`Ils ont commencé à retourner vers le sud du pays, mercredi 27 novembre. Quelques heures après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, des milliers de Libanais déplacés par la guerre ont espoir de pouvoir rentrer chez eux. Deux mois de combats acharnés ont poussé près d'un million de personnes à l'exode.
Au sud du Liban, il n’y a en effet plus de coups de feu ou de tirs d’obus depuis trois heures du matin (heure française), début de la trêve. Promu par le président américain Joe Biden et accepté par les belligérants mardi soir, cet accord prévoit que le Hezbollah se retire au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec l’État hébreu, tandis que l’armée israélienne dispose de 60 jours pour quitter le sud du Liban.
``"Incroyablement difficile à mettre en œuvre"
Un cessez-le-feu qui a été salué par la plupart des dirigeants du monde. Après douze mois d’hostilités entre Israël et le Hezbollah, conséquence de la guerre contre le Hamas à Gaza, dont prêt de deux mois de guerre ouverte, cet accord a été qualifié de “nouvelle très encourageante” par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, tandis que le Premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati, a évoqué une “étape fondamentale” pour rétablir la stabilité régionale.`
Encore faut-il ne pas trébucher sitôt l’accord conclu. Ce cessez-le-feu “sera incroyablement difficile à mettre en œuvre et à garantir”, assure Robert Geist Pinfold, spécialiste des questions sécuritaires au Moyen-Orient à l’université de Durham (Angleterre).
“Les points les plus âprement négociés et sensibles concernent les mécanismes de suivi et de mise en œuvre de cet accord”, souligne Filippo Dionigi, spécialiste du Hezbollah à l'université de Bristol, en Angleterre.
La Finul, aidée par une commission qui comprend notamment les États-Unis et la France, devra ensuite s’assurer que tout se passe bien. Au moindre hic, l’armée libanaise et la Finul seront chargées de ramener l’ordre et d’éviter que le cessez-le-feu ne soit rompu.
Problème de confiance
Problème : “Les forces armées libanaises, censées superviser des éléments clés de l’accord comme réguler le flux des armes en circulation au sud du Liban, n’a historiquement jamais imposé son autorité sur le Hezbollah au sud du Liban”, souligne Shir Mor, spécialiste des questions de sécurité en Israël à l’International Team for the Study of Security (ITSS) Verona.
Israël a peu confiance en la capacité des forces militaires libanaises de faire beaucoup mieux maintenant. “Il faut dire que les attentes sont un peu trop élevées par rapport à ce qu’elle peut faire en pratique”, note Ahron Bregman, politologue au King’s College de Londres. “Cette armée est mal payée, mal équipée et son entraînement est limité”, résume Filippo Dionigi.`
La Finul ne jouit pas d’une réputation beaucoup plus flatteuse à Tel-Aviv. Ces Casques bleus étaient chargés de l’application du cessez-le-feu de 2006, qui prévoyait déjà le désarmement du Hezbollah au sud du Liban. “On sait qu’après 2006, le Hezbollah a non seulement maintenu ses capacités militaires, mais les a même sensiblement renforcées”, souligne Shir Mor.
C’est pourquoi une commission internationale a été ajoutée au dispositif de surveillance par les auteurs de l’accord de cessez-le-feu. Cela sera-t-il suffisant ? La méfiance d’Israël les a, en tout cas, poussés à exiger une clause supplémentaire qui pourrait également faire capoter la trêve. Les Israéliens ont obtenu le droit d’intervenir unilatéralement s’ils perçoivent une menace directe à leur sécurité au sud du Liban. Un ajout “problématique pour le Liban qui s’y est opposé depuis le début des négociations car c’est une question d’intégrité de la souveraineté nationale”, explique Filippo Dionigi.
Obstacle politique
Qui va décider ce qu’est une menace directe à la sécurité israélienne ? Pour Filippo Dionigi, il y a deux possibilités : soit Israël reçoit des informations de la part des autres acteurs de ce cessez-le-feu, comme la Finul, soit l’État hébreu s’en affranchit totalement et agira sur la foi de ses propres services de renseignement.
Le risque est que “le Hezbollah teste la résolution des différents participants à l’accord [en faisant venir des armes d’Iran, en construisant des tunnels, etc.], ce qui peut pousser les Israéliens à réagir, probablement en bombardant le sud du Liban, ce qui sera très certainement mal perçu par les Libanais et fragilisera le cessez-le-feu”, détaille Robert Geist Pinfold.
Pour cet expert, il y a un autre obstacle à l’application de cet accord qui se trouve… au sein du gouvernement israélien. “Les ministres d’extrême droite veulent continuer la guerre. Ils ont peut-être accepté le cessez-le-feu au Nord qui leur a été présenté, mais est-ce que ce sera au prix d’une intensification sur les autres fronts [Gaza, Syrie, Iran, Cisjordanie] ? Le Liban pourrait alors se retrouver entraîné dans un autre conflit”, explique-t-il.
Pour combien de temps ?
Même si la trêve tient bon, cela ne signifie pas qu’elle durera. N’en déplaise à Joe Biden qui a assuré que “l’accord avait été conçu pour marquer un arrêt permanent des hostilités” entre Israël et le Hezbollah. Sauf que “le cessez-le-feu sera rompu dès le moment où l’une des deux parties estimera qu’il ne sert plus ses intérêts, qu’importe ce qui est écrit dans l’accord”, affirme Ahron Bregman.
Pour l’instant, les deux camps ont intérêt à cette trêve, veut croire Filippo Dionigi. La force de frappe du Hezbollah a été fortement diminuée et la milice pro-Iranienne a besoin de panser ses plaies. D’autant plus “que ce groupe n’a jamais voulu d’un conflit d’une telle intensité avec Israël”, estime Filippo Dionigi.
Israël aussi a besoin de reprendre un peu de ses forces. C'est l'une des raisons invoquées par Benjamin Netanyahu pour justifier qu'il a accepté ce cessez-le-feu. Et puis, le chef du gouvernement avait promis de permettre aux plus de 60 000 Israéliens qui ont été évacués de la région frontalière de revenir. Impossible si les combats font rage.
Sauf que “dans l’état actuel de l’accord, les garanties sécuritaires ne sont pas suffisantes pour permettre un retour des résidents au Nord”, assure Shir Mor. Pour elle, c’est l’une des principales raisons pour laquelle ce cessez-le-feu n’est pas appelé à durer car, aux yeux du gouvernement israélien, “les objectifs de guerre [permettre le retour en toute sécurité des habitants au nord, NDLR] sont loin d’avoir été atteints”.
Le Hezbollah ne va pas non plus se satisfaire de cette situation, craignent les experts interrogés par France 24. “Le sud du Liban est leur principale base d’action et ce groupe y jouit d’un soutien populaire important. Je ne m’imagine pas un scénario dans lequel le Hezbollah tire un trait définitif sur cette région”, conclut Robert Geist Pinfold.`
Au sud du Liban, il n’y a en effet plus de coups de feu ou de tirs d’obus depuis trois heures du matin (heure française), début de la trêve. Promu par le président américain Joe Biden et accepté par les belligérants mardi soir, cet accord prévoit que le Hezbollah se retire au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec l’État hébreu, tandis que l’armée israélienne dispose de 60 jours pour quitter le sud du Liban.
``"Incroyablement difficile à mettre en œuvre"
Un cessez-le-feu qui a été salué par la plupart des dirigeants du monde. Après douze mois d’hostilités entre Israël et le Hezbollah, conséquence de la guerre contre le Hamas à Gaza, dont prêt de deux mois de guerre ouverte, cet accord a été qualifié de “nouvelle très encourageante” par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, tandis que le Premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati, a évoqué une “étape fondamentale” pour rétablir la stabilité régionale.`
Encore faut-il ne pas trébucher sitôt l’accord conclu. Ce cessez-le-feu “sera incroyablement difficile à mettre en œuvre et à garantir”, assure Robert Geist Pinfold, spécialiste des questions sécuritaires au Moyen-Orient à l’université de Durham (Angleterre).
“Les points les plus âprement négociés et sensibles concernent les mécanismes de suivi et de mise en œuvre de cet accord”, souligne Filippo Dionigi, spécialiste du Hezbollah à l'université de Bristol, en Angleterre.
La Finul, aidée par une commission qui comprend notamment les États-Unis et la France, devra ensuite s’assurer que tout se passe bien. Au moindre hic, l’armée libanaise et la Finul seront chargées de ramener l’ordre et d’éviter que le cessez-le-feu ne soit rompu.
Problème de confiance
Problème : “Les forces armées libanaises, censées superviser des éléments clés de l’accord comme réguler le flux des armes en circulation au sud du Liban, n’a historiquement jamais imposé son autorité sur le Hezbollah au sud du Liban”, souligne Shir Mor, spécialiste des questions de sécurité en Israël à l’International Team for the Study of Security (ITSS) Verona.
Israël a peu confiance en la capacité des forces militaires libanaises de faire beaucoup mieux maintenant. “Il faut dire que les attentes sont un peu trop élevées par rapport à ce qu’elle peut faire en pratique”, note Ahron Bregman, politologue au King’s College de Londres. “Cette armée est mal payée, mal équipée et son entraînement est limité”, résume Filippo Dionigi.`
La Finul ne jouit pas d’une réputation beaucoup plus flatteuse à Tel-Aviv. Ces Casques bleus étaient chargés de l’application du cessez-le-feu de 2006, qui prévoyait déjà le désarmement du Hezbollah au sud du Liban. “On sait qu’après 2006, le Hezbollah a non seulement maintenu ses capacités militaires, mais les a même sensiblement renforcées”, souligne Shir Mor.
C’est pourquoi une commission internationale a été ajoutée au dispositif de surveillance par les auteurs de l’accord de cessez-le-feu. Cela sera-t-il suffisant ? La méfiance d’Israël les a, en tout cas, poussés à exiger une clause supplémentaire qui pourrait également faire capoter la trêve. Les Israéliens ont obtenu le droit d’intervenir unilatéralement s’ils perçoivent une menace directe à leur sécurité au sud du Liban. Un ajout “problématique pour le Liban qui s’y est opposé depuis le début des négociations car c’est une question d’intégrité de la souveraineté nationale”, explique Filippo Dionigi.
Obstacle politique
Qui va décider ce qu’est une menace directe à la sécurité israélienne ? Pour Filippo Dionigi, il y a deux possibilités : soit Israël reçoit des informations de la part des autres acteurs de ce cessez-le-feu, comme la Finul, soit l’État hébreu s’en affranchit totalement et agira sur la foi de ses propres services de renseignement.
Le risque est que “le Hezbollah teste la résolution des différents participants à l’accord [en faisant venir des armes d’Iran, en construisant des tunnels, etc.], ce qui peut pousser les Israéliens à réagir, probablement en bombardant le sud du Liban, ce qui sera très certainement mal perçu par les Libanais et fragilisera le cessez-le-feu”, détaille Robert Geist Pinfold.
Pour cet expert, il y a un autre obstacle à l’application de cet accord qui se trouve… au sein du gouvernement israélien. “Les ministres d’extrême droite veulent continuer la guerre. Ils ont peut-être accepté le cessez-le-feu au Nord qui leur a été présenté, mais est-ce que ce sera au prix d’une intensification sur les autres fronts [Gaza, Syrie, Iran, Cisjordanie] ? Le Liban pourrait alors se retrouver entraîné dans un autre conflit”, explique-t-il.
Pour combien de temps ?
Même si la trêve tient bon, cela ne signifie pas qu’elle durera. N’en déplaise à Joe Biden qui a assuré que “l’accord avait été conçu pour marquer un arrêt permanent des hostilités” entre Israël et le Hezbollah. Sauf que “le cessez-le-feu sera rompu dès le moment où l’une des deux parties estimera qu’il ne sert plus ses intérêts, qu’importe ce qui est écrit dans l’accord”, affirme Ahron Bregman.
Pour l’instant, les deux camps ont intérêt à cette trêve, veut croire Filippo Dionigi. La force de frappe du Hezbollah a été fortement diminuée et la milice pro-Iranienne a besoin de panser ses plaies. D’autant plus “que ce groupe n’a jamais voulu d’un conflit d’une telle intensité avec Israël”, estime Filippo Dionigi.
Israël aussi a besoin de reprendre un peu de ses forces. C'est l'une des raisons invoquées par Benjamin Netanyahu pour justifier qu'il a accepté ce cessez-le-feu. Et puis, le chef du gouvernement avait promis de permettre aux plus de 60 000 Israéliens qui ont été évacués de la région frontalière de revenir. Impossible si les combats font rage.
Sauf que “dans l’état actuel de l’accord, les garanties sécuritaires ne sont pas suffisantes pour permettre un retour des résidents au Nord”, assure Shir Mor. Pour elle, c’est l’une des principales raisons pour laquelle ce cessez-le-feu n’est pas appelé à durer car, aux yeux du gouvernement israélien, “les objectifs de guerre [permettre le retour en toute sécurité des habitants au nord, NDLR] sont loin d’avoir été atteints”.
Le Hezbollah ne va pas non plus se satisfaire de cette situation, craignent les experts interrogés par France 24. “Le sud du Liban est leur principale base d’action et ce groupe y jouit d’un soutien populaire important. Je ne m’imagine pas un scénario dans lequel le Hezbollah tire un trait définitif sur cette région”, conclut Robert Geist Pinfold.`