La question vaut son pesant d'or. En effet, l'ancien Premier Ministre sous Wade, avait récemment annoncé dans un entretien accordé à nos confrères de l'OBS qu'il y'a d'anciens ministres du Pds qui sont avec lui.
Et, Souleymane Ndéné Ndiaye, puisqu'il s'agit de lui, de soutenir qu'au sein même du parti de Wade, "il y'a de grands responsables connus, membres du Comité Directeur qui seront avec moi et qui l'assument". Poursuivant, "Jules Ndéné" de révéler que ses responsables qui ont fini par tourner casaque pour le rejoindre dans son parti, "ne sont pas d'accord sur la dévolution monarchique du parti".
A la question de nos confrères: "donc, pour vous, ce qui s'est passé au Pds est une dévolution monarchique?", l'ancien Pm répond sans sourciller: "ah oui, c'est une dévolution monarchique. On le craignait et c'est arrivé"
Cependant, interpelé sur ce qu'il avait annoncé comme quoi il serait le dernier à quitter le Pds, "Jules" répliquera: "J’ai quitté le Pds parce que je n’ai plus le choix. Mon choix était de rester dans le Pds, mais, quand on n’a plus le choix, on est obligé, la mort dans l’âme, de partir. Serigne Mame Cheikh Ibra Faty, borom Darou, dirait : "Quand on te renvoie, retournes là d’où tu viens.» J’ai voulu rester, mais le Président Abdoulaye Wade a préféré son fils".
Nous reproduisons d'ailleurs quelques extraits de l'entretien entre "Jules" et nos confrères Sophie Barro et Ndiaga Ndiaye de l'Observateur.
Est-ce que vous avez échangé avec Me Wade sur la question ?
Non ! On n’a pas échangé, ni avant le Comité directeur ni après. Avant le Comité directeur, j’ai été le voir comme je le faisais d’habitude, on a parlé de tout sauf de cette réunion à venir où il était question de débattre de la candidature du responsable du Pds qui allait porter la bannière du parti pour l’élection présidentielle de 2017. Donc, on n’en a pas parlé, mais quand j’ai reçu le coup de fil de Karamo Diamé, m’annonçant le Comité directeur, je me suis présenté à cette réunion. Parce que, je ne voulais pas qu’on me la raconte. Je me suis présenté, je suis arrivé et tout le monde était étonné d’ailleurs de me voir, mais je l’ai assumé. Lors de cette réunion du Comité directeur, le Président Wade a annoncé l’appel à candidatures en désignant, lui-même, les membres de la commission qui devaient recueillir les candidatures. J’ai observé et je me suis dit que ce n’était pas, à proprement parler, un appel sérieux à candidature. D’abord, le Président Wade n’avait pas dégagé de profil pour le candidat. Il avait annoncé, plutôt, que n’importe quel responsable ou militant pouvait se présenter, comme si n’importe qui était capable de devenir ministre, Premier ministre ou président de la République.
Mais, comme n’importe qui pouvait se présenter, pourquoi, vous n’avez pas présenté votre candidature ?
C’était une mascarade, c’était l’arbre qui cachait la forêt. Ils ont annoncé une espèce de compétition sans réellement avoir l’intention d’organiser cette compétition là. Ce qui s’est passé, c’est que le Président Wade a préparé tout le monde à cette mascarade. Il a désigné des «karimistes», des gens qui ne s’en cachent pas. Je ne leur fais pas le reproche, ils ont le droit.
Donc, pour vous, Karim Wade avait déjà maillé le Pds ?
C’est clair. Ce n’est un secret pour personne que Karim a beaucoup de gens qui le soutiennent au sein du Pds. Parce que, pour être membre du Comité directeur, il faut être un «karimiste», il faut avoir clamé haut et fort : «Karim Président…» Si tu le fais deux ou trois fois, le Président Wade te reconnaît et te copte dans le Comité directeur.
Vous avez longtemps cheminé avec le Président Wade qui a beaucoup fait pour vous. Est-ce que vous allez maintenant le rencontrer pour lui en parler ?
Oui, le Président Wade a tout fait pour moi. Mais, je n’irai pas le rencontrer pour discuter de quoi que ce soit, avec lui.
Donc, c’est rompu entre vous…
Je ne dirai pas que c’est rompu entre nous. Mais, je ne lui expliquerai rien. Je n’ai pas d’explication à lui donner. Je prends mes responsabilités, c’est tout.
Quand vous étiez au pouvoir, vous disiez que vous ne serez jamais derrière le gosse, parlant de Karim Wade. Est-ce que c’est cela qui justifie votre décision d’aujourd’hui ?
Non ! Ce n’est pas cela. A l’époque, ce qui m’avait poussé à dire ça, c’était une réaction de dépit. J’avais mon chef de Cabinet qui, à l’approche des élections locales, n’était pas venu me donner son dossier. Et quand je l’ai interpellé, il m’a dit qu’il avait envisagé d’être investi sur la liste de la «Génération du concret». Je lui avais posé la question de savoir si ces gens de la «Génération du concret» avaient ou non créé un parti. Après, il s’est passé ce qui s’est passé. J’ai accordé une interview à un journal de la place et à cette occasion-là, j’ai rappelé que s’il s’agit simplement de se mettre derrière quelqu’un parce que c’est le fils du chef, je ne le serai jamais. Parce que, moi, personne ne peut me choisir un dirigeant. Je choisis moi-même la personne qui me dirige. Mon père était du Parti socialiste (Ps), mais je n’ai jamais été socialiste. Parce que je ne croyais pas au Ps. Et comme c’est mon propre père qui a tout fait pour moi, il m’a mis à l’école en me donnant l’équivalent d’une bourse, il me remettait 30 000 FCfa par mois, que je n’ai pas suivi en politique, à plus forte raison qu’une autre personne.
Depuis quand avez-vous commencé à travailler sur le projet de parti politique ?
Il faut dire que j’ai souvent eu des réunions avec des gens qui partagent notre façon de voir la marche de notre parti, mais aussi nous avons souvent discuté des problèmes du Sénégal. Ensuite, réfléchissant sur la façon dont le parti fonctionne, nous n’avions pas exclu qu’un jour ou l’autre, nous puissions approfondir nos rencontres, peut-être, au cas où il arrivait quelque chose qui, irrémédiablement, nous éloignait du Pds, de nous réunir pour mettre en place une formation politique. Donc, je ne peux pas vous donner une date exacte mais, c’était envisagé.
Avez-vous déjà des contacts dans les localités de l’intérieur du pays ?
Oui, j’ai beaucoup de contacts partout. Parce que, comme vous le savez, je suis par nature très mobile. Je vais partout assister à des manifestations auxquelles je suis convié et à l’occasion des rencontres informelles, je discute avec les gens. Chaque fois que vous me verrez me déplacer pour aller quelque part, j’y vais parce que je suis convié à une manifestation déterminée, mais j’y vais aussi pour avoir des contacts.
Généralement au Sénégal, les patrons de parti sont les bailleurs, les financiers, est-ce que vous avez pensé au volet financier que cela va vous coûter, est-ce que vous êtes assez balaise pour aller à la Présidentielle ?
Je ne suis pas balaise. Je n’ai pas d’argent, mais il y aura nécessairement des bailleurs qui se présenteront à nous et nous aiderons à faire vivre le parti.
Peut-être que vous n’avez pas beaucoup d’argent, mais vous en disposez un peu…
Non, je n’ai pas d’argent. Sur le Saint Coran, je n’ai pas d’argent. Je n’ai pas un franc en banque, encore moins dans un coffre-fort.
Pourtant, vous avez été Premier ministre et vous avez géré des fonds politiques…
Oui, j’ai été Premier ministre, malheureusement, tous les fonds que j’avais gardés à partir de mes fonds politiques ont été investis dans la réélection de Me Abdoulaye Wade, à la campagne.
Donc, vous avez participé au financement de la campagne de 2012…
Bien sûr. Tous les véhicules «Tundra» de Me Wade, c’est moi qui les ai achetés de mon propre argent.
A combien ?
Je ne vous donnerai pas les prix. C’est moi qui ai offert ces véhicules à Me Wade. C’étaient cinq véhicules «Tundra». Aussi, toutes les tenues que Me Abdoulaye Wade a portées pendant toute la campagne, c’est moi qui les ai achetées. C’était 21 jours de campagne électorale, j’avais commandé 21 grands-boubous pour Me Wade, avec son tailleur de Grand-Dakar.
Et quoi encore ?
Je ne vous dirai pas tout. De toute façon, c’était une petite ristourne que je lui faisais de tout ce qu’il a fait pour moi. Il a fait tellement de choses pour moi que ça, c’était un minimum que je pouvais faire pour lui. Entre Me Abdoulaye Wade et moi, c’est d’abord l’affection. Ce n’est pas la politique, mais l’affection.
Mais, est-ce qu’il ne faut pas garder cela ?
Je ne sais pas. La politique, c’est toujours cela. Abdoulaye Wade a cheminé avec Serigne Diop qui n’est plus son proche. Il a cheminé avec Ousmane Ngom qui n’est plus son proche. Il a cheminé avec beaucoup d’autres personnes. C’est cela la politique aussi.
Donc, c’est Wade le problème…
Je ne sais pas. Je ne dirai pas que c’est Abdoulaye Wade le problème. Parce qu’il a énormément de qualités, c’est un être humain plein de qualités. Je lui resterai éternellement reconnaissant.
D’aucuns vont certainement s’interroger sur la coïncidence troublante entre la décoration que vous a faite le Président Macky Sall et votre déclaration ?
Il n’y a vraiment pas un lien. Le Président Macky Sall a pris un décret le 21 janvier 2015 pour proposer un certain nombre de personnalités à ces décorations. Donc, cela n’a rien à voir. Je ne suis pas dans les combines politiques. Macky Sall est mon ami, c’est le président de la République, mais je vous l’ai dit et je le répète : je ne serai jamais un militant de son parti politique. Ce n’est pas possible.
Avez-vous discuté avec le Président Macky Sall de politique lors de la cérémonie de décoration ?
On a parlé de tout. Quand on se rencontre, on parle de tout et de rien.
Est-ce que vous avez parlé de l’affaire Karim ?
Ah oui.
Il est dans quelle disposition, comment il a analysé sa condamnation ?
Ça, vraiment je ne vais pas livrer de secrets.
Mais, il fera quelque chose pour Karim ?
Je ne sais pas
Vous aviez promis, lors d’un entretien, de tout faire pour offrir votre médiation entre Macky Sall et Me Wade…
Justement, j’y suis.
Avez-vous discuté de cela avec Macky Sall ?
Bien sûr.
Est-il dans les dispositions ?
Je ne sais pas. J’ai été voir Karim Wade en prison après le verdict, en présence de Me Madické Niang et moi, je joue mon rôle.
Est-ce que Karim Wade est dans les dispositions, est-ce qu’il accepte cette médiation ?
Je ne sais pas. Je ne vais pas vous révéler de secrets. Quand je parlais à Karim Wade et à Madické Niang, on était seuls avec Dieu.
Donc, quelque chose a été dit là-bas ?
En tout cas, je me suis engagé à des choses que je suis en train de faire pour que Karim Wade sorte de prison.
Avec votre «éloignement» de Wade, est-ce que cela ne risque pas de bloquer les choses ?
Non, ce qui importe pour moi, c’est la libération de Karim Wade. Je n’ai pas besoin de passer par Me Wade. De toute façon, ce n’est pas Abdoulaye Wade qui va sortir Karim Wade là où il est. Ce ne seront ni les manifestations de rue, ni les jets de pierres qui le sortiront de là. C’est la diplomatie qui le sortira de là. Et la diplomatie, ce n’est pas dans la rue.
Qu’est-ce que ça vous fait d’avoir reçu cette décoration des mains du président de la République ?
C’est avec une grosse fierté tintée de beaucoup d’émotion que j’ai reçu cette décoration. Naturellement, j’ai remercié le Président Macky Sall de m’avoir choisi pour porter cette décoration. Mais, naturellement, j’ai pensé à Me Abdoulaye Wade pour la raison évidente que vous savez. Il m’avait choisi parmi tant d’autres d’abord pour faire de moi un ministre, mais ensuite pour me nommer Premier ministre du Sénégal. Et malgré tout ce que les gens sont allés lui raconter, il m’a gardé sa confiance. Trois jours après ma nomination, le Président Wade m’a convoqué dans son bureau, en présence de son directeur de Cabinet, Zakaria Diaw, et il m’a dit : «Souleymane, il paraît que tu es en train d’organiser un audit, avec la complicité de Madame Ndèye Khady Diop, du ministère de Awa Ndiaye.» Parce que Ndèye Khady Diop avait succédé à Awa Ndiaye. Alors, j’ai été choqué et je lui ai dit : «Mais, Président, qu’est-ce que j’ai à faire contre Awa Ndiaye ? Je n’ai rien contre elle, pourquoi je vais organiser un audit contre Awa Ndiaye ?» Et le Président Wade me dit : «Toi, je te prends comme mon fils, tout ce qu’on me raconte sur toi, je vais te le dire.» Une autre fois, je vais au «Kazzu Rajab», le Président Wade n’était pas à Dakar, et c’est au moment où j’intervenais que Serigne Abdou Fatah Fallilou est arrivé dans la cérémonie, je n’ai même pas eu le temps de le saluer. Parce que, après son discours, c’est Serigne Mahfousse qui a pris la parole et c’est Serigne Abdou Fatah qui a clôturé. Et en clôturant, il m’a dit : «Souleymane, je veux que tu me transmettes ce message au Président Abdoulaye Wade, je veux qu’il se réconcilie avec Macky Sall, c’est son fils. Il faut transmettre le message.» Deux jours après, le Président Wade est rentré à Dakar et il me convoque. Quand je suis arrivé, il me dit : «Souleymane, il paraît que tu as suscité une déclaration de Serigne Abdou Fatah vers moi pour de me demander de me réconcilier avec Macky Sall.» Je lui ai répondu : «On vous a raconté des contrevérités, ce n’est pas vrai. Si j’ai une chose à vous dire, je n’ai pas besoin de passer par Serigne Abdou Fatah.» J’en ai oublié beaucoup.
Mais, est-ce qu’on peut s’attendre à une alliance avec d’autres personnalités comme Idrissa Seck ?
Tous les scénarios sont envisageables. Idrissa Seck, on ne s’entendait pas quand il était au pouvoir. On s’entend à merveille aujourd’hui, c’est un ami, je le considère comme un frère. Donc, tous les scénarios sont envisageables.
Mais pas avec Macky Sall ?
Non, avec Macky, ce n’est pas possible, il est au pouvoir. Cela va s’appeler transhumance. Et moi, je ne transhumerai jamais. Il y a des gens qui trouvent toujours le moyen de dire que, quitter le Pds pour aller chez Macky Sall, ce n’est pas de la transhumance. Ce n’est pas vrai. C’est la pire des transhumances. On doit fusiller les transhumants parce que c’est un manque de scrupule.