Tentatives de réconciliation des deux pôles de la mal gouvernance : une boulimie foncière à nulle autre pareille (suite). (Mody Niang)

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 16 Novembre 2017 à 12:50 modifié le Jeudi 16 Novembre 2017 12:52

En conclusion de ma précédente contribution, je dénonçais le silence assourdissant du président-politicien Jr, face à la gestion foncière scandaleuse de son vieux prédécesseur. En particulier, je promettais de revenir sur l’un des plus gros scandales de cette gestion : la cession, à un particulier bien choisi, de terrains domaniaux d’une superficie de cinquante-six hectares, trois ares et cinquante-six centiares (56 ha 03 a 56 ca), prélevés sur  la réserve foncière de l’Aéroport international de Dakar-Yoff. En contrepartie, l’heureux bénéficiaire devait construire le monument dit de la Renaissance africaine, pour un coût déclaré de douze (12) à quatorze (14) milliards de francs CFA. Cette sulfureuse affaire a fait d’ailleurs l’objet d’un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE), qui a cloué au pilori un nombre impressionnant de violations flagrantes de la loi, par celui qui était sensé la protéger : le Président de la République. Nous reviendrons d’ailleurs largement sur ce rapport, qui en dit long sur la vraie nature de l’homme qui a présidé aux destinées de notre pauvre pays pendant douze très longues années. En attendant, nous allons lui administrer la preuve, à lui et à son ‘’partenaire’’, que nous ne sommes pas tous des demeurés, que DIEU nous a quand même dotés d’une mémoire, même si lui croit fermement que ‘’nous avons du mal à nous souvenir de notre dîner de la veille’’. 
Rappelons que, dans une interview accordée à un quotidien de la place que ‘’Sud quotidien’’ a commentée dans son édition du 10 août 2009, l’acolyte du vieux président-politicien, nous prenant lui aussi pour des demeurés, a essayé de nous jeter la poudre aux yeux, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Ainsi, il a voulu nous faire croire qu’il a accepté l’opération – faussement appelée dation  –, après que d’autres personnes, qui pensaient que la transaction n’était pas intéressante, ont désisté. La transaction n’était pas intéressante ! Qui sera suffisamment naïf pour le croire un seul instant ? Quelle personne saine d’esprit allait-elle désister devant une telle aubaine, cracher sur d’aussi faciles milliards ? C’était à lui, et à lui seul, et pour cause, que le vieux prédateur avait proposé l’inqualifiable transaction. C’est lui qu’il avait choisi pour en faire un milliardaire, comme il en avait fait de nombreux autres. N’a-t-il pas reconnu publiquement que, tout au long de sa nauséabonde gouvernance, il a fabriqué de nombreux milliardaires ? Il n’avait pas besoin de le clamer partout d’ailleurs, puisque nous le savions déjà, et les oiseaux le chantaient sur tous les toits. Je ne m’appesantirai pas d’ailleurs outre mesure sur la présentation de l’acolyte du vieux président. Je l’ai suffisamment fait dans mon dernier livre sur les Wade (pp. 156-168) : ‘’Le clan des Wade : accaparement, mépris et vanité’’, Paris, L’Harmattan, octobre 2011. 
Pour faire un peu d’historique, nous sommes en 2008. Le vieux président a un projet qui le tient apparemment à cœur : l’érection, sur les Mamelles de Ouakam, d’un monument dit de la Renaissance africaine. Le coût se situant entre 12 et 14 milliards et le budget de cette année-là ne l’ayant pas prévu, du moins c’est ce qu’il prétendait, il fait appel à une entreprise coréenne (Mansuadea Overseas Project Group), pour la réalisation du fameux monument. Il propose à nos amis Coréens – du moins c’est sa version –, des terres en échange. Mais le troc n’emballe pas ces derniers. Comme sa tête bouillonne d’idées, il trouve un autre modus operandi consistant à signer une convention avec son ‘’partenaire’’ Mbackiou Faye, en sa qualité de directeur ou de président de la Sci Promobilière. Sans appel d’offres (le vieux président en avait horreur). Au terme de la convention qu’il appelle faussement la dation, la société devait se substituer à l’État pour payer la facture de 12 à 14 milliards aux Coréens, aux Coréens sans visage. En contrepartie, l’heureux promoteur de l’alternance reçoit de l’État, du vieux président-politicien plus exactement, cinquante-six hectares, trois ares et cinquante-six centiares (56 ha 03 a 56 ca) de la réserve foncière (encore une) de l’Aéroport international de Dakar. Et voilà le marché inédit conclu : le titre foncier lui est rétrocédé, soit 560000 m2 et poussières, à 4410 francs Cfa le m2. 
Pour nous narguer vraiment comme il en avait la fâcheuse habitude, notre vieux président-politicien a voulu nous faire croire que les terres cédées étaient en friche et n’avaient pas, partant, une grande valeur. Il a voulu nous convaincre aussi que le montage financier (ou ingénierie financière, un concept qu’il affectionnait tant avec son fils chéri) pour la réalisation du monument  dit de la Renaissance africaine se ferait sans le sous de l’État (nous avons déjà entendu cet argument). Comme quoi, toutes ces terres qu’il aliénait à sa guise n’appartenaient pas à la collectivité nationale, mais peut-être bien à lui-même. Á lui le président affairiste qui pouvait en faire ce qu’il voulait, et sans l’avis de personne. Ces « terrains en friche » étaient en vérité très courus par les Sénégalaises et les Sénégalais d’un certain standing, qui étaient prêts à les acheter à 250-300 000 francs Cfa le m2, s’ils en avaient l’opportunité. 
Le ‘’partenaire’’ du Président affairiste qui avait réalisé la meilleure affaire de l’alternance, faisait donc manifestement la fine bouche. Il déclarait : «  J’ai édifié le Monument de la Renaissance africaine d’une valeur de 12 milliards et l’État m’a payé en dation  les 30 ha que je peux gérer comme bon me semble. »  Et voilà le tour joué ! D’abord c’est doublement faux : le vieux président (et non l’Etat) lui a donné 57 hectares et non 30. Ensuite, il ne pouvait s’agir de ‘’dation’’ entre l’Etat et lui. L’Etat était d’ailleurs absent de toute cette nébuleuse. Ce promoteur particulier racontait donc histoire sur histoire. Il pouvait se le permettre puisqu’il nous prenait pour des demeurés, peut-être même pour des crétins. Vous vous rappelez qu’il avait voulu nous faire croire que l’opération n’était pas rentable et qu’il allait désister ! La vérité c’est que, avec l’appui de l’État, il a vendu à l’Institut de Prévoyance Retraite du Sénégal (Ipres) et à la Caisse de Sécurité sociale une partie des 56 ha (30 ha exactement) pour la coquette somme de 30 milliards de francs Cfa et ce, bien avant que les fameux Coréens n’aient terminé les travaux. Il lui restait alors 26 hectares qui, au prix du m2 dans la zone, allaient rapporter des dizaines d’autres milliards. Des spécialistes interrogés affirmaient que, même après défalcation des frais qu’il avait dû engager, l’homme d’affaires préféré des Wade pourrait se retrouver avec un gain énorme, qu’il partagerait sûrement avec celui de qui tout est parti. Aujourd’hui en tout cas, il continue de vendre dans la même zone des parcelles de 150 à 200 m2 jusqu’à 50 millions de francs CFA l’unité. 

Pour certains de mes compatriotes qui pourraient douter des informations passées en revues ici, je leur donne rendez-vous à lundi prochain. Je ferai livrer ses secrets (façon de m’exprimer) au ‘’Rapport public sur l’Etat de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes’’, juillet 2013. Ils se demanderont alors légitimement, comment le vieux président-politicien a pu sortir indemne de la violation flagrante d’autant de lois, lui qui était alors considéré comme le Gardien de la Constitution (donc des lois), le Père de la Nation, la Clé de voute des institutions. Ils ne comprendront surtout pas que des gens lui fassent encore confiance et que des cercles, y compris religieux, s’emploient à le réconcilier coûte que coûte avec son successeur. Notre pauvre pays a vraiment d’autres préoccupations, d’autres urgences que la réconciliation stérile de ces deux politiciens purs et durs, l’un et l’autre champions incontestés de la mal gouvernance. 


Dakar, le 15 novembre 2017 

Mody Niang 
Cheikh Amidou Kane
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