Tariq Ramadan mis en congé de l’université d’Oxford

Rédigé par Dakarposte le Mardi 7 Novembre 2017 à 20:58 modifié le Mardi 7 Novembre 2017 21:01

L’islamologue et théologien suisse est visé par deux plaintes pour viol en France et accusé d’abus sexuel sur des mineures en Suisse.



Après une dizaine de jours d’atermoiements, l’université d’Oxford a annoncé, mardi 6 novembre, qu’elle avait décidé « d’un commun accord » avec Tariq Ramadan la mise en congé immédiate de ce dernier du poste de professeur d’études islamiques contemporaines qu’il occupe dans un de ses collèges. « Les obligations d’enseignement, de supervisions et d’examens du professeur Ramadan seront redistribuées et il ne sera pas présent à l’université ou au collège », précise l’université dans un communiqué, en ajoutant qu’elle a « constamment reconnu la gravité des allégations portées contre le professeur Ramadan, tout en insistant sur l’importance d’un juste équilibre, du principe de justice et du respect de la procédure ».

La situation était en effet devenue difficile, au sein du département d’études islamiques contemporaines, logé au Saint Anthony’s College, dont les beaux bâtiments ont été largement rénovés, il y a quelques années, par un généreux don du Qatar de onze millions de livres. Apprenant par la presse – et notamment dans Le Monde – les accusations dont le prédicateur fait désormais l’objet (deux plaintes pour viol ont été déposées devant le parquet de Paris), une partie des étudiants avait réclamé une réunion à la direction de l’université. Celle-ci a mis plus de huit jours à le leur accorder et la rencontre serait restée confidentielle si le journal de l’université n’en avait pas révélé le contenu.

Justifiant la lenteur de sa réaction par le fait que les plaintes pour viol ont été déposées dans des pays « n’ayant pas le même système judiciaire », Eugène Rogan, le directeur du Middle East Center, y avait alors maladroitement proposé de faire accompagner Tariq Ramadan d’une personne extérieure pour mieux rassurer les étudiantes qui le souhaiteraient. Sans éteindre les protestations.

« POUR CERTAINS ÉTUDIANTS, IL S’AGIT D’UNE AUTRE MANIÈRE POUR LES EUROPÉENS DE S’ATTAQUER À UN INTELLECTUEL MUSULMAN ÉMINENT »
Curieusement, alors que, dans la foulée de l’affaire Weinstein, le ministre de la défense britannique, Michael Fallon, a dû démissionner le 1er novembre après avoir reconnu avoir mis la main sur le genou d’une journaliste, les plaintes pour viol en France et les témoignages rapportés par la presse suisse contre Tariq Ramadan ont mis du temps avant d’être pris en considération, non seulement à Oxford, mais dans les médias britanniques.


« Il ne s’agit pas seulement de violence sexuelle. Pour certains étudiants, il s’agit d’une autre manière pour les Européens de s’attaquer à un intellectuel musulman éminent », avait d’ailleurs déclaré le professeur Rogan devant les étudiants, avant de souligner de façon surprenante « nous devons protéger les étudiants musulmans qui croient et ont confiance en lui et restaurer cette confiance ».

Prudence de l’université d’Oxford

Il faut dire que le département d’études islamiques a un statut particulier au sein de l’université d’Oxford. C’est la cheikha Mozah, l’une des trois épouses de l’émir du Qatar, qui a inauguré en 2009 le bâtiment somptueux réalisé par l’architecte Zaha Hadid. Outre le financement des travaux de rénovation du Saint Anthony’s College, un don de plus de 2 millions de livres a permis notamment la création de la chaire de théologie qui porte le nom de « Sa Majesté Hamad Ben Khalifa Al-Thani », émir du Qatar de 1995 à 2013, occupée jusqu’à aujourd’hui par Tariq Ramadan.

Contactée par Le Monde, la cheikha Mozah, qui passe pour la protectrice du prédicateur, n’a pas répondu à nos questions. Mais le lien entre le Qatar et la chaire de théologie peut expliquer la prudence de l’université d’Oxford.

Face aux étudiants, le directeur Rogan avait encouragé « chacun à faire preuve de jugement moral sur la manière dont vous exprimez vos inquiétudes – de ne pas victimiser les femmes qui ont produit les allégations ou les hommes qui ont fait l’objet d’accusations contre lesquelles ils n’ont pas eu la possibilité de se défendre ».

Mardi, dans son communiqué, l’université a redit qu’ « un congé mutuellement accepté n’implique aucune présomption ni acceptation de la culpabilité et permet au professeur Ramadan de se concentrer sur les allégations très sérieuses qui sont portées contre lui et qu’il conteste catégoriquement. Dans le même temps, cela nous permet de nous concentrer sur notre principale préoccupation : tenir compte du désarroi important et compréhensible en mettant au premier plan le bien-être de nos étudiants et de notre administration ». Un communiqué que Tariq Ramadan a publié entièrement sur son compte Facebook.

 
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