Le tour de chauffe des législatives 2017 passé, les choses sérieuses s’annoncent pour la seule véritable échéance électorale sénégalaise depuis 2012, la présidentielle de 2019. Manifestement, les prétendants au palais de l’avenue Senghor ne sont pas du même calibre. Nous, au P’tit Railleur, en avons identifié un en particulier, par lequel nous commençons nos analyses des forces en présence pour les futures joutes : le bandidat. Les candidats, quant à eux, les uns après les autres, suivront dans nos prochaines éditions…
A tout …saigneur, tout honneur : Sa Rondeur Macky Quatre, président sortant, bandidat à la présidentielle de 2019. Comme la tortue de la fable, il part à point, certes, mais surtout, ne s’encombre pas de scrupules encore moins d’orthodoxie. C’est aussi cela, l’école du Père Wade… Les premières mesures, qui relèvent des méthodes douces, ont été enclenchées dès 2013, par l’élimination de ses pires adversaires. Le plus redoutable, à n’en pas douter, était le grand-père Wade. Risque écarté par une réformette institutionnelle qui limite l’âge des candidats. Le nonagénaire du « ma wakhône, wakhête » est donc exclu d’office… Et ce bon monsieur Macky est passé par un autre nonagénaire, l’air de rien, pour biffer le grand-père Wade de la liste des candidats : le grand-père Mahtar Mbow, via la Commission de Réforme des Institutions. Cette auguste assemblée, dont la bonne foi ne saurait être sujette à caution. Il en a pris ce qu’il fallait, le reste a été balancé à la corbeille. Ben voilà : la candidature de Wade est rendue impossible sous le couvert d’une demande populaire exprimée lors des « Assises nationales », entérinée par référendum sur la limitation des mandats et la limite d’âge du candidat à l’élection présidentielle. Sinon, rien n’aurait empêché l’inoxydable ancêtre du « Sopi » de se présenter à la présidentielle de 2019 : sa candidature controversée mais finalement validée par le Conseil constitutionnel en 2011 est l’argument imparable de la possibilité de remettre ça. Quant à ceux qui se demandèrent si le Père Wade tient encore debout, sa dernière campagne aux législatives de 2017 leur a apporté la réponse. L’increvable nonagénaire a sillonné ce pays de long en large et de haut en bas, debout dans sa voiture, drainant des foules subjuguées par cette monstruosité de la nature.
Le Père Wade écarté, il restait tout de même l’appareil du Pds à démanteler. Une tactique vieille comme la politique : le débauchage de ses proches. Farba Senghor et Pape
Samba Mboup, on l’a vu dernièrement, sont passés à la caisse… Ils n’ont plus l’âge des traversées du désert. Samuel Sarr, le « wadiste éternel » fait sa mue de mackyste empressé. Ousmane Ngom, Baïla Wane, Souleymane Ndéné Ndiaye, Adama Bâ et tant d’autres lieutenants ont fait leurs valises depuis belle lurette. Du premier cercle des favoris, il ne reste que Madické Niang et Oumar Sarr dans la salle d’attente du « Sopiste » suprême. On leur prête à tous deux l’ambition secrète d’être le plan B du Père Wade quand la candidature de Karim Wade sera définitivement enterrée… Madické Niang pourrait avoir la préférence du Père Wade, devenu sdf à Dakar, et que son ancien ministre loge à Fann résidence, dans une de ses anciennes maisons, closes à l’époque.
Le cas du père « ma wakhône-wakhête » et sa maison sopiste réglé, notre bandidat s’est chargé des deux autres potentiels sérieux poursuivants, par une méthode plus que douce : la distribution des sucettes. Attention au diabète ? A Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, chacun un strapontin qui leur garantit le farniente pour quelques années et suffit à leurs égos surdimensionnés : les honneurs de la République, lesquels vont avec budget confortable, respectabilité et quelques postes et avantages à distribuer aux proches. En prime, des ministères, sièges de députés et autres nominations fantaisistes pour amadouer les éventuels seconds couteaux récalcitrants. Bien sûr, Aïssata Tall Sall, la pasionaria de Podor, affûte ses armes sans se faire d’illusion : l’appareil qui peut la porter durant toute une présidentielle est mis sous séquestre par Tanor et sa clique. Elle fera son baroud d’honneur, sans doute. Snif. Quant à AJ, la LD et au PIT, pour ce qu’il en reste, autant économiser son énergie et concentrer ses forces sur d’autres cibles…
AUX GRANDS MAUX, LES GRANDS REMEDES : LA METHODE RADICALE
A chaque ennemi, sa stratégie… Contre Idrissa Seck, le bandidat de 2019 expérimente l’usure. Le gars de Thiès est déjà passé par la prison : ça n’a pas douché son ardeur, ni freiné son ascension en 2007. Ensuite, les fantômes agités par la réouverture de la procédure des « chantiers de Thiès » n’ont pas eu les effets escomptés. Il en faut d’autres pour l’intimider ou le briser et les arguments meurtriers, manifestement, manquent au sujet du « Protocole de Rebeuss ». Pas grave, Sa Rondeur Macky choisit également de raboter le parti Rewmi par ses bases. Les propositions indécentes en direction de son entourage n’arrêtent pas depuis 2013 : Oumar Guèye, Pape Diouf, Nafi Diop, Léna Sène, Thiongane inaugurent l’hémorragie. Ils sont suivis de près par les plus lents à la détente, qui ont mis du temps à comprendre que les vaches grasses se dandinaient de l’autre côté de la scène politique. Pour tuer Idrissa Seck, lors de chaque scrutin, à Thiès, la débauche d’énergie et de moyens augmente pour dynamiter son électorat. Surtout depuis que le monarque de la cité du Rail a déclaré qu’il prendrait sa retraite le jour où son fief, Thiès, le lâcherait… Problème : le courtaud de Thiès est aussi inoxydable que son père spirituel, le pape du « Sopi ». Il garde son bagout et a du ressort. Ses troupes se ratatinent ? Ce n’est pas ce qui l’arrêtera… Le Pds en 1988 et 2000 a connu les mêmes affres et il était là, Ndamal Kadior, aux premières loges. Ce furent les meilleures campagnes qu’il ait jamais conduites : raz-de-marée en 1988 qui déboucha sur un état d’urgence et en 2000, sur l’Alternance. Ce sont les épreuves qui lui ont octroyé ses galons de commandant de troupes. Ces palpitants souvenirs devraient inquiéter Sa Rondeur Macky… Idrissa Seck n’est jamais aussi dangereux que dos au mur, quand il lui faut faire avec les moyens du bord !
Autres adversaires, autres méthodes. Cette fois, plus radicales. Karim Wade et Khalifa Sall, outsiders qu’il n’a pas sous-estimés en dépit des fanfaronnades des Apéristes. Le danger avec ces deux là est qu’ils étaient capables de s’emparer des deux appareils électoraux les plus rôdés, le Pds et le Ps. La noirceur de leurs casiers judiciaires les écarte de 2019, quoi qu’on en dise. Pour Karim Wade, c’est déjà fait et la machine judiciaire pour broyer Khalifa Sall est lancée. Elle ne s’arrêtera pas avant la prochaine présidentielle. Les condamnations et recours s’enchaîneront et prendront le temps qu’il faudra mais pour le maire de Dakar, 2019, c’est mort ! Surtout que sa libération avant les échéances lui donnerait cette irrésistible auréole de martyr dont le bandidat de 2019 se passerait volontiers… Ses amazones peuvent se promener la foufoune à l’air, rien n’y fera : Khalifa, pas sortir ! A moins qu’il ne tombe sur un juge qui n’en a rien à faire d’être affecté à Fongolimby dans une maison de justice encore à l’état d’abri provisoire. Et, en ce qui concerne Karim Wade et Khalifa Sall, les amnisties ne sont pas pour demain…
A ces attaques placées, notre bandidat éclairé ajoute l’ordinaire du politicien sénégalais : les petites et grandes attentions qui ramènent des voix dans l’urne. Aucune ne sera de trop. La trouvaille des « ordres de mission » qui ont gonflé son électorat de 20.000 voix rien qu’à Dakar, devrait être reconduite, sous une autre formule à n’en pas douter. Moss nâ ko… Même si Abdoulaye Daouda Diallo, le prestidigitateur, a migré vers un ministère moins exposé mais tout aussi stratégique. Il faudra un sacré trésor de guerre pour gagner une élection. Le bandidat de 2019 ne va pas seulement compter sur le dévouement du ministre des Finances ou du directeur de la Caisse des Dépôts et des Consignations. Les, euh, grands électeurs ont des
exigences de dernières minutes qui vous engloutissent un budget en un rien de temps. Par grands électeurs, comprenez petits et grands transfuges toutes catégories confondues : marabouts vénérés, imams et charlatans libidineux, syndicalistes en vogue, starlettes de la lutte, chanteurs à succès, footballeurs mondialistes, piliers de la jet set, crétins patentés, éditorialistes éclairés, chroniqueurs surchauffés, divorcées énervées, anciennes Miss en décrépitude, mannequins scandaleuses, mal baisées avachies et autres leaders d’opinion nichés parfois jusque dans des villages sans eau ni électricité, où le bitume ne s’est pas encore faufilé… Il faut de tout pour perdre une élection !
LE P’TIT RAILLEUR