’ensemble du territoire, cette élection montre à suffisance l’existence de deux pays et donnerait à la minorité séparatiste de l’ancien Cameroun Occidental, un argument susceptible de mettre à mal le Cameroun Un et indivisible. Les camerounais, dans leur grande majorité, ont la conviction qu’une minorité de ses fils et filles a pris le pays en otage et a décidé de maintenir par tous les moyens le statu quo, quitte à orchestrer une tuerie à nulle autre pareille alors que le peuple aspire à un Cameroun meilleur. La position qu’a présentement le Chef de l’Etat face à son clan et les monstres qu’il a lui même crée n’est pas enviable et fait presque pitié. Même à la fin de son règne et avec toute son expérience, le vieux Président a oublié que tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute. Son régime vit à ses dépends et depuis des décennies fait de la majorité des élites camerounaises des mendiants. À partir de ce constat, les camerounais doivent s’unir et faire pression sur le régime afin de rejeter la partition du pays. N’ayons pas peur, les idées sont à l’épreuve des balles. Soyons conscients qu’ils ne peuvent pas nous tuer Tous. Et sachons que l’union fait la force et que la foi fait l’union. Aucune dictature ne peut indéfiniment martyriser ses populations, à un moment ou à un autre elle s’écroulera. La meilleure des pressions serait de s’organiser pour ne pas aller voter afin de mettre à nu l’agenda caché de Biya et infliger au régime une sanction irréversible aux yeux de la communauté internationale. Le régime a besoin des images de files d’attente des camerounais devant les bureaux de vote, pour se crédibiliser aux yeux du monde. Ne donnons pas une fois de plus l’occasion à ce régime de nous manipuler. Quant aux participants à la soit disante élection présidentielle, leur combat est vain. Ils ne pourront jamais dans les conditions actuelles battre la machine à fraude des élections du régime. Ils ne servent que de faire valoir, pour une élection dont les résultats sont connus d’avance et les éléments de langage pour justifier la victoire de paul Biya entrain d’être assimilé par ses thuriféraires pour être dans quelques jours divulgués dans les médias. Un retrait à deux semaines du vote de tous les candidats les plus en vue ( OSIH, KAMTO, AKERE, LIBII…)serait une estocade mortelle portée à ce plan machiavélique. En ce qui concerne les adhérents du RDPC et ses alliés, ils ont la responsabilité historique de ce trouver un nouveau leader car leur président-fondateur cristallise tous les maux du peuple camerounais. Même si Biya avait fait du Cameroun un second Dubai, ce qui n’est pas le cas, il serait incompréhensible qu’après 36 ans, que le RDPC ne soit pas en mesure de présenter un dauphin aux camarades du parti – Etat et du peuple camerounais. À l’instar de la ZANU PF avec Mugabe, le RDPC devrait être capable de le faire avec Biya. Penser qu’après 36 ans d’immobilisme, Biya serait le seul recours pour sortir le Cameroun de la chianlit qu’il a lui même crée, serait faire injure à toutes les intelligences du RDPC. Paul Biya et son régime ont fait de nous des “Zam Zam” de la politique en Afrique. 3- Que proposez-vous ? Comme je l’ai toujours dit, nous sommes un peuple pacifique. La guerre n’est pas un logiciel qui fait partie du disque dur de notre pays. Nous avons toujours privilégié la discussion à la bagarre. Nous devons par tous les moyens pacifiques régler cette situation qui peut nous entraîner dans le gouffre ou faire de nous une des locomotives de l’Afrique. Le salut du Cameroun viendra d’une part par la formation par le peuple d’un vaste mouvement de rejet du calendrier présenté par le régime, puis par une déclaration commune de la désolidarisation des candidats du processus électoral en cours et de leur engagement à œuvrer aux côtés des populations en vue de rechercher et de mettre en œuvre des solutions véritables de sortie de crise. Enfin, par l’acceptation par le régime de la convocation et la tenue d’un dialogue politique inclusif en vue d’une transition pacifique à décisions immédiatement applicables qui devra nous conduire à une alternance pacifique. Ce dialogue politique inclusif devra poser les bases d’une constituante qui écrira la nouvelle constitution, mettre à plat les institutions afin de mieux les adapter à notre mode de vie, nommer un gouvernement de transition qui aura la responsabilité d’organiser sur tout le territoire des élections crédibles et le départ pacifique de l’actuel président. Pour ce faire, nous pourrons faire appel aux amis du Cameroun capable de diriger cette conférence souveraine dans une strict neutralité. Certain noms me viennent à l’esprit telle que Ellen Johnson Sirleaf, Thabo Mbeki ou Essy Amara. Dans les prochains jours, je réunirais dans un pays ami un Collectif pour un dialogue politique national inclusif et une transition pacifique composé d’un certain nombre de personnalités camerounaises de tous les horizons et de tous les partis politiques, afin d’élaborer une feuille de route de la transition que nous présenterons au peuple camerounais, aux différents partis, aux députés et sénateurs, aux chefs traditionnels et au président de la république. Car nous le savons bien, toute initiative qui n’aura pas reçu l’accord de principe du régime demeurera un coup d’épée dans l’eau. Je suis convaincu que le délitement brusque et non organisé du régime pourrait entraîner le pays dans une situation conflictuelle telle qu’il explosera et fera exploser toute l’Afrique francophone. Le Cameroun est notre pays à tous !!! Nous, qui pouvons faire quelque chose pour éviter la guerre, devons retrousser les manches au nom de la patrie pour travailler encore plus dur dans l’optique de mettre en œuvre le projet de décollage du Cameroun dans un climat sociopolitique apaisé. Nous devons nous asseoir et discuter, il n’y a pas d’anglophones ou de francophones, il n’y a que des camerounais. Le général Eyadema disait: “il est facile de détruire et difficile de reconstruire”. Peu importe la durée de la nuit, le soleil finira par apparaître !
Par Jean Pierrot Mahi ancien conseiller de Khadaffi
Par Jean Pierrot Mahi ancien conseiller de Khadaffi