Nous aurions affaire à un nouvel avatar du terrorisme : les "loups solitaires", instables psychologiquement, qui sont "radicalisés par Internet". Mais les loups solitaires comme le tueur d'Orlando sont-ils si "solitaires" que cela ? On se souvient que la majorité des Français avait entendu cette expression en lien avec le terrorisme islamique pour la première fois lors de la tuerie de Mohammed Merah, avant qu'il ne ressorte de l'enquête qu'il n'était pas si solitaire que ça…
Aujourd'hui une longue enquête de Rukmini Callimachi du New York Times, qui a eu accès aux documents des services de renseignement français, confirme ce que beaucoup supputent : les loups solitaires ne sont pas si solitaires que ça, et dans les mois et années précédant les attentats du 13 novembre, de nombreux signes d'une campagne organisée de l'Etat islamique contre l'Europe, et contre la France en particulier, étaient apparents—mais ont été ignorés par les enquêteurs.
Des loups solitaires pas si solitaires que ça
L'enquête nous montre que de nombreux terroristes qui ont été pris pour des loups solitaires étaient en réalité des pions de l'Etat islamique.
Par exemple, Reda Hame, 29 ans, parisien, technicien IT, parti en Syrie combattre le régime de Bachar el-Assad, est récupéré par Abdelhamid Abaaoud. En effet, son passeport français le rend très utile : il ne va pas combattre Assad, il va retourner en France perpétrer des attentats. Il est aussi utile qu'il travaille dans l'informatique : il pourra utiliser les outils de cryptographie utilisés par l'EI pour communiquer en sécurité. Abaaoud, que Hame ne connaît que sous le nom de code de "Papa", l'entraîne rapidement à l'utilisation de la kalachnikov, des grenades, et des logiciels de communication de l'EI, avant de l'envoyer en Europe. Un de ses complices est arrêté en Espagne et donne le nom de Hame, qui est arrêté en août 2015, et coopère avec les forces de l'ordre. "C'est une usine. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour frapper la France, ou sinon le reste de l'Europe", explique-t-il au sujet des unités de l'EI organisées pour frapper l'Europe. La stratégie est d'envoyer ces loups par un ou par deux, sans objectif concret, si ce n'est de trouver des cibles et de les frapper.
Autre exemple : Ibrahim Boudina, 23 ans, français. Revenu de Syrie, il est arrêté par la police grecque entre la Grèce et la Turquie, avec 1 500€ en liquide et un document titré "Comment faire des bombes artisanales au nom d'Allah". Mais il est relâché puisqu'il n'y a pas de mandat d'arrêt européen à son nom. Boudina était déjà fiché par les services français comme ayant été radicalisé dans une mosquée de Cannes. Arrêté en février 2014, la police trouve 3 canettes de Red Bull remplies de 600 grammes de TATP. Boudina sera considéré comme un loup solitaire autoradicalisé ; mais ce n'est que deux ans plus tard que les enquêteurs ont fait attention à un fait important : par ses chats Facebook, on sait que Boudina était en Syrie fin 2013. Le loup solitaire était en réalité un pion de l'EI, très vraisemblablement d'Abaaoud.
Ou encore : Mehdi Nemmouche, auteur de l'attentat du Musée juif de Bruxelles, qui a tué quatre personnes. Même après que les enquêteurs ont trouvé une vidéo où il revendique l'attentat au nom de l'Etat islamique, le procureur adjoint belge, Ine Van Wymersch, déclare qu'il "a probablement agi seul." Pourtant, les écoutes montrent que Nemmouche avait passé au moins un appel de 24 minutes avec Abdelhamid Abaaoud au cours des mois précédents. Il était donc téléguidé par l'EI.
Ou bien Faïz Bouchrane, 24 ans, français, entraîné en Syrie, qui passe par le Liban, mais est arrêté, et lâche le nom de son comanditaire : Abu Muhammad al-Adnani, porte-parole de l'EI et considéré comme un de ses dirigeants les plus influents.
C'est Adnani qui a publié une vidéo encourageant tous les musulmans, partout, à tuer des Européens, "surtout les sales Français", de toutes les manières possibles : "casse sa tête avec une pierre, ou égorge-le avec un couteau, ou écrase-le avec ta voiture." Cette vidéo aurait inspiré de nombreuses attaques, comme celle de l'homme de Lyon qui a décapité son employeur, puis envoyé la photo à l'EI, ou celle de l'homme qui s'est lancé à l'assaut d'un commissariat avec un couteau de boucher et un drapeau de l'EI.
Selon les données du renseignement français, consultées par le Times, il y a 21 combattants de l'EI qui ont été entraînés en Syrie puis envoyés en Europe commettre des attentats. Ils ont été arrêtés, parfois avec des cutters, parfois avec des armes automatiques, parfois avec des explosifs. Ils voulaient attaquer des bus, des boutiques juives, des églises. Et à chaque fois qu'ils ont été arrêtés, les enquêteurs ont ignoré les liens que ces "loups solitaires" avaient avec l'Etat islamique. Soit parce qu'ils ne les avaient pas vus, soit parce qu'ils ont été ignorés par leur hiérarchie, qui n'a pas assemblé les pièces du puzzle pour voir que ce qui apparaissait comme une vague d'attentats commis par des loups solitaires était en réalité téléguidé par l'EI.
Les loups solitaires, diversion d'Abaaoud
Beaucoup de ces loups solitaires étaient incompétents. Abaaoud a ordonné à Sid Ahmed Ghlam de tirer sur une église à Villejuif, au lieu de cela, il s'est tiré dans la jambe. Et il y a l'histoire d'Ayoub El Khazzani, le tueur du Thalys, arrêté par les passagers alors que son arme s'était enrayée.
Mais maintenant, on se rend compte que c'était l'objectif. Les services anti-terroristes étaient au maximum de leur capacité juste avant les attaques de novembre, rapporte le New York Times. Le journal cite Marc Trévidic, le juge antiterroriste, qui décrit ces attaques comme un rideau de fumée, qui a permis à Abaaoud de préparer les attentats de novembre.
Pendant que les prétendus loups solitaires étaient envoyés avec un entraînement minimum et un peu de cash pour tenter des petits attentats à divers endroits, Abaaoud peaufinait son plan d'attaque pour le 13 novembre avec une cellule bien plus rodée et bien plus professionnelle. Non seulement les loups solitaires n'étaient pas si solitaires que cela, mais ils rentraient dans une stratégie de diversion. Un panneau dans lequel il semble que nos services soient tombés, alors que les signes avant-coureurs étaient là.
Aujourd'hui une longue enquête de Rukmini Callimachi du New York Times, qui a eu accès aux documents des services de renseignement français, confirme ce que beaucoup supputent : les loups solitaires ne sont pas si solitaires que ça, et dans les mois et années précédant les attentats du 13 novembre, de nombreux signes d'une campagne organisée de l'Etat islamique contre l'Europe, et contre la France en particulier, étaient apparents—mais ont été ignorés par les enquêteurs.
Des loups solitaires pas si solitaires que ça
L'enquête nous montre que de nombreux terroristes qui ont été pris pour des loups solitaires étaient en réalité des pions de l'Etat islamique.
Par exemple, Reda Hame, 29 ans, parisien, technicien IT, parti en Syrie combattre le régime de Bachar el-Assad, est récupéré par Abdelhamid Abaaoud. En effet, son passeport français le rend très utile : il ne va pas combattre Assad, il va retourner en France perpétrer des attentats. Il est aussi utile qu'il travaille dans l'informatique : il pourra utiliser les outils de cryptographie utilisés par l'EI pour communiquer en sécurité. Abaaoud, que Hame ne connaît que sous le nom de code de "Papa", l'entraîne rapidement à l'utilisation de la kalachnikov, des grenades, et des logiciels de communication de l'EI, avant de l'envoyer en Europe. Un de ses complices est arrêté en Espagne et donne le nom de Hame, qui est arrêté en août 2015, et coopère avec les forces de l'ordre. "C'est une usine. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour frapper la France, ou sinon le reste de l'Europe", explique-t-il au sujet des unités de l'EI organisées pour frapper l'Europe. La stratégie est d'envoyer ces loups par un ou par deux, sans objectif concret, si ce n'est de trouver des cibles et de les frapper.
Autre exemple : Ibrahim Boudina, 23 ans, français. Revenu de Syrie, il est arrêté par la police grecque entre la Grèce et la Turquie, avec 1 500€ en liquide et un document titré "Comment faire des bombes artisanales au nom d'Allah". Mais il est relâché puisqu'il n'y a pas de mandat d'arrêt européen à son nom. Boudina était déjà fiché par les services français comme ayant été radicalisé dans une mosquée de Cannes. Arrêté en février 2014, la police trouve 3 canettes de Red Bull remplies de 600 grammes de TATP. Boudina sera considéré comme un loup solitaire autoradicalisé ; mais ce n'est que deux ans plus tard que les enquêteurs ont fait attention à un fait important : par ses chats Facebook, on sait que Boudina était en Syrie fin 2013. Le loup solitaire était en réalité un pion de l'EI, très vraisemblablement d'Abaaoud.
Ou encore : Mehdi Nemmouche, auteur de l'attentat du Musée juif de Bruxelles, qui a tué quatre personnes. Même après que les enquêteurs ont trouvé une vidéo où il revendique l'attentat au nom de l'Etat islamique, le procureur adjoint belge, Ine Van Wymersch, déclare qu'il "a probablement agi seul." Pourtant, les écoutes montrent que Nemmouche avait passé au moins un appel de 24 minutes avec Abdelhamid Abaaoud au cours des mois précédents. Il était donc téléguidé par l'EI.
Ou bien Faïz Bouchrane, 24 ans, français, entraîné en Syrie, qui passe par le Liban, mais est arrêté, et lâche le nom de son comanditaire : Abu Muhammad al-Adnani, porte-parole de l'EI et considéré comme un de ses dirigeants les plus influents.
C'est Adnani qui a publié une vidéo encourageant tous les musulmans, partout, à tuer des Européens, "surtout les sales Français", de toutes les manières possibles : "casse sa tête avec une pierre, ou égorge-le avec un couteau, ou écrase-le avec ta voiture." Cette vidéo aurait inspiré de nombreuses attaques, comme celle de l'homme de Lyon qui a décapité son employeur, puis envoyé la photo à l'EI, ou celle de l'homme qui s'est lancé à l'assaut d'un commissariat avec un couteau de boucher et un drapeau de l'EI.
Selon les données du renseignement français, consultées par le Times, il y a 21 combattants de l'EI qui ont été entraînés en Syrie puis envoyés en Europe commettre des attentats. Ils ont été arrêtés, parfois avec des cutters, parfois avec des armes automatiques, parfois avec des explosifs. Ils voulaient attaquer des bus, des boutiques juives, des églises. Et à chaque fois qu'ils ont été arrêtés, les enquêteurs ont ignoré les liens que ces "loups solitaires" avaient avec l'Etat islamique. Soit parce qu'ils ne les avaient pas vus, soit parce qu'ils ont été ignorés par leur hiérarchie, qui n'a pas assemblé les pièces du puzzle pour voir que ce qui apparaissait comme une vague d'attentats commis par des loups solitaires était en réalité téléguidé par l'EI.
Les loups solitaires, diversion d'Abaaoud
Beaucoup de ces loups solitaires étaient incompétents. Abaaoud a ordonné à Sid Ahmed Ghlam de tirer sur une église à Villejuif, au lieu de cela, il s'est tiré dans la jambe. Et il y a l'histoire d'Ayoub El Khazzani, le tueur du Thalys, arrêté par les passagers alors que son arme s'était enrayée.
Mais maintenant, on se rend compte que c'était l'objectif. Les services anti-terroristes étaient au maximum de leur capacité juste avant les attaques de novembre, rapporte le New York Times. Le journal cite Marc Trévidic, le juge antiterroriste, qui décrit ces attaques comme un rideau de fumée, qui a permis à Abaaoud de préparer les attentats de novembre.
Pendant que les prétendus loups solitaires étaient envoyés avec un entraînement minimum et un peu de cash pour tenter des petits attentats à divers endroits, Abaaoud peaufinait son plan d'attaque pour le 13 novembre avec une cellule bien plus rodée et bien plus professionnelle. Non seulement les loups solitaires n'étaient pas si solitaires que cela, mais ils rentraient dans une stratégie de diversion. Un panneau dans lequel il semble que nos services soient tombés, alors que les signes avant-coureurs étaient là.