David Cameron se sent-il libéré, délivré ? C’est en tous cas ce que sa sortie a laissé supposer. Lundi 11 juillet, alors que le futur ancien Premier ministre britannique vient d’annoncer qu’il quittera le pouvoir plus tôt que prévu, il se retire en fredonnant un air guilleret que les musicologues essaient encore d’identifier. Le contraste entre la bonhomie de la mélodie et la gravité de la situation est saisissant. Car David Cameron laisse derrière lui un pays en plein incertitudes quant à son avenir. La faute au Brexit principalement, qu’il n’a pu empêcher alors qu’il avait mené campagne pour le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne (UE).
L’ancien chef de file des conservateurs restera ainsi dans l’Histoire comme celui qui a précipité le départ de Londres vers le "grand large". Mais derrière le cataclysme provoqué par les résultats du référendum du 23 juin se cache un bilan sur lequel sa successeur, Theresa May, devra bâtir sa politique. Que conservera-t-elle de l’héritage de Cameron ? Qu’abandonnera-t-elle ? Tour d’horizon.
• Politique sociale
Nommé Premier ministre au sein d’une coalition avec les libéraux démocrates en 2010 avant d’être reconduit, seul cette fois-ci, en 2015, David Cameron a placé le Royaume-Uni sous un régime d’austérité dont il vante les résultats : reprise de la croissance, baisse du chômage et de l’inflation… Mais pour l’opposition travailliste, le miracle économique britannique est beaucoup plus contrasté : accroissement des inégalités sociales, hausse du nombre de travailleurs pauvres et précaires, crise du logement, etc.
Même au sein du Parti conservateur, des voix se montrent nuancées. Au premier rang desquels, Theresa May qui, dans un ultime discours de campagne lundi, n’a pas manqué de critiquer en creux le bilan de David Cameron. "Nous avons besoin d'un gouvernement qui produise une solide réforme sociale et d'un pays qui travaille pour tout le monde, a promis celle que les médias présentent volontiers comme la "nouvelle Margaret Thatcher". Aujourd'hui, si vous naissez pauvre, vous mourrez en moyenne neuf ans avant les autres. Si vous êtes Noir, vous êtes traité plus durement par le système pénal que si vous êtes Blanc. Si vous êtes un garçon blanc issu de la classe ouvrière, vous avez moins de chance que tous les autres d'aller à l'université. Si vous êtes une femme, vous gagnez toujours moins qu'un homme."
Par ailleurs fille unique d’un prêtre anglican, la nouvelle locataire du 10 Downing Street ne nourrit pas la même défiance que la Dame de fer envers l’État-providence. "Theresa May, chrétienne pratiquante, se réfère à l’action paroissiale de son père pasteur pour définir son attachement au ‘service public’", écrit Le Monde. Une prédisposition – pour le moins rare chez les conservateurs – qui pourrait l’entraîner à mettre un frein aux réductions drastiques des prestations sociales mises en place par son prédécesseur.
• Monde des affaires
Les détracteurs de David Cameron le répètent à l’envi : sous sa mandature, les pauvres sont devenus plus pauvres et les riches plus riches. Sont pointés du doigt : les dirigeants des grandes entreprises dont les substantielles rémunérations sont de moins en moins corrélées à leurs performances. En 2014, le patron d’une entreprise du FTSE 100 (le CAC 40 britannique) gagnait 148 fois le salaire moyen de ses employés, soit trois fois plus qu’en 1998.
Lors de sa campagne pour prendre la tête du Parti conservateur, Theresa May, à contre-courant, a promis de contrôler davantage les salaires des dirigeants et d’installer des représentants des travailleurs dans les conseils d'administration. Encore plus inattendue de la part d’une conservatrice, comme le rappelle Les Échos, elle a par le passé prôné une plus grande intervention de l’État pour limiter l'évasion fiscale des grands groupes industriels.
Un positionnement au centre que le Financial Times soupçonne être une tactique pour capter l’électorat travailliste peu adepte de la gauche de la gauche incarnée par Jeremy Corbyn, le chef contesté du Labour.
• Immigration
En matière d’immigration, le bilan de David Cameron... c’est aussi celui de sa successeur. En tant que ministre de l’Intérieur de deux précédents gouvernements, Theresa May a défendu la ligne de son parti en durcissant, notamment, les critères d’attribution de la nationalité britannique.
Reste qu’elle n’est pas parvenue à respecter les engagements du Parti conservateur de réduire le nombre de visas d’entrée au Royaume-Uni. Selon l’Office national des statistiques (ONS), quelque 298 000 ressortissants étrangers ont migré vers le territoire britannique entre septembre 2014 et septembre 2015 alors que les Tories s’étaient fixé un objectif de 100 000 entrées annuelles. Theresa May n’a pas réussi à rompre avec la Convention européenne des droits de l’Homme, principale obstacle, selon elle, aux expulsions. La sortie programmée du Royaume-Uni de l’UE devrait lui permettre d’y remédier.
• Société
Soucieux de dépoussiérer l’image de son parti, David Cameron a œuvré pour que les Tories acceptent, sans trop d’encombres, la loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe. Une libéralisation que Theresa May a largement soutenue. "Si deux personnes s'aiment, alors elles devraient être autorisées à se marier", affirmait-elle à l'époque. Féministe déclarée, Theresa May a également milité au sein de Women2Win afin d’obtenir une meilleure représentation des femmes au sein de son parti.
"Elle fait partie des modernisateurs au sein des conservateurs. Sur les questions morales et sociétales, elle est beaucoup plus souple", explique à 20 minutes Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique à l’université de Bourgogne Franche-Comté. De fait, dans un retentissant discours prononcé en 2002, Theresa May avait exhorté sa famille politique à tirer un trait sur les idées d’arrière-garde qui en faisaient un "parti de méchants"… Appel qui, selon nombre d’observateurs, a influencé le programme établi par David Cameron pour conquérir le pouvoir en 2010.
L’ancien chef de file des conservateurs restera ainsi dans l’Histoire comme celui qui a précipité le départ de Londres vers le "grand large". Mais derrière le cataclysme provoqué par les résultats du référendum du 23 juin se cache un bilan sur lequel sa successeur, Theresa May, devra bâtir sa politique. Que conservera-t-elle de l’héritage de Cameron ? Qu’abandonnera-t-elle ? Tour d’horizon.
• Politique sociale
Nommé Premier ministre au sein d’une coalition avec les libéraux démocrates en 2010 avant d’être reconduit, seul cette fois-ci, en 2015, David Cameron a placé le Royaume-Uni sous un régime d’austérité dont il vante les résultats : reprise de la croissance, baisse du chômage et de l’inflation… Mais pour l’opposition travailliste, le miracle économique britannique est beaucoup plus contrasté : accroissement des inégalités sociales, hausse du nombre de travailleurs pauvres et précaires, crise du logement, etc.
Même au sein du Parti conservateur, des voix se montrent nuancées. Au premier rang desquels, Theresa May qui, dans un ultime discours de campagne lundi, n’a pas manqué de critiquer en creux le bilan de David Cameron. "Nous avons besoin d'un gouvernement qui produise une solide réforme sociale et d'un pays qui travaille pour tout le monde, a promis celle que les médias présentent volontiers comme la "nouvelle Margaret Thatcher". Aujourd'hui, si vous naissez pauvre, vous mourrez en moyenne neuf ans avant les autres. Si vous êtes Noir, vous êtes traité plus durement par le système pénal que si vous êtes Blanc. Si vous êtes un garçon blanc issu de la classe ouvrière, vous avez moins de chance que tous les autres d'aller à l'université. Si vous êtes une femme, vous gagnez toujours moins qu'un homme."
Par ailleurs fille unique d’un prêtre anglican, la nouvelle locataire du 10 Downing Street ne nourrit pas la même défiance que la Dame de fer envers l’État-providence. "Theresa May, chrétienne pratiquante, se réfère à l’action paroissiale de son père pasteur pour définir son attachement au ‘service public’", écrit Le Monde. Une prédisposition – pour le moins rare chez les conservateurs – qui pourrait l’entraîner à mettre un frein aux réductions drastiques des prestations sociales mises en place par son prédécesseur.
• Monde des affaires
Les détracteurs de David Cameron le répètent à l’envi : sous sa mandature, les pauvres sont devenus plus pauvres et les riches plus riches. Sont pointés du doigt : les dirigeants des grandes entreprises dont les substantielles rémunérations sont de moins en moins corrélées à leurs performances. En 2014, le patron d’une entreprise du FTSE 100 (le CAC 40 britannique) gagnait 148 fois le salaire moyen de ses employés, soit trois fois plus qu’en 1998.
Lors de sa campagne pour prendre la tête du Parti conservateur, Theresa May, à contre-courant, a promis de contrôler davantage les salaires des dirigeants et d’installer des représentants des travailleurs dans les conseils d'administration. Encore plus inattendue de la part d’une conservatrice, comme le rappelle Les Échos, elle a par le passé prôné une plus grande intervention de l’État pour limiter l'évasion fiscale des grands groupes industriels.
Un positionnement au centre que le Financial Times soupçonne être une tactique pour capter l’électorat travailliste peu adepte de la gauche de la gauche incarnée par Jeremy Corbyn, le chef contesté du Labour.
• Immigration
En matière d’immigration, le bilan de David Cameron... c’est aussi celui de sa successeur. En tant que ministre de l’Intérieur de deux précédents gouvernements, Theresa May a défendu la ligne de son parti en durcissant, notamment, les critères d’attribution de la nationalité britannique.
Reste qu’elle n’est pas parvenue à respecter les engagements du Parti conservateur de réduire le nombre de visas d’entrée au Royaume-Uni. Selon l’Office national des statistiques (ONS), quelque 298 000 ressortissants étrangers ont migré vers le territoire britannique entre septembre 2014 et septembre 2015 alors que les Tories s’étaient fixé un objectif de 100 000 entrées annuelles. Theresa May n’a pas réussi à rompre avec la Convention européenne des droits de l’Homme, principale obstacle, selon elle, aux expulsions. La sortie programmée du Royaume-Uni de l’UE devrait lui permettre d’y remédier.
• Société
Soucieux de dépoussiérer l’image de son parti, David Cameron a œuvré pour que les Tories acceptent, sans trop d’encombres, la loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe. Une libéralisation que Theresa May a largement soutenue. "Si deux personnes s'aiment, alors elles devraient être autorisées à se marier", affirmait-elle à l'époque. Féministe déclarée, Theresa May a également milité au sein de Women2Win afin d’obtenir une meilleure représentation des femmes au sein de son parti.
"Elle fait partie des modernisateurs au sein des conservateurs. Sur les questions morales et sociétales, elle est beaucoup plus souple", explique à 20 minutes Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique à l’université de Bourgogne Franche-Comté. De fait, dans un retentissant discours prononcé en 2002, Theresa May avait exhorté sa famille politique à tirer un trait sur les idées d’arrière-garde qui en faisaient un "parti de méchants"… Appel qui, selon nombre d’observateurs, a influencé le programme établi par David Cameron pour conquérir le pouvoir en 2010.