Sénégal-Dossier Explosif: « Ndékétéyo », les avocats de Karim Wade touchaient 1.000 euros l’heure

Rédigé par Dakarposte le Dimanche 3 Mai 2015 à 16:39 modifié le Dimanche 3 Mai 2015 16:42

Inculpé et écroué depuis le 17 avril 2013 à Dakar, le fils de l’ancien chef de l’Etat du Sénégal, Karim Wade, est accusé d’avoir acquis de manière illicite divers biens, dont des sociétés, des terrains et des véhicules estimés à 694 milliards de francs CFA (1 milliard d’euros). Le 23 mars 2015, la sentence tombe : Karim Wade est condamné à 6 ans de prison ferme et d’une amende de 138 milliards de francs CFA, par le président de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), Henri Grégoire Diop. Ses alliés ont écopé de 5 ans de prison ferme. Mais avant que la sentence ne tombe, pour sa défense, Karim Wade avait sollicité les services des meilleurs avocats. Certains d’entre eux touchent environ 1 000 euros de l’heure…


Qui sont les avocats de Karim Wade ?
Au total, ils sont 16 avocats dont 9 sénégalais qui plaident en faveur du fils d’Abdoulaye Wade. Pressentant une procédure judiciaire plus ou moins longue et douloureuse, Karim Wade a ensuite renforcé sa défense en sollicitant les services de 7 autres avocats français: Le bâtonnier Olivier Sûr, Me Jean René Farthouat, Me Jessica Finelle, Me Naomie Coutrot Cieslinski, Me Nicolas Boulay Me Nicolas Cassart et Me Emmanuel Pellerin. Ils se sont exclusivement penchés sur son cas. 




Le Bâtonnier Pierre Olivier-SurIl est inscrit au barreau de Paris depuis 1985. Il débute sa carrière au sein du cabinet du pénaliste Olivier Schnerb, assurant les comparutions immédiates et les commissions d’office devant la cour d’assises.Me Pierre Olivier Sur est diplômé de Sciences Po de Paris et est secrétaire de la conférence du stage en 1990. De 2001 à 2009, il est membre du comité éthique au barreau de Paris. Depuis 2002, il est l’administrateur du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions. Le 13 décembre 2012, il remporte l’élection du dauphinat du barreau de Paris. Le premier janvier 2014, il devient bâtonnier du barreau de Paris pour un mandat de deux ans. Il plaide dans les grands procès politico-financiers de ces dernières années. Il fut notamment désigné dans les dossiers comme l’affaire des HLM de Paris en 1994 ; l’affaire du Crédit Lyonnais, côté parties civiles en 1995 ; l’affaire Angolagate en 2009 ; le procès Khmers Rouges, entre autres. Il a également représenté des clients en Afrique dont l’ex-président Blaise Compaoré du Burkina Faso et Karim Wade (fils de l’ancien président Wade du Sénégal).
Jean René Farthouat, fondateur du cabinet Farthouat Asselineau & Associés 
Il est avocat depuis près de 50 ans… De quoi forcer le respect. Fondateur du cabinet Farthouat Asselineau & Associés, il intervient dans les dossiers complexes et sensibles,  de nature pénale, civile et commerciale. Me Jean René Farthouat est fréquemment désigné en qualité d’arbitre ou d’expert, en France et à l’étranger. Il est qualifié par la presse spécialisée de «grand stratège» et de «monument du droit pénal des affaires». Sa notoriété au barreau de Paris est incontestable. Figure du droit pénal des affaires, son cabinet s’occupait, au départ, essentiellement de droit de la responsabilité civile et défendait les intérêts des compagnies d’assurance comme la MAAF ou la MAIF. Il a notamment obtenu la condamnation de la ville de Strasbourg dans le dossier de l’accident du parc de Pourtales où 13 personnes avaient trouvé la mort lors d’un orage. Aussi, l’avocat fut président du Conseil national des barreaux et s’est aussi impliqué dans des affaires pénales. Il était aussi du côté du régulateur italien dans le dossier du tunnel du Mont-Blanc. Il offre ses services à des figures du monde politique tels Roland Dumas, Gérard Longuet ou encore Alain Juppé.
Me Nicolas Boulay, associé du cabinet Farthouat Asselineau & AssociésIl a rejoint le barreau de Paris et le cabinet Farthouat Asselineau & Associés en 2000 (prestation de serment 1997), d’abord en qualité de collaborateur, puis d’associé (depuis 2009). Il intervient dans des contentieux de responsabilité civile et pénale, aux implications souvent transfrontalières, pour des sociétés françaises et étrangères, leurs dirigeants et salariés. Il a ainsi assisté un laboratoire pharmaceutique dans une procédure pénale pour homicides involontaires impliquant plusieurs centaines de parties civiles, une banque accusée de communication de fausses informations au marché, des sociétés victimes d’actes de cybercriminalité. Il conseille des sociétés françaises et étrangères et leurs dirigeants et actionnaires, dans des contentieux commerciaux, portant notamment sur des problématiques de concurrence déloyale ou parasitaire (dernièrement pour une société coréenne spécialisée dans la fabrication de probiotiques) d’acquisition ou d’exercice de mandats sociaux. Il a par ailleurs acquis une expertise en matière de défense de l’image et de la réputation des personnes et sociétés (injure et diffamation). Il dispense des formations professionnelles, en particulier en matière de responsabilité pénale. Entre 1997 et 2000, il a été avocat au barreau de Colmar. Nicolas Boulay est diplômé de l’université Robert Schumann, à Strasbourg (Maîtrise de droit privé – 1994) et de Cambridge (Certificate of Proficiency in English – 1990).
Me Naomie Coutrot Cieslinski, collaboratrice du cabinet Farthouat Asselineau & AssociésElle a rejoint le cabinet Farthouat Asselineau & Associés en 2012 en tant que collaboratrice. Elle intervient en matière civile, pénale et commerciale, dans le cadre tant de contentieux internes que de relations internationales. Elle est membre du barreau pénal international et a été élue secrétaire de la Conférence du barreau de Paris (promotion 2014).
Me Nicolas Cassart, associé du cabinet Farthouat Asselineau & AssociésIl s’est affilié au cabinet  Farthouat Asselineau & associés en qualité de collaborateur en 2002 et a prêté son serment la même année. Il passe en statut d’associé en janvier 2013. La plupart de ses activités sont consacrés au droit pénal et au droit commercial. Il est également connu pour sa capacité à guider ses clients lors des phases précontentieuses et contentieuses devant les juridictions répressives et disciplinaires. Il a, surtout, contribué à la défense des prévenus, personnes morales et physiques, dans les dossiers «Pétrole contre nourriture», de la catastrophe ferroviaire du Paris Munich, des hormones de croissance, de l’affaire Mahé, de l’UNMRIFEN ou encore des emplois fictifs de la mairie de Paris. Nicolas Cassart est membre de l’Association des avocats pénalistes et de l’European Criminal Bar Association. Durant sa formation d’avocat, il a été l’assistant d’Yves Jobart, Avocat général près la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Il exerce sous la forme juridique libérale et est immatriculé sous le code 6910Z qui correspond au secteur activité juridique.
Me Jessica Finelle, Collaboratrice du cabinet Fisher Tandeau de Marsac Sur & AssociésElle est titulaire d’une Maîtrise de droit anglais à Oxford University en Angleterre, d’un Master 2 de droit pénal politique et criminel à l’université Paris I Panthéon Sorbonne et d’un certificat de sciences criminelles et criminologiques à l’Institut de criminologie de Paris II. Jessica Finelle est inscrite au barreau de Paris en 2008. Elle est collaboratrice du Pole pénal et santé publique au sein du cabinet Fisher Tandeau de Marsac Sur & Associés qu’elle a intégré en 2009.
Me Emmanuel Pellerin,  Fondateur du cabinet ETICCC et conseiller parlementaire des Hauts-de-Seine

Il est né en 1976 à Paris. Il a prêté serment en 2006. En 2011, il obtient son grade de docteur en droit privé. Il collaborera avec le cabinet d’Olivier Schnerb de 1995 à 2000. Dans le souci d’améliorer son expérience dans le monde des entreprises, il va s’éloigner momentanément des cabinets d’avocats pour s’aguerrir durant un an dans les fonctions d’attaché aux contrats spéciaux au sein des Assurances Saint-honoré, filiales de La Compagnie financière Edmond et Benjamin de Rothschild. Après cette enrichissante expérience, il retrouve de nouveau Olivier Schnerb avec lequel il restera jusqu’en 2010, élargissant ses compétences en droit pénal financier, droit de la presse, et propriété littéraire et artistique. Il crée ainsi son cabinet avant de s’allier avec Jacques-Hubert Diner spécialiste en droit fiscal et douanier pour bâtir le cabinet ETICCC en 2014. Emmanuel Pellerin est un passionné de la politique, il est Conseiller parlementaire en charge des affaires juridiques du Député des Hauts-de-Seine Thierry Solere, depuis 2012, et membre de la Commission des affaires publiques du barreau de Paris depuis 2014. 

Zoom sur ses avocats qui gagnent 1 000 euros de l’heure 

«Selon l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les honoraires des avocats sont fixés librement. La déontologie impose néanmoins que les honoraires soient fixés en tenant compte de la difficulté de l’affaire, de l’usage en la matière, de la situation financière, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété ainsi que de ses diligences.» 

Certains prétendent que les coûts que représentent les services d’un avocat semblent souvent inabordables pour le citoyen ordinaire, rendant de ce fait difficile l’accès à la justice.  Cependant, dans cette affaire pénale, il est question d’un ancien ministre de l’Etat, du fils de l’ancien président du Sénégal, Karim Wade… 

Deux avocats sont montés au créneau   

Me Olivier Sur et Jean René Farthouat perçoivent 1 000 euros de l’heure. Une source proche du dossier a dévoilé que la négociation de leur contrat s’est basée sur le temps passé du traitement de son dossier, sur la notoriété de leur cabinet mais également sur leur renommé. Le bâtonnier français Me Pierre-Olivier Sur a été le premier à intervenir dans l’affaire Karim Wade, en 2013. Il s’est également occupé de l’affaire des portables de Nicolas Sarkozy et de plusieurs autres clients du monde économique et politique. Quant à Jean René Farthouat, il a mis son cabinet Farthouat Asselineau & Associés à la disposition de son client à savoir les 3 avocats français cités précédemment. 

Dans le cas Karim Wade, plus les heures s’écoulent, plus la cagnotte gonfle   

L’affaire Karim Wade a débuté le 31 juillet 2013 et a pris fin au début du mois de mars 2015. Les jours d’audience de son procès ont parfois duré jusqu’à plus de 5 heures. Calculé au temps passé, cela équivaut à 5 000 euros par jour. Il est également à préciser que leur contrat tient compte du temps perdu dans la gestion du dossier Wade. En effet, les frais de déplacement, la rémunération tarifée des huissiers, des notaires, les timbres fiscaux, le droit d’enregistrement et autres dépenses engagées sont aussi tarifés. 

Qui paie alors les notes onéreuses des avocats français et sénégalais ?   

Le 3 juillet 2012, Karim Wade avait fait savoir à la section de recherche de la gendarmerie de Colobane, que son patrimoine avoisinait les 8 milliards de francs CFA avant l’an 2000. Le 22 mars 2015, son père Me Abdoulaye Wade a déclaré, à Tivaouane, une ville sainte de la région du Sénégal, que son fils ne disposait actuellement que de 2 milliards. Cette somme, selon lui, lui a été remise par le roi d’Arabie saoudite qu’il a ensuite versée à Karim Wade. 

Alors comment le fils de l’ancien président du Sénégal peut-il payer ses avocats, puisque la justice a bloqué tous ses comptes en banque ? 

Les doutes se tournent vers la famille Wade. Me Abdoulaye Wade s’est chargé de leurs règlements qui se sont faits soit par virement, soit par chèque ou par liquidité. Jusque-là, les conditions de leur rémunération restent obscures et bien gardées. 

Me Abdoulaye Wade, avec l’aide de sa femme et de sa fille, rémunèrent également les avocats sénégalais qui sont au nombre de 9 : Mes El Hadj Amadou Sall, Ciré Clédor Ly, Demba Ciré Bathily, Mohamed Seydou Diagne, Madické Niang, Alioune Badara Cissé, Madické Niang, Souleymane Ndéné Ndiaye et Alioune Badara Cissé. Certains de ces avocats sénégalais possèdent un compte offshore et sont payés par versement d’espèces. 

VERDICT NEGATIF DU PROCES DE KARIM WADE 

La rémunération des avocats ne change pas  

Le verdict final du procès de Karim Wade est tombé le lundi 23 mars 2015. Il écope de 6 ans de prison ferme et d’une amende de 138 milliards de francs CFA. Et Malgré l’échec du procès, cela ne change en rien leur rémunération. En effet, le Conseil national des barreaux de Paris a précisé que la convention par laquelle un avocat et son client conviennent que des honoraires ne seraient dus qu’au cas où le procès serait gagné et en fonction du résultat obtenu, est purement et simplement interdit, en France. 
Il est toutefois possible de convenir d’un honoraire «de résultat» qui doit être prévu dans une convention d’honoraire préalable. Dans ce cas, l’avocat perçoit un honoraire «minimum» généralement forfaitaire auquel se rajoute un honoraire «complémentaire», s’il parvient à un résultat particulier. 

Ghislaine Rokhy Goudiaby 
Journaliste Canalfrance.info Afrique 

Cheikh Amidou Kane
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