La députée PS Julie Fernandez demande que la commission de l'Intérieur de la Chambre modifie son agenda de mardi afin que le secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration vienne s'expliquer au sujet de l'expulsion controversée d'un ressortissant soudanais.
Selon Le Vif, un Soudanais prénommé Mohammad qui était détenu dans un centre fermé en Belgique a signé un accord pour un retour volontaire, dans une langue qu'il ne comprend pas et sans la présence d'un avocat, alors qu'il venait d'obtenir une décision de justice qui lui était favorable. La Ligue des droits de l'Homme dénonce un "simulacre de consentement".
"Want to leave voluntarily"
Mohammad a retiré sa demande d'asile après avoir appris que la Belgique allait collaborer avec le Soudan. Il a d'ailleurs été interrogé par les fonctionnaires de la délégation officielle de Khartoum. Voulant sortir du centre Caricole de Steenokkerzeel, il a introduit une requête de mise en liberté. La Chambre du conseil du tribunal correctionnel de Bruxelles devait statuer sur son cas le mardi 17 octobre, mais l'Office des étrangers avait l'intention de le remettre dans un avion pour le Soudan dès le vendredi 13 octobre, précise Le Vif. Déposant une requête unilatérale en extrême urgence auprès du tribunal de première instance de Bruxelles, ses avocats ont alors demandé et obtenu, moyennant astreinte, qu'il ne soit pas expulsé avant que sa demande de mise en liberté ne soit tranchée. Pourtant le soir-même de la décision, Mohammad téléphone en larmes à un représentant de la plate-forme citoyenne du parc Maximilien, lui donnant son numéro de vol, mais l'assurant qu'il ne veut pas retourner vers le Soudan. Le lendemain, il se trouve sur un vol retour vers Le Caire puis Khartoum car il a signé un consentement. Ce document qu'a pu consulter Le Vif est une page sans en-tête, présentant un contenu très lacunaire en anglais ("want to leave voluntarily"). Sa signature y est aposée.
Signature improbable
Pour le président de la Ligue des droits de l'Homme Alexis Deswaef, "si c'est ça les rapatriements volontaires dont se targue Monsieur Francken, on a un problème! Qu'a-t-il compris, Mohammad? Peut-on imaginer qu'une personne en prison, qui vient de recevoir une décision de justice en sa faveur, empêchant son expulsion, va signer un tel document? C'est improbable", dénonce-t-il.
Départ serein
Interrogé par Le Vif, le cabinet de Theo Francken rétorque que Mohammad a demandé à plusieurs reprises son départ et est parti sans escorte, ce que confirme l'Office des étrangers. "Jusqu'à la dernière minute, il peut contester son départ et alors, on le ramène au centre. Or, ce départ s'est déroulé sans aucun heurt. Monsieur est parti calme, serein", assure la porte-parole.
Problème de séparation des pouvoirs
Alexis Deswaef n'en démord pas. "Si ces pratiques sont avérées, un membre de l'exécutif crache à la figure du judiciaire pour essayer d'échapper aux effets d'une décision de Justice. Autre chose aurait été d'utiliser les outils légaux, de faire tierce opposition. Mais là, le secrétaire d'Etat contourne une décision de justice. Cela pose un vrai problème de séparation des pouvoirs. Ce n'est plus possible. Je ne comprends pas que Charles Michel, le Premier ministre, ne reprenne pas le dossier en main."
"Je suis abasourdie. Il semble qu'on ait violé une décision et abusé de quelqu'un en situation de faiblesse", a commenté la députée Julie Fernandez qui compte interpeller le secrétaire d'Etat Francken mardi.