"Mon client aurait dû être entendu", a plaidé mardi Me Hicham Chibane, conseil d'Abdelhadi Sewif, imam de la Grande Mosquée du Bruxelles, devant le Conseil du contentieux des étrangers (CCE). L'audience concernait le non-renouvellement du titre de séjour de M. Sewif, décidé en mars dernier et contre lequel un recours avait été déposé. Me Chibane a avancé sept arguments motivant ce recours, dont "la rupture des liens" qu'entraînerait un renvoi de l'imam égyptien vers son pays d'origine.
Ce non-renouvellement s'appuie sur un rapport de la Sûreté de l'Etat datant de décembre 2016, dans lequel l'imam est notamment décrit comme "communautariste" et ayant des "positions rétrogrades concernant l'égalité hommes-femmes", ce que conteste "avec fermeté" Abdelhadi Sewif, assure son avocat.
"Il est toujours à disposition des autorités"
Ce dernier regrette que le rapport n'ait "jamais été porté à la connaissance de son client", et qu'il n'ait pas "pu donner sa propre interprétation, alors qu'il s'agit d'un débat théologique". De plus, cette note de la Sûreté de l'Etat est "incomplète et comporte des généralités sur les courants de l'islam". "Aucun fait précis ne lui est reproché, il s'agit d'une argumentation à l'emporte-pièces."
Pour la partie requérante, l'imam de la Grande mosquée "devait être entendu" au préalable. "Il a déjà été entendu par le passé et il est toujours à disposition des autorités", a déclaré son conseil.
"Ses discours en phase avec le vivre-ensemble"
"Nous avons fourni des sermons au dossier et ceux-ci sont également diffusés en radio", avance Me Chibane. "Ses discours sont toujours en phase avec le vivre-ensemble."
Pour le conseil de l'imam, le secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration Théo Francken a également pris cette décision en anticipant la nouvelle loi du 24 février 2017 "qui prévoit que des renvois peuvent être effectués sans entendre personne". Mais cette loi fait encore l'objet de recours devant la Cour constitutionnelle, rappelle l'avocat.
13 ans en Belgique
Les répercussions sur d'Abdelhadi Sewif et sa famille d'un renvoi vers l'Egypte, son pays d'origine, après 13 années en Belgique, ont également été invoquées.
Mes Gregory van Witzenburg et Melissa de Sousa, représentant l'Etat belge dans ce dossier, ont rétorqué à l'argument de la violation du droit d'être entendu par le fait que M. Sewif avait l'occasion "d'apporter à l'administration des arguments pertinents susceptibles de mener à une issue différente, ce qu'il ne l'a pas fait". Les avocats relèvent encore que le rapport de la Sûreté de l'Etat "a été versé au dossier administratif, et qu'il suffisait que le requérant demande à le consulter".
Six semaines
Concernant la vie familiale de l'imam, Me de Sousa a pointé que le dossier ne contenait pas d'éléments "qui feraient obstacle à une vie familiale ailleurs", tous les membres de cette famille étant de nationalité égyptienne.
Le Conseil du contentieux des étrangers ne devrait pas rendre son arrêt avant six semaines.