Des femmes et des enfants ont été tués lors de l’opération commando contre Al-Qaida.
première opération militaire importante autorisée par le président des Etats-Unis Donald Trump, un raid commando contre Al-Qaida dans la province de Baida (centre) au Yémen, a mal tourné dimanche, provoquant des victimes civiles dont des enfants et la mort d'un soldat américain.
L'opération avait pour but de recueillir du renseignement, notamment en saisissant ordinateurs et appareils électroniques, sur l'organisation d'AQPA (Al-Qaida dans la péninsule arabique), considérée par les Américains comme la branche plus dangereuse du réseau extrémiste.
Dans son rapport publié aujourd’hui sur l'expansion d'Al-Qaida au Yémen, l'International Crisis Group (ICG) a noté que l'opération a tué "de nombreux civils, dont au moins 10 femmes et enfants", ainsi que des hommes de tribus locales. Le Pentagone a lui donné un bilan de 14 morts, "dont des femmes combattantes", dans les rangs d'Al-Qaida et d'un soldat d'élite américain tué. Al-Qaida a parlé de près de 30 personnes tuées, dont des femmes et des enfants. Un responsable yéménite a fait état de 41 membres présumés d'Al-Qaida tués, dont des chefs, ainsi que 8 femmes et 8 enfants.
Pour l'organisation indépendante qui analyse les conflits à travers le monde, cela "ne présage rien de bon" dans les efforts pour "contrer intelligemment et efficacement Al-Qaida", car ces victimes civiles font le jeu d'Al-Qaida qui affirme "défendre les musulmans contre l'Occident".
Intensifier la lutte contre le "radicalisme islamique"
Le raid a eu lieu un peu plus d'une semaine après la prise de fonction de Donald Trump. Il était la première opération militaire importante autorisée par le nouveau président américain, qui a promis d'intensifier la lutte contre le "radicalisme islamique". Le Pentagone a souligné que l'opération était en préparation depuis longtemps, avec l'accord de la Maison-Blanche de Barack Obama. Ce sont des "raisons opérationnelles" qui ont fait que le raid a eu lieu dimanche et non pas il y a deux semaines, quand le président Barack Obama était encore au pouvoir, a expliqué le porte-parole du Pentagone Jeff Davis.
Pour les militaires américains, le dérapage est malvenu, le président Trump ayant amplement montré qu'il n'aimait pas les échecs de ses collaborateurs. Mercredi, le porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer a concédé que l'opération ne pouvait être qualifiée de "succès à 100%", du fait de la mort du soldat américain. Mais il a permis d'acquérir une "quantité énorme" d'informations sur Al-Qaida, a-t-il affirmé.
Des victimes civiles et militaires
Le Pentagone a avancé un bilan de 14 combattants d'Al-Qaida tués. Les explications données par le Centcom (Département américain de la Défense) sur la mort des victimes civiles montrent que les forces spéciales se sont retrouvées dans une situation très vite difficile face aux combattants d'Al-Qaida. Les soldats américains, censés les surprendre dans un raid éclair, se sont retrouvés "visés de toute part, y compris depuis des maisons et des bâtiments environnants", a indiqué le Centcom.
Les opérations ont tourné à la "situation complexe, impliquant des armes légères, des grenades et du soutien aérien rapproché" d'avions ou hélicoptères américains, selon le commandement militaire américain. Les femmes et les enfants tués ont semble-t-il été victimes des tirs aériens provenant de ces appareils venus à la rescousse des soldats au sol, a indiqué le Centcom. Ceux-ci étaient engagés "contre un ennemi déterminé, comprenant des femmes" et les forces spéciales américaines "étaient visées de toute part, y compris depuis des maisons ou des bâtiments", a ajouté le commandement américain.
"[AQPA] a une tradition bien établie et horrifiante de cacher des femmes et des enfants dans ses zones d'opération et ses camps, et démontre en permanence son mépris pour les vies innocentes", a dénoncé le colonel John Thomas, porte-parole du Centcom.
Côté américain, trois soldats américains ont été blessés dans les combats, en plus du soldat tué. Et trois autres ont été blessés lors de l'accident d'un avion-hélicoptère V-22 Osprey américain à proximité du lieu des combats. Celui-ci a effectué un atterrissage brutal pendant l'opération et a dû être détruit pour éviter qu'il ne tombe entre les mains d'Al-Qaida.
Le soldat tué, William "Ryan" Owens, 36 ans, était membre des Navy Seals, les prestigieux commandos américains de marine, spécialistes notamment des opérations coup-de-poing contre les réseaux extrémistes. Donald Trump s'est rendu hier sur la base aérienne de Dover dans le Delaware (Est) pour accueillir la dépouille du soldat. C'est sur cette base aérienne de la côte est qu'arrivent les corps des soldats américains tués en opération. Donald Trump s'est rendu sur place en hélicoptère depuis la Maison-Blanche, accompagné de sa fille Ivanka. La cérémonie sur la base aérienne a eu lieu dans l'intimité, à la demande de la famille.
Pourquoi Al-Qaida progresse au Yémen
Dans un rapport intitulé "Al-Qaida au Yémen : une base en expansion", l'ICG, organisation indépendante qui analyse les conflits à travers le monde, explique comment Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) et son rival, le groupe Etat islamique (EI), ont profité de la guerre et du chaos qui sévissent depuis 2014 au Yémen. Même s'il a subi des revers, AQPA "prospère dans un environnement d'effondrement de l'Etat, de sectarisme (religieux) croissant, de changements d'alliances, de vides sécuritaires et de guerre économique grandissante", indique l'étude.
"Pour renverser cette tendance, il faut mettre fin au conflit d'origine", améliorer la gouvernance dans les zones vulnérables et utiliser les moyens militaires "de manière judicieuse et en coordination avec les autorités locales", affirme l'ICG.
A cet égard, le groupe de réflexion, basé à Bruxelles, souligne que "ces efforts seront compromis si des pays, comme les Etats-Unis, intéressés à combattre AQPA et la branche naissante de l'EI, entreprennent des actions militaires qui ignorent le contexte local et entraînent des pertes civiles élevées".
Le principal conflit au Yémen oppose des forces progouvernementales, appuyées depuis mars 2015 par une coalition arabo-sunnite dirigée par l'Arabie saoudite, à des rebelles chiites Houthis et leurs alliés, soutenus par l'Iran. Les rebelles contrôlent de vastes territoires, dont la capitale Sanaa. Selon l'ICG, toutes les parties, locales ou étrangères, ont "contribué à la montée" d'AQPA et de l'EI, "même si elles affirment être les ennemies" des djihadistes.
Le fait que la coalition se soit "focalisée" sur l'objectif de "mettre en échec" les Houthis et leurs alliés a été "une bénédiction pour AQPA" qui a pu nouer "des alliances tacites" avec des tribus sunnites dans certaines régions et s'est même procuré des armes provenant de cette coalition, selon le rapport.
Certes, Al-Qaida, présent au Yémen depuis plus de deux décennies, a subi des revers militaires en perdant le contrôle de la ville portuaire de Moukalla (sud-est) en avril 2016, "mais de tels succès sont fragiles" et peuvent être anéantis en l'absence d'une bonne gouvernance locale, note encore l'ICG.
Le groupe de réflexion se livre enfin à une attaque en règle contre la politique américaine de recours aux drones : "Des succès tactiques obtenus par l'élimination d'acteurs et d'idéologues [d'Al-Qaida] n'ont pas stoppé la croissance rapide de l'organisation". Selon l'ICG, "de nombreux Yéménites pensent que (les frappes de drones) sont contre-productives et qu'elles alimentent le ressentiment contre les Américains et le gouvernement yéménite quand des civils sont tués".
V. G. avec AFP
Virginie Grolleau
première opération militaire importante autorisée par le président des Etats-Unis Donald Trump, un raid commando contre Al-Qaida dans la province de Baida (centre) au Yémen, a mal tourné dimanche, provoquant des victimes civiles dont des enfants et la mort d'un soldat américain.
L'opération avait pour but de recueillir du renseignement, notamment en saisissant ordinateurs et appareils électroniques, sur l'organisation d'AQPA (Al-Qaida dans la péninsule arabique), considérée par les Américains comme la branche plus dangereuse du réseau extrémiste.
Dans son rapport publié aujourd’hui sur l'expansion d'Al-Qaida au Yémen, l'International Crisis Group (ICG) a noté que l'opération a tué "de nombreux civils, dont au moins 10 femmes et enfants", ainsi que des hommes de tribus locales. Le Pentagone a lui donné un bilan de 14 morts, "dont des femmes combattantes", dans les rangs d'Al-Qaida et d'un soldat d'élite américain tué. Al-Qaida a parlé de près de 30 personnes tuées, dont des femmes et des enfants. Un responsable yéménite a fait état de 41 membres présumés d'Al-Qaida tués, dont des chefs, ainsi que 8 femmes et 8 enfants.
Pour l'organisation indépendante qui analyse les conflits à travers le monde, cela "ne présage rien de bon" dans les efforts pour "contrer intelligemment et efficacement Al-Qaida", car ces victimes civiles font le jeu d'Al-Qaida qui affirme "défendre les musulmans contre l'Occident".
Intensifier la lutte contre le "radicalisme islamique"
Le raid a eu lieu un peu plus d'une semaine après la prise de fonction de Donald Trump. Il était la première opération militaire importante autorisée par le nouveau président américain, qui a promis d'intensifier la lutte contre le "radicalisme islamique". Le Pentagone a souligné que l'opération était en préparation depuis longtemps, avec l'accord de la Maison-Blanche de Barack Obama. Ce sont des "raisons opérationnelles" qui ont fait que le raid a eu lieu dimanche et non pas il y a deux semaines, quand le président Barack Obama était encore au pouvoir, a expliqué le porte-parole du Pentagone Jeff Davis.
Pour les militaires américains, le dérapage est malvenu, le président Trump ayant amplement montré qu'il n'aimait pas les échecs de ses collaborateurs. Mercredi, le porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer a concédé que l'opération ne pouvait être qualifiée de "succès à 100%", du fait de la mort du soldat américain. Mais il a permis d'acquérir une "quantité énorme" d'informations sur Al-Qaida, a-t-il affirmé.
Des victimes civiles et militaires
Le Pentagone a avancé un bilan de 14 combattants d'Al-Qaida tués. Les explications données par le Centcom (Département américain de la Défense) sur la mort des victimes civiles montrent que les forces spéciales se sont retrouvées dans une situation très vite difficile face aux combattants d'Al-Qaida. Les soldats américains, censés les surprendre dans un raid éclair, se sont retrouvés "visés de toute part, y compris depuis des maisons et des bâtiments environnants", a indiqué le Centcom.
Les opérations ont tourné à la "situation complexe, impliquant des armes légères, des grenades et du soutien aérien rapproché" d'avions ou hélicoptères américains, selon le commandement militaire américain. Les femmes et les enfants tués ont semble-t-il été victimes des tirs aériens provenant de ces appareils venus à la rescousse des soldats au sol, a indiqué le Centcom. Ceux-ci étaient engagés "contre un ennemi déterminé, comprenant des femmes" et les forces spéciales américaines "étaient visées de toute part, y compris depuis des maisons ou des bâtiments", a ajouté le commandement américain.
"[AQPA] a une tradition bien établie et horrifiante de cacher des femmes et des enfants dans ses zones d'opération et ses camps, et démontre en permanence son mépris pour les vies innocentes", a dénoncé le colonel John Thomas, porte-parole du Centcom.
Côté américain, trois soldats américains ont été blessés dans les combats, en plus du soldat tué. Et trois autres ont été blessés lors de l'accident d'un avion-hélicoptère V-22 Osprey américain à proximité du lieu des combats. Celui-ci a effectué un atterrissage brutal pendant l'opération et a dû être détruit pour éviter qu'il ne tombe entre les mains d'Al-Qaida.
Le soldat tué, William "Ryan" Owens, 36 ans, était membre des Navy Seals, les prestigieux commandos américains de marine, spécialistes notamment des opérations coup-de-poing contre les réseaux extrémistes. Donald Trump s'est rendu hier sur la base aérienne de Dover dans le Delaware (Est) pour accueillir la dépouille du soldat. C'est sur cette base aérienne de la côte est qu'arrivent les corps des soldats américains tués en opération. Donald Trump s'est rendu sur place en hélicoptère depuis la Maison-Blanche, accompagné de sa fille Ivanka. La cérémonie sur la base aérienne a eu lieu dans l'intimité, à la demande de la famille.
Pourquoi Al-Qaida progresse au Yémen
Dans un rapport intitulé "Al-Qaida au Yémen : une base en expansion", l'ICG, organisation indépendante qui analyse les conflits à travers le monde, explique comment Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) et son rival, le groupe Etat islamique (EI), ont profité de la guerre et du chaos qui sévissent depuis 2014 au Yémen. Même s'il a subi des revers, AQPA "prospère dans un environnement d'effondrement de l'Etat, de sectarisme (religieux) croissant, de changements d'alliances, de vides sécuritaires et de guerre économique grandissante", indique l'étude.
"Pour renverser cette tendance, il faut mettre fin au conflit d'origine", améliorer la gouvernance dans les zones vulnérables et utiliser les moyens militaires "de manière judicieuse et en coordination avec les autorités locales", affirme l'ICG.
A cet égard, le groupe de réflexion, basé à Bruxelles, souligne que "ces efforts seront compromis si des pays, comme les Etats-Unis, intéressés à combattre AQPA et la branche naissante de l'EI, entreprennent des actions militaires qui ignorent le contexte local et entraînent des pertes civiles élevées".
Le principal conflit au Yémen oppose des forces progouvernementales, appuyées depuis mars 2015 par une coalition arabo-sunnite dirigée par l'Arabie saoudite, à des rebelles chiites Houthis et leurs alliés, soutenus par l'Iran. Les rebelles contrôlent de vastes territoires, dont la capitale Sanaa. Selon l'ICG, toutes les parties, locales ou étrangères, ont "contribué à la montée" d'AQPA et de l'EI, "même si elles affirment être les ennemies" des djihadistes.
Le fait que la coalition se soit "focalisée" sur l'objectif de "mettre en échec" les Houthis et leurs alliés a été "une bénédiction pour AQPA" qui a pu nouer "des alliances tacites" avec des tribus sunnites dans certaines régions et s'est même procuré des armes provenant de cette coalition, selon le rapport.
Certes, Al-Qaida, présent au Yémen depuis plus de deux décennies, a subi des revers militaires en perdant le contrôle de la ville portuaire de Moukalla (sud-est) en avril 2016, "mais de tels succès sont fragiles" et peuvent être anéantis en l'absence d'une bonne gouvernance locale, note encore l'ICG.
Le groupe de réflexion se livre enfin à une attaque en règle contre la politique américaine de recours aux drones : "Des succès tactiques obtenus par l'élimination d'acteurs et d'idéologues [d'Al-Qaida] n'ont pas stoppé la croissance rapide de l'organisation". Selon l'ICG, "de nombreux Yéménites pensent que (les frappes de drones) sont contre-productives et qu'elles alimentent le ressentiment contre les Américains et le gouvernement yéménite quand des civils sont tués".
V. G. avec AFP
Virginie Grolleau
Journaliste