Possible cohabitation: une assemblée élue vite dissoute

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 6 Avril 2017 à 09:04 modifié le Jeudi 6 Avril 2017 09:06

L’opposition n’œuvre qu’à une cohabitation, éventualité pour imposer à Macky Sall une gouvernance commune. C’est légitime. Ce serait d’ailleurs très intéressant de voir le Sénégal dans une situation institutionnelle avec un Président de la République face à une Assemblée nationale occupée majoritairement par l’opposition. Seulement, l’architecture constitutionnelle ne prévoit pas une cohabitation avec un Président de la République dépositaire absolu du Pouvoir. Pourtant, depuis l’annonce de la tenue des Législatives le 30 Juillet 2017, la classe politique sénégalaise est agitée et s’enflamme crescendo. Mais personne ne pose la question des effets et des conséquences d’une majorité parlementaire et d’une majorité présidentielle antagonistes.

Au Sénégal, les Législatives ne sont, en réalité, que des compléments juridiques et institutionnels pour la consolidation de la démocratie nationale. Mais elles ne pèsent pas sur la destinée politique de la République à cause de la nature fortement présidentielle du régime. Depuis 1963, après la crise de décembre 1962, le Sénégal a tourné le dos au système bicéphale. Le régime politique est présidentiel. Une Assemblée nationale différente de la physionomie présidentielle ne chamboule pas la politique nationale. Elle alimente plutôt sa dissolution.

Dissolution immédiate d’un Parlement anti-Macky.

Déjà, des coalitions sont agitées ou sont en phase d’être mises en selle pour les élections législatives du 30 Juillet 2017. Certes, la démocratie en gagne amplement. Mais, en vérité, au Sénégal, qui remporte la Présidentielle dispose de la République, de l’Etat, du Gouvernement et des Institutions, de toutes les Institutions. Il ne faut donc pas se faire des illusions. Le Sénégal a un système politique qui bloque son envol démocratique. La loi ne donne pas à une opposition majoritaire à l’Assemblée nationale un pouvoir déterminant. La politique de la Nation n’est jamais définie par le chef d’un Gouvernement issu d’une majorité parlementaire. Selon la Loi fondamentale, c’est le Président de la République lui-même qui définit la politique de la Nation et nomme aux emplois civils et militaires. Et dans l’hypothèse même où une majorité parlementaire opposante serait à l’Assemblée nationale, le Président de la République aurait le droit, par l’Article 87 de la Constitution, de la dissoudre et de gouverner par ordonnance en choisissant une autre date pour une tenue d’autres législatives.

Cohabitation : des effets et une illusion

Une Assemblée nationale favorable au Président de la République moins partisan que Macky Sall renforcerait la stabilité des Institutions. Mais si elle lui serait défavorable, elle ne ferait que bloquer les Institutions sans l’empêcher de gouverner. Les révisions successives de 1967, 1970, 1976, 1978 et 1981 n’ont jamais chamboulé le système politique sénégalais qui demeure présidentiel. La nouvelle Constitution de 2001 qui a inauguré la 1ère alternance, a plus renforcé la nature présidentielle du système politique sénégal sans l’incliner d’un seul iota vers le côté parlementaire.

Une cohabitation a des effets politiques immédiats. Elle serait le début de la fin du régime de Macky Sall. Elle déstabiliserait son parti et cette coalition hâbleuse et boulimique qui se colle à lui. Mais elle n’est possible que dans un régime bicéphale, un régime politique où les compétences sont partagées entre le chef de l’Etat et le Chef de Gouvernement. Si tel était le cas avec la Constitution, le chef de l’Etat s’effacerait pratiquement au profil du Premier Ministre. Mais cette disposition n’est pas dans la Loi fondamentale et l’opposition le sait parfaitement. Une cohabitation est donc impossible au Sénégal. Solliciter les suffrages des électeurs pour représenter les citoyens et défendre leurs intérêts au Parlement, aurait été l’argument de campagne le plus sérieux et le plus pertinent pour l’opposition que de miser sur une cohabitation que ne prévoit pas la Constitution.

Enjeu de survie ou de mort politique

Que l’opposition ait une majorité ou une forte présence à l’Assemblée nationale, le Président de la République n’est nullement tenu de désigner en son sein un Premier ministre, ni même d’y choisir des Ministres.  Etant le seul à déterminer la politique de la Nation, c’est donc à lui de choisir la personne en qui il a confiance pour diriger le Gouvernement qu’il nomme. Ce n’est pas à l’Assemblée nationale de lui imposer un Premier ministre et des Ministres. La suite est une énigme juridique.

L’enjeu majeur des Législatives est la mesure du poids électoral des partis et coalitions politiques qui y participent, par la consolidation de la majorité présidentielle actuelle ou par son chamboulement par une forte percée de l’opposition. Seulement, le recul de majorité parlementaire actuelle qui est de l’obédience du Président de la République ou une percée de forces politiques de l’Opposition, peut naturellement avoir des effets psychologiques immédiats et décisifs sur l’électorat de la Présidentiel. Si la coalition politique favorable à Macky Sall perd ou rétrograde, Macky Sall n’aurait alors qu’à préparer ses bagages pour …Houston !

Le Piroguier
Cheikh Amidou Kane
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