Réactions d'avocats suite au renvoi du procès Habré

Rédigé par Dakarposte le Mardi 21 Juillet 2015 à 15:48 modifié le Mercredi 22 Juillet 2015 13:31

Dans le mille, dakarposte.com a recueilli la réaction à brûle-pourpoint d'acteurs judiciaires, précisément d'avocats, notamment Me Mbaye Sène (commis d'office).


 

Jorge Henry Gautier venu du barreau de Bruxelles

 Vous conviendrez avec moi que tout est fait ici pour qu’il soit défendu. A partir du moment où tout est fait qu’il n’en veut pas, son droit au silence est respecté mais on a le droit de le juger, on a le droit à un procès équitable avec des témoins à charge et à décharge qui vont venir. Ce serait trop facile de se mettre la tête dans le sable  disant que je ne vais pas parler. On ne pourrait juger personne. Il faut qu’à un moment donné on dit stop à la récréation de ce manifestement joueur, de cet exploiteur. Il faut qu’on le juge qu’il soit là ou qu’il ne soit pas là. Les victimes ont le droit de voir en face leur bourreau. Les victimes ont le droit de faire valoir leur droit, ont le droit de faire valoir leur droit réparation. Hissein Habré, à partir du moment où il désire se défendre tout seul par le silence et si les avocats ne sont pas là pour manifestement interpréter ce que leur client lui est dit, ce sera une tache pour la difficile défense. Il a le droit d’être Si lui-même refuse, étant saint de corps et d’esprit, à ce moment-là le procès doit continuer. J’imagine qu’il n’y aurait plus sur terre un seul procès possible parce que la personne qui doit être jugé a décidé de rester dans son lit, dans sa chambre, dans sa chambre. C’est un jeu qu’il essaye de jouer. Mais, le procès sera équitable et les Chambres africaines extraordinaires veut qu’il soit le plus possible en empêchant qu’il puisse avoir une critique de dire je n’avais pas d’avocats.

Me Mbaye Sène, s'exprimant pour le compte des avocats commis d’office pour Habré

Nous avons eu l’honneur d’avoir été commis d’office par les Chambres africaines extraordinaires. Nous nous réjouissons de cette commission. Nous sommes avocat notre office c’est de défendre. Nous sommes dans le cadre d’une juridiction spéciale qui est une juridiction internationale. Lorsque l’accusé comparaissant en assise n’a pas d’avocat ou donne instruction aux avocats qu’il avait désigné de ne pas le défendre et de ne pas comparaitre, la loi fait obligation à la Chambre africaine de commettre d’office des avocats choisis sur une liste proposée par le bâtonnier de l’ordre des avocats. Ces avocats commis d’office ont l’obligation de défendre l’accusé. Nous avons été désignés, nous accepté la désignation. Nous ne pouvions pas faire autrement de toutes les façons. Aujourd’hui nous allons commencer immédiatement de prendre toutes les dispositions pour assurer la défense des intérêts du président Habré. Bien qu’étant commis, nous restons des avocats et nous assumons la mission qui nous a été confiée. La difficulté c’est la raison pour laquelle nous avons demandé ce délai qui nous a été accordé parce que nous savons que c’est un ancien président de la République nous avons l’honneur de défendre, nous savons que c’est dossier très important qui est attendu par toute l’humanité et c’est la raison pour laquelle nous savons que notre tâche ne sera pas facile. Voilà un dossier qui a fait l’objet d’une instruction pendant 19 mois. Nous avons besoin d’au moins de ce temps qui nous a été accordé. Ce sera difficile mais le difficile ce sera certainement le chemin et nous prendrons toutes les dispositions. Je ne pourrai pas parler de voyage au Tchad pour le moment parce que nous attendons de prendre connaissance du dossier et à partir de ce moment nous saurons quelle disposition il faut prendre pour mieux assurer la défense du président Habré.

 
 

William Bourdon, du barreau de Paris

Il se cache à annoncer qu’il cracherait sur ces juges, qu’il trouverait que ce procès était illégitime et qu’il attendait rien de ces Chambres africaines extraordinaires. A la fois on dit que le procès est illégitime et en même temps on utilise tous les outils de la démocratie, tous les outils légaux pour essayer de paralyser, de réduire, de détruire le procès. Je ne vais pas critiquer la décision prise par le juge, je la respecte mais, de mon point de vue, je pense qu’il faut bien mesurer les risques. Quel est ce risque ? Le risque c’est que Hissein Habré reviendra dans 45 jours avec plusieurs options. Il peut venir et dire que les avocats je ne les ai jamais connus, vous les avez commis pour moi, je n’ai rien à faire avec eux. Et, ce serait cohérent de sa part d’ailleurs. Il peut aussi activer les avocats pour leur demander de multiplier des incidents de procédure, de soulever des exceptions d’incompétence, pour à nouveau indéfiniment gagner du temps pour essayer de paralyser le procès.

Le moment est grave. Vous avez pris une décision que nous ne déplorons pas mais que nous regrettons profondément. Depuis très longtemps Hissène Habré a décidé de saboter, d’asphyxier le procès. Nous savions que ce procès allait démarrer dans le vacarme. Il a même monté un coup hier pour dire qu’il a été victime d’ignoble violence. Or, les victimes sont là. Hissein Habré a choisi la défense de la lâcheté, la défense de la désertion de peur de regarder les victimes. Il est obligé de baisser ses yeux s’il croise le regard des victimes. Hissein Habré se moque des Chambres  africaines extraordinaires autant qu’il se moque des avocats qui ont été commis pour lui. Il faut éviter que ce procès soit pris en otage par l’accusé.

Mamadou Ndiaye
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