La cour d'appel d'Anvers a condamné mercredi la société Skype à une amende de 30.000 euros pour avoir refusé de collaborer à une enquête judiciaire. La cour a ainsi confirmé un jugement en première instance rendu par le tribunal correctionnel de Malines. Skype avait plaidé l'acquittement dans ce dossier.
En septembre 2012, dans le cadre d'une enquête sur le milieu criminel arménien menée par la justice malinoise, les inspecteurs avaient demandé à Skype de leur fournir des données au sujet de conversations entre deux de ses utilisateurs et de lui fournir une assistance technique dans l'exploitation des conversations des personnes concernées.
L'entreprise ayant développé le logiciel qui permet aux utilisateurs de passer des appels téléphoniques ou vidéo via internet avait accédé en partie à la demande, donnant notamment les adresses e-mails, les antécédents des utilisateurs et les adresses IP, pour autant cependant que ces données ne soient pas utilisées comme preuve. Mais Skype avait refusé de transmettre des données sur le contenu des conversations parce que cela lui aurait été techniquement impossible, avait-elle alors expliqué.
Skype disposait de bien plus d'informations
"Un opérateur ou un prestataire de services qui cible les consommateurs belges sur le marché économique belge doit se conformer à la législation belge et doit être organisé sur le plan technique afin de pouvoir répondre pleinement aux demandes de la justice", estime la cour d'appel d'Anvers. D'après elle, il n'est pas question d'une impossibilité matérielle ou d'une situation de force majeure car Skype a elle-même reconnu que l'interception de communications était possible à condition que les ajustements techniques nécessaires soient apportés.
Il ressort en outre de la politique de protection de la vie privée de l'entreprise que celle-ci dispose de davantage de données sur ses utilisateurs et sur les messages qu'ils envoient qu'elle ne le laisse apparaître, affirme encore la cour. "Si Skype pouvait déjà disposer de ces données en 2016 ou 2017, alors elle aurait également pu en faire de même en 2012", estime-t-elle. A tout le moins, l'entreprise reste en défaut d'expliquer pourquoi cela n'aurait pas été possible à ce moment-là, ajoute-t-elle.
Skype pas liée à la loi belge? Faux, répondent les juges
Skype, de son côté, avait prétendu ne pas être liée à la législation belge, n'étant pas un opérateur télécom ou un fournisseur de service et ayant son siège installé au Luxembourg. "Nous ne fournissons que du logiciel. En outre, les données passent par un canal auquel nous n'avons pas accès. (...) Nous ne disposons pas du contenu", avait alors argué la défense.
Des arguments balayés par la cour d'appel anversoise, qui estime donc établie la non-collaboration de Skype à l'enquête judiciaire. "Les faits sont graves et ont d'importantes conséquences sociétales, étant donné que le refus délibéré du prévenu de donner suite aux injonctions du juge d'instruction complique les enquêtes judiciaires sur toutes les formes de criminalité grave."
Le respect de la vie privée est essentiel, se défend Skype
Dans une réaction, Skype indique que "l'application de la loi joue un rôle primordial dans la protection des collectivités, mais le respect de la vie privée et des frontières internationales est également essentiel. Il revient au législateur européen de se pencher sur la question de l'accès légal aux données au-delà des frontières, plutôt qu'à des juridictions nationales. Nous allons revoir le raisonnement tenu par la cour et examiner ensuite les options juridiques qui s'offrent à nous".