La destitution du président du Soudan, Omar el-Béchir, jeudi 11 avril, marque la fin de trente ans de "règne". Né le 1er janvier 1944 dans une famille rurale de Hosh Bannaga, à une centaine de kilomètres au nord de Khartoum, Omar el-Béchir rejoint l’armée soudanaise dès l’adolescence puis intègre l’académie militaire du Caire. En Égypte, ses qualités militaires sont rapidement remarquées. Il devient parachutiste et participe avec l’armée égyptienne à la guerre du Kippour en 1973.
Premier chef d’État en exercice à être recherché par la CPI
Omar el-Béchir intègre logiquement l’armée soudanaise après son retour au pays. Il gravit les échelons jusqu’à devenir colonel. Mais c’est le 30 juin 1989 qu’il fait son entrée dans la vie politique du Soudan lorsque, accompagné d’un groupe d'officiers, il renverse le gouvernement démocratiquement élu de Sadek al-Mahdi. Son coup d'État est appuyé par le Front islamique national, le parti de son mentor Hassan al-Tourabi, devenu par la suite l'un de ses plus farouches opposants. C’est sous l’influence de cet islamiste qu’il oriente son pays – morcelé en une pléthore de tribus et alors divisé entre le nord majoritairement musulman et le sud peuplé de chrétiens – vers un islam radical.
Khartoum devient dès lors la plaque tournante de l'internationale islamiste, en accueillant de nombreux jihadistes ayant combattu en Afghanistan. Du terroriste Carlos au chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, les invités de marque d’Omar el-Béchir se caractérisent par leur haine du monde occidental. En réaction, Washington impose au pays depuis 1997 un embargo qui stérilise l’économie soudanaise. Les relations entre "Béchir le militaire" et "Tourabi l'islamiste" se gâtent à la fin des années 1990, lorsque le premier tente de se démarquer de l'islamisme radical prôné par son mentor.
En 2003, une rébellion au Darfour, région de l’ouest du Soudan, est combattue par les forces armées et des milices alliées du pouvoir. Ce conflit, qui a fait plus de 300 000 morts et plus de 2 millions de déplacés, selon les Nations unies, lui vaut en 2009 les poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Omar el-Béchir devient ainsi le premier chef d’État en exercice à être recherché par la CPI, mais il n’est jamais arrêté.
Crise économique provoqué par le plan d’austérité du FMI
En 2005, le président soudanais se décide à signer l'accord de paix avec les rebelles du Sud, qui ouvre la voie à un référendum sur l'indépendance de cette région majoritairement chrétienne, et où sont concentrées les réserves pétrolières du pays. Celle-ci devient officiellement en 2011 l'État du Soudan du Sud.
En 2013, déjà, des émeutes contre une hausse de plus de 60 % du prix des carburants avaient ébranlé le régime. C’était la conséquence directe de la sécession en 2011 du Soudan du Sud. La révolte avait été matée à coup d'une répression policière qui a fait 200 morts et plus d’un millier de blessés.
Après avoir consolidé son pouvoir à coups de réforme pour en assurer la longévité, il est réélu pour cinq ans, en 2015, avec plus de 94 % des votes, lors d'un scrutin stalinien boycotté par l'opposition. Mais trois ans plus tard, le plan d’austérité demandé par le FMI qu’il consent à appliquer provoque une crise économique qui sera le point de départ de sa chute.
En quelques mois, fin 2018, les prix des matières premières augmentent considérablement. Le prix du pain, notamment, est triplé, entraînant des manifestations monstres – dans un premier temps contre la vie chère, puis dans un second temps contre le régime en place.
Omar el-Béchir tente de garder sa mainmise sur le pouvoir et réprime durement les manifestants. Il décrète l’état d’urgence le 22 février 2019 et limoge le gouvernement. Mais en même temps que la contestation reprend de l’ampleur début avril, après un mois de mars moins agité, le président soudanais est petit à petit lâché par ses forces de sécurité. Le 11 avril 2019, l’armée annonce sa mise à l’écart.