Notre journaliste Wassim Nasr a pu adresser 12 questions, il y a plusieurs mois, à Abou Obeida Youssef Al-Annabi, chef du Conseil consultatif d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Ce chef jihadiste, qui est inscrit sur la liste noire américaine des "terroristes internationaux" depuis septembre 2015, a répondu par message audio, mentionnant notamment les menaces qui pèsent sur la France.
Douze questions envoyées à des intermédiaires
Wassim Nasr explique que plusieurs mois de négociations ont été nécessaires pour obtenir ces informations : "J’ai envoyé 12 questions par écrit à des personnes qui ont fait l’intermédiaire". Une règle avait été fixée au préalable : qu’aucun point ne soit éludé. Au départ, Abou Obeida Youssef Al-Annabi avait refusé de répondre sur les rapports entre Aqmi et les jihadistes du groupe État islamique. Il se pliera finalement à l’exercice dans un document audio de près de 53 minutes envoyé à notre journaliste : "Son identité ne fait aucun doute, c’est bien sa voix et le document provient d'un canal médiatique officiel d’AQMI", explique Wassim Nasr.
Aqmi menace la France
À la question : "L’Hexagone est-il menacé ?", le chef du conseil consultatif d’Aqmi affirme ne se fixer aucune limite pour combattre la présence française au Sahel. "Il a un discours très virulent vis-à-vis de la France, il avait déjà appelé au jihad contre la ‘puissance coloniale française’ il y a quelques années, en l’accusant notamment de piller l’Afrique et d’attiser les conflits ethniques" détaille Wassim Nasr, qui précise qu’il s’agit ici d’un discours "classique" pour un groupe jihadiste. Enfin, le chef d’Aqmi menace nommément deux entreprises françaises implantées dans la région du Sahel : Aréva et Total.
Le cas de l’otage Sophie Pétronin
Dans l’échange, le haut responsable d’Aqmi se dit prêt à négocier la libération de l’otage française Sophie Pétronin. La septuagénaire est retenue au Sahel depuis son enlèvement en décembre 2016, à Gao, dans le Nord du Mali, par le Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), affilié à l'organisation Aqmi.
"Après avoir annoncé qu’ils ne feraient plus d’appels publics à la négociation pour la libération de leurs cinq otages, en décembre 2018, les jihadistes rouvrent la porte à des discussions, notamment sur le cas Sophie Pétronin" explique Wassim Nasr. Plutôt qu’une rançon, le chef d’Aqmi demande indirectement la libération de prisonniers, "des vieux, des blessés et des mineurs", détenus par les alliés de la France en Afrique.
Avant d’être enlevée en 2016, Sophie Pétronin dirigeait une petite ONG franco-suisse venant en aide aux enfants souffrant de malnutrition. En novembre 2018, sa famille a reçu un enregistrement audio faisant état de la "détérioration rapide" de sa santé. Elle serait notamment atteinte d’un cancer et du paludisme.
Auparavant, dans une vidéo diffusée en juin 2018, Sophie Pétronin était apparue très fatiguée et en avait appelé à Emmanuel Macron, estimant que le chef de l'État l'avait "oubliée". Lorsque deux autres otages français ont été libérés au Burkina Faso mi-mai, le président français affirmait que la France "n’oublie pas" Sophie Pétronin. "La France est une nation qui n'abandonne jamais ses enfants quelles que soient les circonstances et fût-ce à l'autre bout de la planète", avait affirmé le chef de l'État lors d'une allocution dans la cour d'honneur des Invalides, à Paris.
La contestation en Algérie
Alors que le chef du groupe État ismalique Abou Bakr al-Baghdadi a adopté une ligne très dure à l’égard des mouvements de protestation au Soudan et en Algérie, qu’il qualifie de combat d’ignorants, Abou Obeida Youssef Al-Annabi marque sa différence en apportant son soutien à la rue. "Bien sûr, il s’agit d’une manœuvre politique pour Aqmi visant à capitaliser sur le mouvement de contestation", décrypte Wassim Nasr. Ainsi, le chef du Conseil consultatif d’Aqmi, lui-même algérien, s’est exprimé longuement sur la contestation dans son pays, affirmant approuver les actions pacifistes des manifestants, soulignant que le jihad ne se limite pas à la lutte armée.
Les liens entre Aqmi et l’État islamique au Sahel
Sur le point précis des liens entre Aqmi et le groupe État islamique qu’Abou Obeida Youssef Al-Annabi avait refusé dans un premier temps de s’exprimer. "C’est une question épineuse pour Al-Qaïda, car le Sahel est la seule région où les deux groupes ne s’affrontent pas. Au Yémen, en Somalie ou en Syrie, leurs affrontements ont fait des milliers de morts" explique Wassim Nasr. Si Aqmi considère le califat d’Abou Bakr al-Baghdadi comme illégitime, Abou Obeida Youssef Al-Annabi se dit prêt à pardonner aux disciples, les encouragent à ne pas "perdurer dans l’erreur". Pour ce qui est des régions du Lac Tchad et du Sinaï, le chef d’Aqmi minimise la puissance de l’organisation de l’État islamique dans ces zones, assimilant leur action à de la guérilla de gangs. "Là encore, Aqmi marque sa différence" décrypte Wassim Nasr, "Al-Qaïda fait de la politique en s’appuyant sur des dynamiques locales. Ils sont plus discrets que le groupe État islamique, mais sont très implantés dans certaines régions, notamment au Sahel et en Somalie, ce qui leur permet de piloter des actions terroristes comme on l’a observé jusqu’en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso".
Douze questions envoyées à des intermédiaires
Wassim Nasr explique que plusieurs mois de négociations ont été nécessaires pour obtenir ces informations : "J’ai envoyé 12 questions par écrit à des personnes qui ont fait l’intermédiaire". Une règle avait été fixée au préalable : qu’aucun point ne soit éludé. Au départ, Abou Obeida Youssef Al-Annabi avait refusé de répondre sur les rapports entre Aqmi et les jihadistes du groupe État islamique. Il se pliera finalement à l’exercice dans un document audio de près de 53 minutes envoyé à notre journaliste : "Son identité ne fait aucun doute, c’est bien sa voix et le document provient d'un canal médiatique officiel d’AQMI", explique Wassim Nasr.
Aqmi menace la France
À la question : "L’Hexagone est-il menacé ?", le chef du conseil consultatif d’Aqmi affirme ne se fixer aucune limite pour combattre la présence française au Sahel. "Il a un discours très virulent vis-à-vis de la France, il avait déjà appelé au jihad contre la ‘puissance coloniale française’ il y a quelques années, en l’accusant notamment de piller l’Afrique et d’attiser les conflits ethniques" détaille Wassim Nasr, qui précise qu’il s’agit ici d’un discours "classique" pour un groupe jihadiste. Enfin, le chef d’Aqmi menace nommément deux entreprises françaises implantées dans la région du Sahel : Aréva et Total.
Le cas de l’otage Sophie Pétronin
Dans l’échange, le haut responsable d’Aqmi se dit prêt à négocier la libération de l’otage française Sophie Pétronin. La septuagénaire est retenue au Sahel depuis son enlèvement en décembre 2016, à Gao, dans le Nord du Mali, par le Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), affilié à l'organisation Aqmi.
"Après avoir annoncé qu’ils ne feraient plus d’appels publics à la négociation pour la libération de leurs cinq otages, en décembre 2018, les jihadistes rouvrent la porte à des discussions, notamment sur le cas Sophie Pétronin" explique Wassim Nasr. Plutôt qu’une rançon, le chef d’Aqmi demande indirectement la libération de prisonniers, "des vieux, des blessés et des mineurs", détenus par les alliés de la France en Afrique.
Avant d’être enlevée en 2016, Sophie Pétronin dirigeait une petite ONG franco-suisse venant en aide aux enfants souffrant de malnutrition. En novembre 2018, sa famille a reçu un enregistrement audio faisant état de la "détérioration rapide" de sa santé. Elle serait notamment atteinte d’un cancer et du paludisme.
Auparavant, dans une vidéo diffusée en juin 2018, Sophie Pétronin était apparue très fatiguée et en avait appelé à Emmanuel Macron, estimant que le chef de l'État l'avait "oubliée". Lorsque deux autres otages français ont été libérés au Burkina Faso mi-mai, le président français affirmait que la France "n’oublie pas" Sophie Pétronin. "La France est une nation qui n'abandonne jamais ses enfants quelles que soient les circonstances et fût-ce à l'autre bout de la planète", avait affirmé le chef de l'État lors d'une allocution dans la cour d'honneur des Invalides, à Paris.
La contestation en Algérie
Alors que le chef du groupe État ismalique Abou Bakr al-Baghdadi a adopté une ligne très dure à l’égard des mouvements de protestation au Soudan et en Algérie, qu’il qualifie de combat d’ignorants, Abou Obeida Youssef Al-Annabi marque sa différence en apportant son soutien à la rue. "Bien sûr, il s’agit d’une manœuvre politique pour Aqmi visant à capitaliser sur le mouvement de contestation", décrypte Wassim Nasr. Ainsi, le chef du Conseil consultatif d’Aqmi, lui-même algérien, s’est exprimé longuement sur la contestation dans son pays, affirmant approuver les actions pacifistes des manifestants, soulignant que le jihad ne se limite pas à la lutte armée.
Les liens entre Aqmi et l’État islamique au Sahel
Sur le point précis des liens entre Aqmi et le groupe État islamique qu’Abou Obeida Youssef Al-Annabi avait refusé dans un premier temps de s’exprimer. "C’est une question épineuse pour Al-Qaïda, car le Sahel est la seule région où les deux groupes ne s’affrontent pas. Au Yémen, en Somalie ou en Syrie, leurs affrontements ont fait des milliers de morts" explique Wassim Nasr. Si Aqmi considère le califat d’Abou Bakr al-Baghdadi comme illégitime, Abou Obeida Youssef Al-Annabi se dit prêt à pardonner aux disciples, les encouragent à ne pas "perdurer dans l’erreur". Pour ce qui est des régions du Lac Tchad et du Sinaï, le chef d’Aqmi minimise la puissance de l’organisation de l’État islamique dans ces zones, assimilant leur action à de la guérilla de gangs. "Là encore, Aqmi marque sa différence" décrypte Wassim Nasr, "Al-Qaïda fait de la politique en s’appuyant sur des dynamiques locales. Ils sont plus discrets que le groupe État islamique, mais sont très implantés dans certaines régions, notamment au Sahel et en Somalie, ce qui leur permet de piloter des actions terroristes comme on l’a observé jusqu’en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso".