Une jeune burkinabè à M’ba Michel « Nous sommes tous de votre famille »

Rédigé par Dakarposte le Dimanche 20 Septembre 2015 à 17:59 modifié le Dimanche 20 Septembre 2015 18:01

Agée de 22 ans, cette jeune burkinabè lance son ras le bol face à la situation au Burkina marquée par le coup d’Etat perpétré par le chef de la junte, Gilbert Diendéré. Lisez plutôt.
Je voudrais tout d’abord présenter mes sincères et profondes condoléances à tout le peuple burkinabé attristé par cette situation chaotique que « des aventuriers, mus par les forces du mal » font subir à notre chère patrie.
Papi Michel, permettez-moi de vous nommer ainsi, car de l’estrade de mes 22 ans, je pourrais être votre fille ou votre petite fille. Cette note n’a guère pour but de faire le procès de qui que ce soit. C’est la missive d’un enfant qui s’adresse à son père ou son grand père. J’ose tout aussi espérer que vous la recevrez ou que vos attachés de presse vont en feront part.
Je suis de la génération de ceux qui n’ont connu qu’un seul président durant leur adolescence. Lorsque mes camarades des pays étrangers me demandent l’identité de ce Président qui dirige le Burkina Faso qu’ils qualifient de pays exemplaire et chaleureux (au sens propre tout comme au sens figuré), quelle fierté pour moi de pouvoir enfin citer un autre nom que celui de Blaise Compaoré.
Quant au soir du 21 novembre 2014, vous avez été officiellement investi en tant que Président de la République pour conduire à bien la transition de mon pays, je me suis dite intérieurement « Sankara a été le Che Guevara d’Afrique, mais Kafando sera le Mandela du Burkina ».
Aujourd’hui je me demande, dois-je encore croire en vos promesses de sauver le Burkina du désordre, du chaos et de l’injustice ?
Je suis profondément convaincue que vous êtes un grand homme bon et juste. Vous êtes un époux, un père de famille et un grand père pour votre petite famille. Mais sachez qu’il n’en était pas moins qu’en acceptant d’assumer les fonctions de Président de la transition, vous avez tout aussi accepté d’adopter chacun de ces 16 millions d’habitants comme des membres de votre famille. Nous sommes tous de votre famille.
Nous avons pleuré toutes les larmes de notre corps pour nos frères et sœurs qui ont été assassinés lors de la révolution qui a mis à sac le régime de Blaise Compaoré. Nous avons tous scandé à tue-tête le slogan « plus-jamais-ça-au-Burkina ». 
Mais à notre profond regret, nous avons encore perdu des membres de notre grande famille dans cette récente et actuelle hécatombe. Nous sommes tous de la même famille car c’est le même sang de l’intégrité et du courage qui coule dans nos veines. Quoique certains aient choisi de se transfuser du sang de la lâcheté et de la malhonnêteté.
Papi Michel, laissez-moi vous faire un résumé de ce qui s’est passé dans les rues de ouagadougou (pour ne citer que cette ville) les 16, 17, 18, 19 et 20 septembre 2015 ; au cas où vos attachés de presse ne l’auraient pas encore fait. J’ai perdu un petit frère de 14 ans sous les balles assassines du RSP. En voulant donner la vie, une de mes sœurs a perdu la sienne parce que les centres de santé étaient sous le coup d’un soit disant couvre-feu instauré par des « nostalgiques néoconservateurs et sycophantes grabataires ».
Un de mes grands frères a été abattu à bout portant par les éléments du RSP. Un nouveau-né porte les traces de balles à sa naissance parce que sa mère en a reçu une en plein ventre. La liste n’est point exhaustive. Nous avons tous perdu un frère ou une sœur. Vous avez perdu des membres de votre grande famille dans cette connerie de putsch que je considère comme étant le reflet du summum de la bêtise, de l’égocentrisme et de l’égoïsme humain.
Papi Michel, votre grande famille est en train d’être torturée à mort. Que faites-vous pour les défendre ? Je me permets de vous rappeler un passage de votre discours adressé à la nation du 10 juillet 2015 : « Si malgré cet appel pressant, il se trouvait des aventuriers, mus par les forces du mal, pour créer des troubles et le chaos, ils en répondront devant l’histoire et évidemment, devant les juridictions internationales ».
Vous avez un peuple courageux, valeureux, combattif, intègre et patriote. Voulez-vous être complice de cette tuerie orchestrée par ces « aventuriers, mus par les forces du mal » de par votre silence ? Je refuse de faire le deuil de nos morts tant que ces tortionnaires continueront à assassiner ma famille. Tant que ces bourreaux de la mort n’auront pas expié leur sacrilège, sachez que de là où ils sont, tous vos enfants, frères, sœurs et épouses tombés au front depuis trois jours vous regardent.
Aujourd’hui j’en veux à tous ! 
A la communauté internationale
Aux partis politiques
Au chef d’Etat-major des Armées
Certaines organisations de la société civile
Vous avez tous condamné avec votre dernière énergie et avec fermeté cet acte ignoble et exigé la libération des membres du gouvernement ainsi que la restitution des organes de la transition. Et le peuple ? Personne n’a exigé sa libération dès les premiers jours de ce coup d’Etat.
Il était bel et bien prisonnier et otage des kalachnikovs de ces putschistes dont le seul fait de citer les noms me donne la nausée. Aviez-vous exigé dans vos revendications un cessé de feu immédiat ainsi qu’un arrêt des violences faites à la population ? Il a fallu que vous en soyez otages vous-même ce 20 septembre 2015 avant de réclamer un retour au calme.
Comme à l’accoutumance, ce sont toujours les populations qui payent les pots cassés. Est-ce cela la politique ? Éclairez ma lanterne !
Pendant que mes sœurs et frères se faisaient assassiner dans leurs propres maisons, vous rédigiez des lettres pour condamner ce coup d’Etat tandis que des négociations se préparaient dans l’hôtel le plus somptueux de la ville.
J’ai vu mes frères affronter la mort pour défendre leur liberté et se faire tabasser copieusement comme de simples hors-la-loi alors que leur résistance était légitime. J’ai entendu mes sœurs crier, suppliant les hommes du RSP d’épargner la vie de leurs maris. J’ai vu des mères pleurer sur les corps de leurs enfants. Pourquoi avez-vous permis cela ?
Je ne suis qu’une jeune fille de 22 ans. Un enfant qui s’adresse à son papi ainsi qu’à tous les dirigeants actuels et futurs, la gorge nouée d’amertume, les yeux noyés de larmes et le cœur tout aussi affligé que scandalisé. Je suis un enfant qui pleure pour sa mère patrie. Certes, l’avis des enfants importe toujours peu dans une famille ; pas plus que leurs douleurs. Mais n’oubliez jamais qu’un enfant meurtri et frustré sera toujours une bombe à retardement pour sa propre famille et pour toute la société par ricochet.
Papi Michel, je ne vous lance pas un appel à la vengeance pour appliquer la loi de Talion « œil pour œil, dent pour dent ». Non ! J’ose croire que les rouages de votre conscience soient toujours fonctionnels afin que vous vous décidiez à assumer pleinement et entièrement vos responsabilités de chef d’Etat ; mais tout aussi de père de la grande famille de tous les burkinabè. Tout ce que je vous demande, c’est de nous permettre de faire notre deuil le cœur apaisé et faciliter le repos des âmes de nos morts en neutralisant ces messagers du trouble, du chaos et de l’apocalypse.
Nul ne peut échapper à la justice de Dieu !
Bien à vous, 
Une digne fille du pays des hommes intègres
Pélagie NABOLE
Etudiante en communication
Cheikh Amidou Kane
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