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Tergiversations du régime de Macky SALL : un pas en avant, deux pas en arrière

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 20 Mai 2016 à 10:13 modifié le Vendredi 20 Mai 2016 - 10:16

​Gouverner, c’est décider. Hissé sur son piédestal, doté des moyens et de la technostructure qui sont les siens, l’Etat n’a droit ni à l’erreur ni à l’hésitation. Hélas, sur beaucoup de dossiers, le pouvoir en place semble gouverner dans la tergiversation.



Les juristes publicistes l’appellent la Puissance publique. C’est que, en effet, l’Etat, à la différence des particuliers, est la somme d’un ensemble de pouvoirs qui lui confèrent force, légitimité, capacité de contrainte et monopole de la violence, pour parler comme Max Weber. La Justice, la Police, la Gendarmerie, l’Armée, l’Administration (au sens organique) bref, toutes les forces de répression et de commandement sont de son ressort exclusif. La loi, le décret et le règlement, prérogatives exorbitantes du droit commun, sont ainsi mis au service de ces pouvoirs de contrainte. Ce qui fait que, hissé à ce niveau de responsabilité, ainsi doté par la Nation (en termes de moyens, de renseignements et de consentement), l’Etat n’a pas à tergiverser.

Malheureusement, depuis qu’il a été installé, malgré une assise populaire forte (plus de 65 % des suffrages exprimés), le nouveau pouvoir peine à imposer l’essentiel de ses décisions pourtant frappées du sceau de l’autorité. Il suffit simplement de ne rappeler que quelques cas pour s’en convaincre. Au lendemain de son accession au pouvoir, Macky Sall met, sur le plan judiciaire, deux fers au feu. D’une part, la traque dite des biens présumés mal acquis à grand renfort de matraquage politico-médiatique. A l’arrivée, sur une liste d’une vingtaine de cibles, seuls deux lampistes (Karim Wade et Tahibou Ndiaye) et quelques complices sont poursuivis et envoyés à l’échafaud. Ce, au nom d’une «raison d’Etat» qui impose une gestion sélective des dossiers dont le président de la République, himself, a dit qu’il en a gardés «sous le coude». Ces derniers dossiers sont ceux de ceux que l’on soupçonne d’avoir «négocié» leur liberté, gardé une certaine base politique ou une capacité de nuisance qui font qu’ils sont invités à la table du Prince.

D’autre part, donnant corps à une opération mani pulite, le nouveau pouvoir se lance à l’assaut de la citadelle de l’impunité. L’affaire Medinatoul Salam, du nom de ce double meurtre, est traitée avec la célérité qui sied par la paire de jeunes magistrats, Ibrahima Ndoye et Abdoulaye Alassane Thioune, respectivement Procureur de la République et juge d’instruction près le tribunal correctionnel de Thiès. Malgré une guérilla urbaine rarement connue au Sénégal avec des manifestations de rues, l’Etat ne fléchit pas. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Mbaye Ndiaye, soupçonné de faiblesse, est démis de ses fonctions et remplacé, au pied levé, par un Général étoilé. Ce, pour que force reste à la loi. La suite se passe de commentaires. Après une mise en liberté provisoire assortie d’une autorisation de sortie du territoire qui a tout l’air d’un non-lieu, l’affaire fait pschiiiiit. Les exécutants et autres hommes de main croupissent à la Maison d’arrêt et de correction (Mac) de Thiès. Pendant ce temps, l’acteur principal de ce psychodrame vaque tranquillement à ses occupations (Voir Walf Quotidien n° 7230 du 26 avril 2016).

Sur l’international, le pouvoir ne fait guère mieux. Sur la base d’une prétendue solidarité entre sunnites, de la «protection des Lieux Saints de l’Islam» (sic), Macky décide d’envoyer un bataillon de soldats sénégalais combattre au Yémen. Face aux critiques acerbes, de la rue, notamment, le pouvoir ramollit puis rétropédale.

Quid de l’instauration du visa ? Une mesure symboliquement salutaire mais économiquement suicidaire. Face à un Etat en quête effrénée de liquidités, cette mesure, même pour un économiste amateur, ressemblait à un hara kiri. Complètement dépendant des devises générées par l’économie touristique, le capitaine Macky ne pouvait pas naviguer à contre-courant  ni résister  au tsunami sans changer de cap. Il a donné l’image d’un pédalo en état de détresse, obligé de faire machine arrière. En visite à Ziguinchor, il annonce, à la surprise générale, un virage à 180° : le visa biométrique est annulé. Tout simplement ! L’ancien ministre et homme d’affaires ivoirien, Adama Bictogo, celui-là même qui était chargé de mettre en place l’infrastructure, rafle le jackpot. Il empoche, pour solde de tous comptes, un chèque de 12 milliards Cfa. Le veinard !

A la veille de la dernière édition du Festival de Jazz de Saint-Louis, le Préfet du département signe, pour des raisons liées à la menace terroriste, un arrêté portant interdiction de la manifestation. Puis, revient sur sa décision. Le mal est déjà fait : beaucoup d’amoureux du jazz qui avaient déjà bouclé leurs valises annulent leur réservation. Résultat des courses : une perte sèche pour l’économie touristique locale du seul fait d’un Etat qui, dans ces dossiers comme dans bien d’autres, continue de pécher par hésitation.

Ibrahima ANNE

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