L’inspecteur des impôts Ousmane SONKO a été radié de la fonction publique le 29 Aout 2016 au motif qu`il a failli a l`obligation qu`il avait en tant que fonctionnaire de l`état, de ne pas verser dans le débat public des informations secrètes, au sens d`une certaine interprétation des principes et des règles relatifs au devoir de discrétion et de réserve.
Cet événement est intervenu pendant que le pouvoir et l`opposition croisaient le fer autour de l`épineuse question de la refonte du fichier électoral dont la décision, de l’avis de certains analystes, est liée a la fameuse abstention de 62% enregistrée lors du dernier referendum. Et c’est bien parce que cette abstention cause des soucis au pouvoir, qu’il a décidé unilatéralement de la refonte dudit fichier et de l’élimination du <stock mort>. Autrement dit, de la radiation systématique de tous les électeurs de l’ancien fichier qui ne se seront pas réinscrits avant la clôture des opérations prochaines. Pendant ce temps, craignant que le pouvoir cherche à tripoter le fichier électoral, l’opposition a décidé de s’opposer à son projet.
En plus pratique, ce dont il est question est que tout sénégalais qui n’aura pas expressément déclaré sa réinscription au prochain fichier électoral après l’enregistrement de sa demande de délivrance d’une carte d’identité biométrique, sera considéré comme non inscrit volontaire ou simplement empêché pour l’un des motifs légaux pouvant justifier sa radiation. Ce qui signifie que si cette mesure est appliquée, elle permettra de radier des électeurs régulièrement inscrits, c'est-à-dire, figurant dans le fichier actuel. Et ainsi, seront allégrement contournées les dispositions légales en vigueur, qui définissent les conditions régulières de radiation d’un électeur. Pour rappel, le programme de la carte d’identité biométrique doit être lancé avant l’élection législative de 2017.
Dès lors, même si le camp du pouvoir ne le reconnait pas, il se voit à l’œil nu que le but caché de la refonte du fichier électoral est d’empêcher le retour en force de la majorité des électeurs abstentionnistes lors des prochaines élections. Et il est aussi de pouvoir agir sur le processus de création du futur fichier électoral pour en influencer la composition. L’opposition a donc toutes les raisons de s’agiter comme elle est entrain de le faire. Mais elle devra très vite se résoudre à accepter que dans cette affaire, l’adversaire a l’avantage du terrain.
Et voila que survenant à son tour le 04 du mois de septembre 2016, l’élection des membres du Haut conseil des collectivités locales a ravi la vedette autant a ce dernier événement qu’a la radiation de l’inspecteur SONKO qui ne subsiste plus que par le fait de quelques rares frémissements a travers la presse. Tout cela, comme si était sans importance le fait que l’opposition se mobilisa comme un seul homme pour exiger l’annulation du décret de radiation du fonctionnaire rebelle et surtout, le fait qu’elle a trouvé dans cette affaire l’occasion de se constituer en une large coalition réunissant enfin l’opposition traditionnelle et la nouvelle vague des opposants qui revendiquent de vouloir faire la politique autrement. Comme si n’avait pas eu lieu du tout, la forte expression de solidarité affichée par une société civile dont quelques membres ne se sont pas privés d’intervenir en premier ligne pour défendre la cause du fonctionnaire radié. Comme si n’étaient rien enfin, les recours en justice annoncés par ses avocats et tous les débats auxquels ils ont donné lieu.
Tous les événements qui précédent ont en commun d’avoir été créés par le pouvoir en place. Et il en est ainsi depuis bientôt cinq bonnes années. La quasi-totalité des situations dominantes de l’actualité découlant d’actes qu’il pose sciemment, pour canaliser les attentions à des endroits de son choix. En d’autres termes et malheureusement pour tous ceux qui veulent que les choses changent, force est de reconnaitre que le Président Macky SALL et ses stratèges prouvent ainsi leur parfaite maitrise des procédés de diversion, en menant sereinement le jeu, sans jamais perdre de vue l’objectif qu’ils se sont fixé, de remporter toutes les compétitions électorales prochaines. Ainsi, en contrôlant de la sorte l’initiative des événements qui font la une de l’actualité, ils ont depuis longtemps installé l’opposition dans des postures de riposte faites de revendications vaines et de dénonciations qui se perdent au fur et a mesure de leur remplacement par d’autres.
Et personne ne pourra rien y changer tant que l’opposition ne parviendra pas à concevoir son propre jeu en adoptant des projets clairs et en se fixant des objectifs précis. Etant entendu que le tout de ces projets peut aujourd’hui tenir dans l’urgente nécessité de changer la manière dont les affaires du pays sont conduites malgré les deux alternances démocratiques qu’il a connu. Ce fait étant ce qui explique très largement toutes les contreperformances économiques qui l’ont relégué au plus profond du classement des pays les plus pauvres du monde.
Le Sénégal est à un tournant décisif de son histoire. Contraint qu’il est de faire de la place pour les centaines de milliers de jeunes que le désespoir jette depuis plusieurs décennies dans les pièges mortels de l’émigration, de créer donc plusieurs milliers d’emplois, de sortir les populations rurales et urbaines d’une pauvreté devenue endémique et de leur assurer de meilleures conditions de sécurité. Bien évidemment, est en cause dans cette situation, la manière dont le pays est gouverné, parce qu’elle est depuis toujours désastreusement néocoloniale. Autrement dit, aujourd’hui plus que jamais, elle continue de ne profiter qu’a des lobbies d’hommes d’affaires étrangers ayant a leur solde une aristocratie corrompue. C’est ce contexte particulier qui explique valablement qu’un fonctionnaire responsable décida dernièrement de sacrifier sa carrière professionnelle pour marquer sa volonte de respecter le serment qu’il a fait de participer à la construction de son pays.
Cet autre chose que l’Inspecteur des impôts Ousmane SONKO a fait, sans se soucier des représailles auxquels il s’exposait, a été de dénoncer l’asservissement des hauts fonctionnaires par des autorités politiques qui, de tout le temps, ont usé des pouvoirs de promotion au sein des corps de toutes les administrations de l’état, pour s’entourer des réseaux de complicité qui leur ont toujours permis de mettre leurs fonctions au service de projets de dilapidation des biens publics et d’enrichissement personnel. Il s'agit là d’un message fort qui dit à tous les fonctionnaires qu’ils ne devront plus se prêter aux combines malsaines qui continueront de leur être proposées et d’en combattre les auteurs pour que cessent les détournements des fonds alloués a l’exécution des programmes de gouvernance.
Au-delà de tout ce qui précède, force est de reconnaitre le mérite de celui qui a très tôt fait le choix d’être une citoyen engagé et un patriote dévoué à la défense de la cause de son pays. En rappelant qu’il est à l’origine de la naissance du syndicat des inspecteurs des impôts et domaines et qu’il est le Président fondateur de Pastef, ce parti politique sénégalais dont la crédibilité n’est plus a prouver. Il est apparu utile de noter ici ces quelques moments de son parcours de militant pour s’offrir l’occasion de lui souhaiter bien plus de plaisir encore dans l’action. Etant entendu n’y a pas lieu de s’apitoyer sur le sort d’un patriote comme lui, le Sénégal méritant plus que le sacrifice d’une partie de nos biens et de notre temps.
Voila justement que ce Sénégal est en panne depuis bien longtemps déjà. Et en démocratie quand un pays va mal au point qu’il n’y a plus rien à attendre de ses dirigeants du moment, il s’impose d’interpeller son opposition et de s’interroger sur son comportement afin de mesurer sa capacité de faire face aux urgences et ensuite de redresser la barre. D’ailleurs c’est ensemble que nous devons au plus vite réagir, notre pays se trouvant effectivement coincé à cet endroit avec, face à une classe politique écartelée entre deux extrémismes, un peuple qui ne veut plus confier son destin à des aventuriers politiques.
Le peuple sénégalais est conscient que désormais plus personne ne devrait accéder à une fonction élective sans son assentiment régulier. Et le camp du pouvoir qui l’a bien compris, a décidé de ne commettre aucun des erreurs qui ont causé la perte du candidat Abdoulaye WADE en 2012. C’est principalement, pour cette raison qu’il a porté son choix de stratégie sur la confection d’un fichier électoral qui lui assurera de remporter toutes les compétitions prochaines. Et pour atteindre cet objectif, il lui fallait absolument décréter la refonte du fichier électoral, son procédé consistant à fusionner des fichiers préétablis, comme celui des bourses familiales et tant d’autres, pour constituer la base du prochain fichier électoral dont la vocation sera de servir son dessein.
Mais malgré cela, tout n’est pas pour autant définitivement perdu. Voila pourquoi, même en considérant ce qui précède comme une hypothèse de travail, l’opposition est tenue de porter un projet électoral dont l’objectif impératif sera de vaincre le camp adverse à l’élection législative de 2017. Et pour réaliser une telle prouesse, elle devra parvenir à faire du peuple son allié en l’assurant de n’être plus désormais qu’a son écoute, tout en convainquant de son engagement à apporter les meilleures réponses possibles aux problèmes de développement économique et a l’ensemble de la demande sociale. La preuve de la sincérité de cette opposition étant exclusivement dans la démarche qu’elle adoptera, il lui faudra pour l’apporter, consacrer ses discours aux préoccupations du peuple et se dissoudre à son sein pour y faire naitre une force politique capable de le porter au pouvoir.
Pour toutes les épreuves électorales prochaines, la victoire de l’opposition est a ce prix et uniquement à celui là. Ses leaders doivent unanimement l’admettre une bonne fois pour toute et réagir de manière conséquente en travaillant ensemble à l’élaboration d’un projet alternatif audacieux et crédible parce que s’appuyant sur un diagnostic objectif de la situation économique et sociale du pays. C’est alors seulement qu’ils pourront gagner la confiance du peuple. Sinon, ils seront, eux aussi, entrain de le tromper.
Le Sénégal est un pays qui n’a jamais arrêté de s’enliser dans les profondeurs de la pauvreté. Et malheureusement, rien n’est encore réellement fait pour en éloigner le spectre des chefs d’état qui ne se succèdent au pouvoir que pour reproduire les mêmes pratiques dévastatrices des économies de leurs pays. Voila pourquoi aujourd’hui, il est entrain d’attendre de son opposition une offre alternative, en termes de leadership et de projet de société, crédible. Et puisqu’il lui faut des réponses appropriées parce que complètes, la constitution d’une coalition ne saurait être plus qu’un point de départ. Même si cette coalition que nous saluons et à laquelle nous adhérons, est une percé significative vers la constitution d’une force politique alternative véritablement révolutionnaire.
Cheikhna Cheikh Saadbou KEITA
Ex-commissaire de Police
Email : saadou02@gmail.com