Youssou Ndour à 60 ans : Villes repères, lieux de mémoire !

Rédigé par Dakarposte le Mardi 1 Octobre 2019 à 16:10 modifié le Mardi 1 Octobre 2019 16:14

La star de la musique fête ce 1-er octobre 2019 ses soixante ans. Auteur-compositeur, chanteur adulé, au génie et au talent respectés, homme d’affaires avisé, citoyen s’essayant à la politique, il est l’une des plus grandes figures culturelles de notre temps, dont la seule évocation du nom renvoie à un parcours artistique digne d’éloge et d’estime. Voyage, de Dakar, la ville où il est né – dont il dit qu’elle est la seule qui pouvait être la base et la source de sa créativité – à Londres, où son concert à l’Union Chapel (décembre 2002) est encore dans les mémoires, en passant par Bamako, lieu d’une rencontre marquante pour lui, Paris – dont la salle de Bercy sert de cadre à son plus grand bal hors du Sénégal, et New York où il a ses habitudes depuis un quart de siècle… Villes - 1 1-DAKAR (NDAKAARU) : Dakar, bien sûr ! Dakar, évidemment ! C’est là, au quartier de la Médina, que tout a commencé. Youssou Ndour y est né, s’y est forgé – en résistant il est vrai à son père qui ne voulait pas qu’il s’adonne à la musique. L’histoire familiale du côté maternel, le théâtre promu par les groupes et associations culturels, les kassak (cérémonies nocturnes au cours desquelles des chansons sont entonnées en l’honneur des circoncis), les cérémonies familiales de la très populaire Médina, etc. ont été parmi les premiers lieux de formation pour lui. Du Miami Club, la boîte la plus branchée et la plus courue de la Médina, à partir du milieu des années 1970 – avec le Star Band – au Thiossane Night Club, où il a joué régulièrement dans les années 1990 et 2000, en passant par le Jandeer de Soumbédioune qu’il investit avec l’Etoile de Dakar (formé en 1979), le Sahel ou le Théâtre national Daniel Sorano (dixième anniversaire du Super Etoile en 1991, Live biir Sorano en 1993, Avant-première de Bercy 2005, lancement de Dakar-Kingston en avril 2010…), Dakar a été, et reste, un formidable lieu de mémoire pour Youssou Ndour dans la construction d’une esthétique et la relation spéciale qu’il entretient avec son public. C’est à partir de Dakar – ville multiculturelle ouverte sur le monde – où il a toujours vécu, que Youssou Ndour est allé à la conquête des cœurs aux quatre coins du monde. Dakar, « parce que, dit-il lors de la sortie de son album Joko, from Village to Town (2000), l’ambiance dans laquelle j’ai vécu depuis mon enfance est extraordinaire. Rien ne vaut cette atmosphère. » Dakar a naturellement fait l’objet d’une chanson : Ndakaaru figure sur le Vol 2 du Super Etoile, sorti en 1982, moins d’un an après la création du groupe. Comme pour dire : « Allo le monde, ici Dakar ! » Ces dernières années, Youssou Ndour en a souvent fait une reprise lors de concerts. L’une des plus marquantes, la plus belle, reste celle du 1-er octobre 2005 à Bercy… 2. BAMAKO : dans le répertoire du Super Etoile, le titre Bamako (Vol. 14, Gaïndé, 1989), du nom la capitale du Mali, composé par le bassiste Habib Faye – dont Youssou Ndour a dit, à sa mort, le 25 avril 2018, qu’il a été « l’architecte » de sa musique – occupe une place singulière, autant par la qualité de la musique que par l’histoire que son texte évoque. Cette histoire, au caractère quasi mystique, est celle d’une rencontre fortuite à la gare ferroviaire de Bamako, que le chanteur raconte avec un voile de pudeur qui en laisse tout de même voir ce que cela a changé dans sa vie. L’une des rares fois où il en a parlé en dehors de la chanson – sans essayer d’entrer dans des détails – c’était dans une interview parue le 19 août 2004 dans les colonnes du journal sénégalais Le Quotidien : « Des rencontres qui m’ont marqué dans la vie, j’en ai plein. De magnifiques rencontres, il y en a beaucoup (…) J’ai fait des rencontres, j’ai fait des rêves, j’ai senti des choses. J’ai rencontré effectivement quelqu’un à Bamako et il a prié pour moi. Il faut me croire. C’est la réalité, il faut me croire. » Bamako a été la première étape de la première tournée africaine de Youssou Ndour, en 1985. 3-PARIS : la salle du Palais omnisport de Bercy, dans la capitale française, a accueilli ces dernières années le « Grand bal » de Youssou Ndour en Europe, qui rassemble environ 15 mille personnes enthousiastes à l’idée de (re)vivre l’ambiance des soirées sénégalaises. L’histoire du Super Etoile à Paris débute en 1984, quand le groupe y joue pour la première fois. C’était à l’invitation de l’Amicale des chauffeurs de taxi sénégalais, au Phil’One, loué à des associations africaines de Paris, selon Gérald Arnaud, auteur du livre Youssou N’Dour le griot planétaire (Editions Demi-Lune, 2008). Cette salle avait été rebaptisée ainsi après la faillite du Jazz Unité, « un club assez somptueux aménagé dans les sous-sols déserts (la nuit) du Quartier de La Défense par le grand producteur Gérard Terronès, pour accueillir les meilleurs musiciens du jazz », écrit Arnaud. Dans sa biographie Youssou Ndour – La voix de la Médina (Patrick Robin Editions/Télémaque, 2005), Michelle Lahana rapporte les souvenirs du guitariste Papa Oumar Ngom : « Pour ce concert organisé par les taximen, on était logés dans un hôtel à Saint-Denis. On parlait tellement fort que le patron nous a mis dehors ! Nous nous sommes retrouvés à Bagnolet, chez un ami de Latyr Diouf, le manager sénégalais de Youssou, qui nous a tous accueillis dans son appartement. Un demi-frère de Youssou habitait Paris et nous a fait prendre le métro pour la première fois ! On avait peur de sortir sans lui ! Les membres de l’association avaient cotisé pendant un an pour nous faire venir, ils n’étaient pas professionnels mais ça ne nous dérangeait pas ! On est resté quatre jours à Paris, le concert a eu lieu au Phil’One, un club à La Défense, c’était super… » Le groupe était retourné à Paris, « avec une autre association quelques mois plus tard, mais là, c’était vraiment trop mal organisé », raconte Ngom, ajoutant : « On changeait d’hôtel chaque jour car les producteurs ne payaient pas les chambres, ils étaient saouls tous les soirs et nous n’avons jamais été payés ! » Youssou Ndour et le Super Etoile se sont produits à l’Olympia (avril 1990 et avril 2019 notamment), au Bataclan (novembre 2016, un an après les attentats dont cette boîte avait été la cible), Philharmonie (novembre 2016), entre autres prestigieuses salles de spectacle. 4-NEW YORK : en 1995, Youssou Ndour et le Super Etoile jouent à Broadway, reproduisant, toutes proportions gardées, l’ambiance des soirées dakaroises du Thiossane Night Club. New York, c’est d’abord la tournée de promotion de l’album So (1986) de Peter Gabriel qui lui permet de s’y produire. Il rencontre, dans ce cadre, Paul Simon qui l’invite à participer à son album Graceland (sorti en août 1986), alors en préparation. Mbaye Dièye Faye, Assane Thiam et Youssou Ndour sont aux percussions sur le morceau Diamonds on the soles of her shoes. Après le succès commercial mitigé de son album Eyes Open – qui était censé lui ouvrir les portes du marché nord-américain et l’y installer –, le chanteur rebondit sur le succès du suivant (The Guide-Wommat), qui s’y vend mieux, pour faire apprécier la musique de son groupe. Pour ce qu’elle représente comme lieu d’expression pour les artistes, la ville de New York devait bien acclamer Youssou Ndour. Il y est en novembre 2005, quelques mois après avoir été auréolé de la récompense de l’Académie du Grammy pour l’album Egypt, pour un concert dans la prestigieuse salle du Carnegie Hall. Même si son enregistrement n’a pas fait l’objet d’un disque publié de manière officielle, le concert – d’une qualité artistique exceptionnelle – a tellement circulé qu’il s’est inscrit parmi les prestations live les plus appréciées de Youssou Ndour et du Super Etoile. Les musiciens y reprennent de manière dépouillée une quinzaine de titres. Le 20 octobre 2018, Youssou Ndour et le Super Etoile y ont rejoué dans le cadre d’une tournée aux Etats-Unis. Cette nouvelle prestation n’a pas eu le même retentissement ni le même écho, même si elle a ravivé des souvenirs pour des mélomanes qui y sont retournés. 5. LONDRES : la connexion de Youssou Ndour avec l’Angleterre s’est faite d’abord avec un des musiciens contemporains les plus importants de ce pays, Peter Gabriel, qui est littéralement tombé amoureux et sous le charme d’une voix au lyrisme et aux puissants accents spirituels. Il était bien allé à son concert pour le festival Africa Fête (fondé par le promoteur et producteur culturel d’origine malienne Mamadou Konté), en 1984, mais n’avait pu voir Youssou Ndour. La rencontre se fait finalement, fin 1985, lorsqu’il fait le déplacement à Dakar, accompagné du guitariste et producteur sénégalais Georges Acogny. C’est la période où Youssou Ndour et le Super jouaient tous les week-ends au Sahel, un club branché de la capitale sénégalaise. Dans le livre Youssou N’Dour le griot planétaire, de Gérald Arnaud, il raconte : « Il (Peter Gabriel) était presque inconnu au Sénégal. Il se baladait seul dans les rues de Dakar, en short et t-shirt, comme n’importe qui. Il est venu me voir à la Médina et nous avons passé de bons moments ensemble. Quelques mois plus tard, j’étais à Londres et je lui ai téléphoné. Il était en studio avec son producteur Daniel Lanois, et il m’a proposé sans façon de les rejoindre. J’ai passé une journée entière à chanter. Ils m’ont enregistré sur la plupart des morceaux de l’album. » Cet album, c’est So. Youssou Ndour y chante sur le titre In Your Eyes. Lui et des musiciens de son groupe sont invités à accompagner le chanteur anglais dans la tournée de promotion de l’album. Le 11 juin 1988, Youssou Ndour est à Londres, au stade de Wembley, parmi les 83 artistes qui ont animé le concert organisé pour fêter le 70-ème anniversaire de Nelson Mandela alors en prison (Nelson Mandela 70th Birthday Tribute). Stevie Wonder, Tracy Chapman, Harry Belafonte, Whitney Houston, Peter Gabriel, entre autres, y étaient aussi. En août 2018, il s’est produit, avec le Super Etoile, au Royal Albert Hall, prestigieuse salle de la capitale anglaise, dans le cadre d’une mini-tournée européenne, un peu moins de seize ans après le mémorable concert à l’Union Chapel (décembre 2002), d’une rare beauté. Aboubacar Demba Cissokho Dakar, le 1e octobre 2019
Mamadou Ndiaye
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