Depuis 20 ans, il souffle le chaud et le froid sur le pouvoir burkinabè. Le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), milice surarmée créée en 1995 par l’ex-président Blaise Compaoré, est au centre de l’attention au Burkina Faso. Les 1 300 hommes de cette force d’élite réputée ultraviolente, à l’origine du coup d'État du 17 septembre contre le président de la transition Michel Kafando, se tiennent désormais face à l’armée loyaliste burkinabè.
"Nous n'avons pas envie de nous battre mais nous nous défendrons éventuellement", a déclaré mardi 22 septembre devant la presse le général Diendéré, chef du RSP. Les forces armées loyalistes ont de leur côté affirmé avoir les "moyens d'attaquer" les putschistes.
Si les militaires du RSP n’ont pas les effectifs nécessaires pour affronter les quelque 10 000 soldats qui composent les rangs de l’armée loyaliste (selon des chiffres de 2012 fournis par le Stockholm International Peace Research Institute), reste qu’ils disposent d’une force de dissuasion importante.
Un corps d’élite surarmé
"Malgré leur petit nombre, les putschistes du RSP sont redoutés du fait de leur formation et de leur armement", explique à France 24 Benoît Beucher, spécialiste du Burkina Faso et chercheur à l’université libre de Bruxelles.
Ces militaires d’élite ont été choyés par Blaise Compaoré, lequel souhaitait asseoir son pouvoir, pris à la faveur du coup d’État sanglant de 1987 au cours duquel le très populaire président Thomas Sankara fut tué. Le RSP a été équipé, d’après l’expert, des armes les plus modernes du pays. "Ils ont des blindés, des armes lourdes et, surtout, ils ont des munitions – ce qui n’est pas toujours le cas des militaires réguliers', précise-t-il.
À leurs armes de pointe, s’ajoute une formation de haut niveau. "Le recrutement de la plupart de ses cadres s’effectue sur la base des critères très sélectifs et rigoureux", est-il précisé dans un rapport du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip) paru le 22 septembre.
Autre spécificité de cette unité d’élite : elle dépend directement du chef de l’État, contrairement au reste de l’armée qui relève du ministère de la Défense. "Ils sont organisés selon une hiérarchie verticale qui mène directement à Diendéré [qui fut longtemps chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré], qui fut à leur tête de 1995 à 2014", explique Benoît Beucher.
Le RSP, "c'est une armée parallèle" capable de mater le reste des troupes, commente pour sa part un ministre burkinabè cité dans le rapport du Grip.
Des "bandits en uniformes" incontrôlables
Vu comme le bras armé du régime autoritaire de Blaise Compaoré et soupçonné de nombreuses exactions sur la population, ce groupe pâtit d’une forte impopularité auprès de la société civile burkinabè, qui réclame depuis plusieurs mois sa dissolution. "On entend dire que ces membres sont des drogués. Pour les Burkinabè, ils ne sont ni plus ni moins que des bandits en uniformes", poursuit Benoît Beucher.
Des "bandits" qui exercent une influence considérable sur la politique burkinabè. À plusieurs reprises, ces dernières années, ces soldats d’élite ont imposé leurs exigences au plus haut sommet de l’État. En 2011, alors qu’ils constituaient la garde rapprochée de Blaise Compaoré, ils s’étaient retournés contre l’ancien président. En raison du non-versement de primes, ils avaient déclenché des mutineries dans l’enceinte du Palais présidentiel, obligeant l’ex-chef d’État à fuir.
Plus récemment, en juin dernier, le RSP a exigé la démission du lieutenant-colonel Zida, Premier ministre et ministre de la Défense, devenu la bête noire du régiment pour avoir plaidé en faveur de sa dissolution. Le RSP avait obtenu en partie satisfaction : Isaac Zida, pourtant numéro deux du régiment pendant de longues années, avait été démis de son poste de chef des armées mais avait conservé celui de chef du gouvernement.
"[Le RSP] est devenu un élément plus ou moins autonome, défendant ses propres aspirations, à savoir demeurer une élite spéciale, en refusant toute dissolution", indique Benoît Beucher.
En 2014, malgré leur rôle dans le coup d’État contre Compaoré, ils ont pu conserver leurs fonctions. La raison : l’influence de leur chef, le général Gilbert Diendéré. "Diendéré n’a jamais été inquiété pendant la transition. C’était jusque là un homme de l’ombre, un personnage intouchable en raison de son réseau diplomatique extrêmement dense et de ses connaissances en matière de renseignements", explique encore le spécialiste du Burkina Faso.
Une position qui apparaît aujourd’hui menacée. Sur le terrain, plusieurs sources ont fait état de défections dans les rangs du RSP dans la journée de mardi.
Seydou Sy Burkina