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Sénégal : l’affaire des contrats pétroliers instrumentalisée par l’opposition ?

Rédigé par Dakarposte le Mercredi 12 Juin 2019 à 22:22 modifié le Mercredi 12 Juin 2019 - 22:23

Le président sénégalais se trouve au cœur d'une ténébreuse affaire de contrats pétroliers. Dans le pays, l'émotion est à son comble. Pourtant, le reportage à l'origine du scandale s'appuie sur les seules paroles d'opposants, figures politiques d’abord mues par leur volonté de déstabiliser le pouvoir. Démystification d'une affaire qui pourrait bien faire « pschitt ».


Sénégal : l’affaire des contrats pétroliers instrumentalisée par l’opposition ?

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. Le Sénégal est en émoi depuis la diffusion début juin par BBC Afrique d'un reportage revenant sur les conditions d'attribution, en 2016, de deux champs gaziers offshore à la multinationale BP. Selon le document, BP aurait racheté ces deux concessions à un homme d'affaires roumano-australien, Frank Timis, pour 250 millions de dollars. L'entreprise britannique aurait également accepté de verser au businessman une redevance comprise entre 9 et 12 milliards de dollars sur une période de 40 ans. Légitimement, les Sénégalais, dont beaucoup ont encore du mal à joindre les deux bouts, se sentent spoliés.

L'affaire ne s'arrête pas là. Toujours selon la BBC, Aliou Sall, le frère de l'actuel président du Sénégal, Macky Sall, aurait de 2012 à 2014 occupé un poste de consultant pour l'une des entreprises de Frank Timis, Petrotim, une filiale du géant chinois Petroasia. Un poste rémunéré 25 000 dollars par mois, selon les documents confidentiels révélés par le reportage. La coïncidence est troublante, et il n'en fallait pas davantage pour que s'élèvent des accusations de corruption à l'encontre du chef de l'Etat, qui aurait tout bonnement accordé le contrat à Petrotim en échange d'un job pour un membre de sa famille. Un raisonnement simple, séduisant, limpide. Peut-être un peu trop.

Un reportage « tendancieux »

Cette version de l'histoire, par ailleurs largement relayée par l'opposition sénégalaise, fait l'impasse sur un certain nombre de faits aussi incontestables qu'importants. A commencer par certains anachronismes troublants : au cours d’un entretien accordé il y a déjà trois ans à la presse sénégalaise  – donc bien avant l'éclosion du scandale –, Frank Timis explique qu'il a rencontré Aliou Sall « au début de l'année 2010 en Chine, où il était chef du bureau économique de l'ambassade du Sénégal » à Pékin – deux ans, donc, avant l'élection de Macky Sall. « Je ne savais pas que son frère était (alors) opposant », poursuit l'homme d'affaires : « je ne connaissais pas Macky et je ne savais pas non plus qu’Aliou Sall était son frère », insiste-t-il, revenant sur le fait qu'Aliou avait « un salaire qu'il (recevait) mensuellement comme tout travailleur ».

Les accusations pleuvant sur le président sénégalais sont d'autant plus incongrues que Macky Sall a précisément fait de la lutte contre la corruption le symbole de son mandat. Dès son accession au pouvoir, en 2012, le nouveau chef d'Etat met ainsi sur pied un nouvel organe indépendant chargé de lutter contre ce fléau endémique, l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC). Office qui se met rapidement au travail et produit, en 2016, un premier rapport explosif sur le phénomène, conduisant notamment les autorités sénégalaises à un vaste coup de balai dans les services douaniers. Chose promise, chose due, en somme – une exemplarité finalement pas si répandue dans le monde à ce niveau de responsabilités étatiques.

Confronté à ses accusateurs, Macky Sall s'est défendu. Dénonçant une tentative de « déstabilisation », le président sénégalais a affirmé mercredi 5 juin que son « gouvernement va poursuivre cette affaire ». « Je tiens à ce que la vérité soit rétablie », a-t-il déclaré, tout en réclamant des preuves. « Toutefois, nous n’accepterons pas de fausses accusations », a mis en garde le chef de l’Etat, rappelant que « jamais un pays n’a pris autant de dispositions pour éviter les écueils par rapport aux ressources qui vont être exploitées dans les prochaines années ». De son côté, le gouvernement sénégalais a par ailleurs dénoncé un « reportage manifestement tendancieux » et « ponctué de graves et fausses allégations sur la gouvernance des ressources pétrolières du Sénégal ».

Un reportage à charge reposant sur des paroles douteuses

De fait, l'intégralité des intervenants interrogés par la BBC semble partager un intérêt commun : écorner l'image et la réputation de Macky Sall. Et pour cause : son principal accusateur n'est autre que son ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, banquier sorti de l'anonymat par son bienfaiteur avant d'être limogé par celui-ci à la suite d'une motion de censure déposée par des parlementaires, le soupçonnant d'avoir aidé le dictateur tchadien Hissène Habré à faire fructifier sa fortune. Depuis, M. Mbaye pratique la politique de la chaise vide, refusant tout dialogue démocratique avec la majorité et celle qui assume aujourd'hui ses anciennes responsabilités, Aminata Touré, selon laquelle « Abdoul Mbaye ne digère toujours pas d'avoir quitté le poste de premier ministre ».

Quant au député et leader du mouvement « Tekki », Mamadou Lamine Dialo, qui témoigne également dans le reportage de la BBC – à charge, il va sans dire –, il n'en est pas à son premier coup d'essai pour tenter de gonfler sa popularité en égratignant le pouvoir en place. Sa réaction face aux déclarations de la journaliste de la BBC en dit également long, l'opposant semblant prendre pour argent comptant ce qui lui est rapporté, sans faire même mine de s'interroger sur la véracité des très graves accusations portées à sa connaissance. Une indignation qui peut faire sourire, s’agissant d’un homme autrefois Conseiller technique auprès du Premier ministre et Président du Conseil général des Mines ayant, le 7 aout 1997, encouragé la signature d’un décret 97-797 octroyant un permis de recherche pour or et substances connexes, dit permis Madina, à la société International Mining Company, société dont la gérance est assurée par… sa femme. Vous avez dit conflit d’intérêts ?

Et si la seule et véritable victime de cette ténébreuse « affaire » était, in fine, l'ONG ayant contribué à la révéler : Global Witness, une organisation par ailleurs sérieuse s'étant malheureusement appuyée sur des politiciens revanchards à la parole douteuse ?

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