Le 13 février 2021, alors que les premiers soubresauts consécutifs à la convocation de l’Honorable député Ousmane SONKO étaient enregistrés, j’avais fait le choix d’adresser une lettre ouverte à Monsieur le Président de la République du Sénégal, Macky SALL.
Deux ans après, je suis au regret de constater que cette missive conserve toute son actualité. Mieux, les craintes que j’y exprimais se sont avérées et cristallisées. En effet, dans cette Lettre, je décrivais le contexte d’un Sénégal fragile en ces termes « les vents forts agitent l’océan. Et notre barque tangue. Il faut écoper. Il faut calmer les esprits. Nous avons tous besoin de sérénité. ».
Aujourd’hui, l’incendie est suspendu à l’étincelle.
J’y affirmais en substance, en parlant de l’accusation de viol portée contre M. Sonko, que « cette affaire est truffée d’épaisses zones d’ombres avec un niveau d’implication politique et un amateurisme qui dépassent l’entendement. Les faits intrigants devraient plutôt nous inciter tous à la prudence ».Au lieu de la prudence, c’est l’escalade.Au lieu d’un dossier, nous en sommes à trois dont les liens sont manifestes.
1. Un dossier sur des faits allégués et consignés dans une plainte formelle d’un citoyen accusant l’État du Sénégal de complot ;
2. Un dossier sur des faits allégués et consignés dans une plainte formelle d’une citoyenne accusant un autre citoyen de viol sous menace armée et réclamant justice ;
3. Un dossier sur les responsabilités à situer et les éventuelles réparations des préjudices à la suite de la perte de la vie de citoyens au cours ou en marge de manifestations consécutives à la présentation du second dossier en justice.
Aujourd’hui, en s’acheminant vers le traitement des dossiers sans que soit vidé l’accusation de complot porté contre lui, l’État ouvre la porte à une résistance légitime de Ousmane Sonko.
En effet, poussé à bout pendant deux longues années pendant lesquelles M. Sonko s’est défendu avec courage et a attaqué. Il a clairement montré qu’il ne se laissera pas sacrifier dans un dossier qu’il juge biaisé, sous quelque prétexte que ce soit. C’est tout à son honneur.
Défiés, les tenants du pouvoir sont également déterminés à recourir à tous les moyens pour ne pas apparaître comme un État faible et sauvegarder la tranquillité publique, c’est leur devoir.
Mais tout le monde sait parfaitement que lorsque la neutralité d’un instrument aussi puissant que l’État est mise en doute, à tort ou à raison, le risque d’instabilité est aggravé et plus foudroyant pour un pays que les conséquences des agissements personnels les plus répréhensibles de n’importe quel citoyen.
Aujourd’hui, les deux camps n’ont pas hésité à faire feu de tout bois, des familles ont été divisées, des liens brisés, des bornes dépassées.Dans ce contexte, je suis persuadé que ces trois dossiers ne peuvent pas être vidés correctement dans le respect du temps de la justice, avec la mise en œuvre de toutes les voies de recours d’ici à l’élection présidentielle dont le processus est déjà déclenché. C’est d’une évidence incontestable.
Je suis convaincu qu’il faut en tirer les conséquences et trouver des solutions consensuelles avec l’aide des parties concernées et des bonnes volontés afin de garantir la paix et la stabilité en évitant d’ajouter à l’inévitable tension politique en période électorale, une autre source d’instabilité tout à fait évitable.
Ne nous voilons pas la face ! Nous avons vécu dans la douleur le traitement humiliant infligé à des citoyens opposés au régime actuel dans des conditions où il est difficile de nous convaincre que tout s’est passé normalement et que la tournure prise par les dossiers judiciaires n’a rien à voir avec les suspicions d’un acharnement. L’État doit donc franchir le premier pas en prouvant son innocence. Le reste suivra tout naturellement. C’est à la justice d’en décider en toute responsabilité et au nom exclusif du peuple. J’avais bien alerté dans ma lettre de février 2021 en ces termes : « Ils vous entrainent dans une voie sans issue et aux conséquences incalculables pour la stabilité de notre pays. N’ouvrez pas la boîte de Pandore ! »
Aujourd’hui, par la force des choses, toute la responsabilité de la paix et la sérénité au Sénégal repose sur le Président Macky SALL. Il lui est encore possible de laisser parler son « âme de bon chevalier » qui a prévalu, dans certaines circonstances. Il a su faire preuve d’une dignité caractéristique du « sang du Sine » que nous partageons quand il a été poussé dans ses derniers retranchements. Je l’imagine se battre jusqu’au dernier souffle s’il était à la place de Ousmane Sonko. Pour une tentative d’humiliation moindre, il est sorti de ses gonds, avec fierté.
Le Sénégal a besoin d’un Macky SALL capable de dépassement et en mesure de renoncer à la force de l’État contre un adversaire politique en partant de l’hypothèse qu’il en a vécu les affres. J’ai encore l’espoir que le Macky Sall souhaité se cache derrière l’image qui nous est servie.
Aujourd’hui, ce qui est fait est fait. Même le souvenir de la douleur est une peine. J’en suis conscient. Il est donc essentiel de se mettre dans les dispositions d’un dépassement. La vie est ainsi faite et chacun doit lâcher du lest pour rendre possible cette aspiration collective du pays, des investisseurs, des entreprises, des ménages, des acteurs politiques et des gouvernants, à la paix et à la sérénité. Concentrons-nous sur ces défis majeurs, dans un élan de concorde civile, chacun selon ses convictions.
Il ne sert à rien de brandir des projets de vengeance contre Macky SALL. Il ne sert à rien, non plus, d’opter pour la répression et le recours à la force coercitive de l’État pour faire plier des citoyens qui se sentent persécutés.L’objectif de réaliser le développement économique et social de notre pays dans la paix, dont chacun d’entre nous se préoccupe, est incompatible avec l’instabilité politique et sociale dont on ne sait jamais quelle ampleur et quelle durée elle aura.
Les épreuves personnelles, craintes, calculs et espérances des leaders politiques ne changeront en rien les aspirations légitimes du peuple sénégalais, maintes fois bafouées, et qui attendent d’être satisfaites par ceux qui prétendent leur apporter des solutions.
Nous n’avons pas de choix.
Boubacar Camara
Deux ans après, je suis au regret de constater que cette missive conserve toute son actualité. Mieux, les craintes que j’y exprimais se sont avérées et cristallisées. En effet, dans cette Lettre, je décrivais le contexte d’un Sénégal fragile en ces termes « les vents forts agitent l’océan. Et notre barque tangue. Il faut écoper. Il faut calmer les esprits. Nous avons tous besoin de sérénité. ».
Aujourd’hui, l’incendie est suspendu à l’étincelle.
J’y affirmais en substance, en parlant de l’accusation de viol portée contre M. Sonko, que « cette affaire est truffée d’épaisses zones d’ombres avec un niveau d’implication politique et un amateurisme qui dépassent l’entendement. Les faits intrigants devraient plutôt nous inciter tous à la prudence ».Au lieu de la prudence, c’est l’escalade.Au lieu d’un dossier, nous en sommes à trois dont les liens sont manifestes.
1. Un dossier sur des faits allégués et consignés dans une plainte formelle d’un citoyen accusant l’État du Sénégal de complot ;
2. Un dossier sur des faits allégués et consignés dans une plainte formelle d’une citoyenne accusant un autre citoyen de viol sous menace armée et réclamant justice ;
3. Un dossier sur les responsabilités à situer et les éventuelles réparations des préjudices à la suite de la perte de la vie de citoyens au cours ou en marge de manifestations consécutives à la présentation du second dossier en justice.
Aujourd’hui, en s’acheminant vers le traitement des dossiers sans que soit vidé l’accusation de complot porté contre lui, l’État ouvre la porte à une résistance légitime de Ousmane Sonko.
En effet, poussé à bout pendant deux longues années pendant lesquelles M. Sonko s’est défendu avec courage et a attaqué. Il a clairement montré qu’il ne se laissera pas sacrifier dans un dossier qu’il juge biaisé, sous quelque prétexte que ce soit. C’est tout à son honneur.
Défiés, les tenants du pouvoir sont également déterminés à recourir à tous les moyens pour ne pas apparaître comme un État faible et sauvegarder la tranquillité publique, c’est leur devoir.
Mais tout le monde sait parfaitement que lorsque la neutralité d’un instrument aussi puissant que l’État est mise en doute, à tort ou à raison, le risque d’instabilité est aggravé et plus foudroyant pour un pays que les conséquences des agissements personnels les plus répréhensibles de n’importe quel citoyen.
Aujourd’hui, les deux camps n’ont pas hésité à faire feu de tout bois, des familles ont été divisées, des liens brisés, des bornes dépassées.Dans ce contexte, je suis persuadé que ces trois dossiers ne peuvent pas être vidés correctement dans le respect du temps de la justice, avec la mise en œuvre de toutes les voies de recours d’ici à l’élection présidentielle dont le processus est déjà déclenché. C’est d’une évidence incontestable.
Je suis convaincu qu’il faut en tirer les conséquences et trouver des solutions consensuelles avec l’aide des parties concernées et des bonnes volontés afin de garantir la paix et la stabilité en évitant d’ajouter à l’inévitable tension politique en période électorale, une autre source d’instabilité tout à fait évitable.
Ne nous voilons pas la face ! Nous avons vécu dans la douleur le traitement humiliant infligé à des citoyens opposés au régime actuel dans des conditions où il est difficile de nous convaincre que tout s’est passé normalement et que la tournure prise par les dossiers judiciaires n’a rien à voir avec les suspicions d’un acharnement. L’État doit donc franchir le premier pas en prouvant son innocence. Le reste suivra tout naturellement. C’est à la justice d’en décider en toute responsabilité et au nom exclusif du peuple. J’avais bien alerté dans ma lettre de février 2021 en ces termes : « Ils vous entrainent dans une voie sans issue et aux conséquences incalculables pour la stabilité de notre pays. N’ouvrez pas la boîte de Pandore ! »
Aujourd’hui, par la force des choses, toute la responsabilité de la paix et la sérénité au Sénégal repose sur le Président Macky SALL. Il lui est encore possible de laisser parler son « âme de bon chevalier » qui a prévalu, dans certaines circonstances. Il a su faire preuve d’une dignité caractéristique du « sang du Sine » que nous partageons quand il a été poussé dans ses derniers retranchements. Je l’imagine se battre jusqu’au dernier souffle s’il était à la place de Ousmane Sonko. Pour une tentative d’humiliation moindre, il est sorti de ses gonds, avec fierté.
Le Sénégal a besoin d’un Macky SALL capable de dépassement et en mesure de renoncer à la force de l’État contre un adversaire politique en partant de l’hypothèse qu’il en a vécu les affres. J’ai encore l’espoir que le Macky Sall souhaité se cache derrière l’image qui nous est servie.
Aujourd’hui, ce qui est fait est fait. Même le souvenir de la douleur est une peine. J’en suis conscient. Il est donc essentiel de se mettre dans les dispositions d’un dépassement. La vie est ainsi faite et chacun doit lâcher du lest pour rendre possible cette aspiration collective du pays, des investisseurs, des entreprises, des ménages, des acteurs politiques et des gouvernants, à la paix et à la sérénité. Concentrons-nous sur ces défis majeurs, dans un élan de concorde civile, chacun selon ses convictions.
Il ne sert à rien de brandir des projets de vengeance contre Macky SALL. Il ne sert à rien, non plus, d’opter pour la répression et le recours à la force coercitive de l’État pour faire plier des citoyens qui se sentent persécutés.L’objectif de réaliser le développement économique et social de notre pays dans la paix, dont chacun d’entre nous se préoccupe, est incompatible avec l’instabilité politique et sociale dont on ne sait jamais quelle ampleur et quelle durée elle aura.
Les épreuves personnelles, craintes, calculs et espérances des leaders politiques ne changeront en rien les aspirations légitimes du peuple sénégalais, maintes fois bafouées, et qui attendent d’être satisfaites par ceux qui prétendent leur apporter des solutions.
Nous n’avons pas de choix.
Boubacar Camara