Procès Gbagbo / La CPI suspend la retransmission en direct..Les raisons

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 8 Juillet 2016 à 23:26 modifié le Vendredi 8 Juillet 2016 23:38

Il n'est plus possible de suivre en direct le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé à La Haye. Raison invoquée par la Cour pénale internationale : la protection des témoins. Une décision qui entrave le principe de publicité des débats.


Pas de Laurent Gbagbo ni de Charles Blé Goudé à l’écran mais une mire de couleurs. Depuis jeudi 7 juillet, le procès de l’ex-président ivoirien et de son ancien ministre de la Jeunesse, poursuivis à La Haye pour crimes conte l’humanité, n’est plus retransmis en direct sur le site Internet de la Cour pénale internationale (CPI). Une première depuis le début des audiences en janvier.

"Ce sont des fuites sur l’identité de témoins protégés qui ont poussé les juges à prendre cette décision", explique Stéphanie Maupas, correspondante de France 24 à La Haye. L’affaire n’est toutefois pas neuve. Elle remonte à début juin lorsqu’un député ivoirien venu déposer devant la CPI avait vu son identité révélée sur les réseaux sociaux et certains médias ivoiriens. "Le juge avait décidé que si cela continuait comme ça, il ordonnerait le huis clos. Sur l’insistance du témoin en question, la déposition avait toutefois pu se dérouler en public mais après cet incident, la Cour a décidé que la suite des procédures ne seraient plus retransmises en direct mais seraient seulement accessibles quelques jours ou quelques semaines après leur tenue", précise la journaliste.

De fait, avant d'être mis en ligne, "l’intégralité des comptes-rendus d’audience seront analysés et expurgés si nécessaire", à la demande des différentes parties, a précisé le président de la chambre, Cuno Tarfusser, cité par Jeune Afrique.

Seulement quatre témoins publics

Sur les 13 témoins qui ont comparu jusqu’alors, seuls quatre l’ont fait publiquement, c’est-à-dire sans recourir à un pseudonyme. Pour le cadre de ce procès sensible, la protection des témoins est cruciale. Nombreux redoutent des représailles s'ils témoignent contre ceux qui sont jugés et la CPI tente de cacher leur identité, certains changeant de pays à plusieurs reprises pour démarrer une nouvelle vie.

Reste que les fuites sont souvent le fait de la CPI. "Depuis le début du procès, c’est la cour elle-même qui, par inadvertance, a révélé à plusieurs reprises l’identité de certains témoins protégés, indique Stéphanie Maupas. Soit au cours de leur déposition devant le public, soit parce que le greffe avait oublié de couper la retransmission  d’une audience à huis clos."

En janvier, au cinquième jour du procès, un témoin de l'accusation, identifié sous le matricule P547, avait accidentellement donné son nom, alors qu'il racontait comment les forces loyales à l’ex-président ivoirien avaient ouvert le feu sur des manifestants non armés. Le juge avait immédiatement mis fin à l'audition et ordonné aux journalistes de ne pas citer le nom de ce témoin.

La décision de la cour risque en tous cas de nourrir davantage les critiques dont elle fait régulièrement l’objet. Chez les partisans de Laurent Gbagbo, notamment, "on se demande pourquoi des témoins ne peuvent pas déposer publiquement, rapporte notre correspondante. Plus largement, nombreux sont ceux qui déplorent que le principe même de la publicité de la justice soit largement entravé aujourd’hui pour un procès qui se déroule à 8 000 km des sites de crimes et des principaux protagonistes, que ce soit les acteurs ou les victimes de la crise ivoirienne de 2010-2011".

De leur côté, les juges de la CPI estiment que "le contexte et l’environnement sont devenus tel que nous pensons que c’est la seule façon d’assurer et de préserver l’intégrité du procès tout en préservant la publicité des débats".
 
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