NDOUBELANE : En route vers 2019

Rédigé par Dakarposte le Mardi 28 Aout 2018 à 17:28 modifié le Mardi 28 Aout 2018 17:29

Le Sénégal est l'un des pays les plus stables d’Afrique. Son président actuel, Macky Sall dirige le pays depuis mars 2012.  
Le système politique du pays a été renforcé par le référendum constitutionnel de 2016 qui a réduit le mandat présidentiel de sept à cinq ans.  
En Février 2019, le Président Macky Sall briguera un second mandat dans un contexte socio-politique tendu et craquelé.  
Principalement deux blocs vont s’affronter : d’un côté la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar (BBY) et de l’autre l’opposition incarnée à travers d’autres regroupements comme Manko Wattu Sénégal, Manko Taxawu Sénégal...comme ce fut un peu le cas lors des dernières élections législatives même si lors des présidentielles d’autres coalitions de partis peuvent bien voir le jour.  
Cependant force est de constater que cette opposition traine une faiblesse qui la suit depuis fort longtemps : sa division.  
Elle peine à se regrouper autour de l’essentiel et à porter les mêmes combats. Depuis la « présence-retraite » de Me Abdoulaye Wade, cette classe politique peine à rassembler les populations autour d’elle, minée par des querelles de positionnement, des calculs politiciens, une difficulté à déterminer une ligne directrice commune de conquête ou reconquête du pouvoir. Cela déteint fortement sur la mobilisation des militants et sympathisants lors des différentes manifestations qu’elle a cherché à organiser.  
Concernant le Parti démocratique sénégalais (PDS), il a un candidat déclaré que les militants n’arrivent toujours pas à voir car étant hors du pays dans la prolongation de ses démêlés avec la justice dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis. Même si au regard stricte de la loi constitutionnelle, ce candidat, Karim Wade, ne peut plus se présenter à une élection au Sénégal, ses partisans continuent à soutenir qu’il est le leur et qu’aucun plan B n’est envisagé. Ce qui laisse présager un bras de fer indescriptible entre le pouvoir et les partisans de Wade fils à l’approche du dépôt des candidatures.  
Pour ne pas se faire oublier et continuer à exister dans le débat politique, Karim Wade, même s’il reste loin du pays continue à participer au débat interne du pays via les réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook) et à travers des contributions envoyées à la presse sous forme de lettre ouverte au peuple sénégalais avec un style direct. C’est même ce qui lui vaut d’être surnommé le « candidat WhatsApp » par Farba Senghor.  
Pour un observateur averti, cette situation de forcing de sa candidature risque de sonner un sacré coup à l’unité au sein du PDS. Certains responsables continuent de faire semblant de croire à la candidature de Wade-fils tout en se positionnant pour, le moment venu, être le plan B. Cependant ils évitent tous d’en parler ouvertement de peur de s’attirer les foudres du Wadiste en chef (Me Abdoulaye Wade).  
L’autre difficulté et non des moindres, c’est la montée en puissance des « karimistes » composés essentiellement d’anciens membres de la Génération du concret au détriment de responsables libéraux de la première heure. C’est ce qui a conduit au départ de ce parti, entre autres raisons, de plusieurs anciens responsables comme Me Souleymane Ndéné Ndiaye, Modou Diagne Fada, Me Ousmane Ngom, Farba Senghor, Pape Samba Mboup, Abdoulaye Baldé...  
Sur un autre registre, il y’a le cas Idrissa Seck, Président du parti Rewmi. Ce dernier continue toujours de nourrir son rêve de devenir Président même après ses différentes désillusions aux présidentielles de 2007 et 2012. Comme un illuminé à qui l’on a dit qu’il était le messie que le Sénégal attendait depuis toujours, le Monsieur ne lâche toujours pas l’affaire. Après avoir soutenu le candidat Macky au second tour en Mars 2012, il a fini par claquer la porte de la coalition quelques temps après l’accession au pouvoir de Monsieur Sall. Ce qui n’a surpris personne pour qui connaît le gus.  
Un moment, comprenant que les carottes de la candidature de Wade fils sont « bien cuites », Idrissa Seck avait commencé à draguer l’électorat et la sympathie des militants du PDS. C’est ce qui expliquait ses positions sur les relations Macky-Wade père en demandant au premier de témoigner de plus de respect au second.  
Celui ou celle qui connaît l’histoire réelle et le profond désaccord qu’il y’a eu entre Idrissa et Wade, saura que tout ceci n’était qu’une opération de charme savamment orchestrée par le premier sans réellement y croire. Les épisodes de lui et moi (CD1 et CD2), l’expression « ancien spermatozoïde, futur cadavre », les milliards « détournés »...auront déjà fini de séparer définitivement les deux hommes.  
Seconde phase de la stratégie de Mara c’était de multiplier les sorties contre le régime en place afin de se hisser au niveau de chalenger du Président sortant, Macky Sall. Il a compris qu’une élection présidentielle se joue en général entre deux candidats et que Macky Sall n’a pas encore quelqu’un capable de lui faire face aux yeux du peuple. Alors lui, il cherche à combler ce vide. C’est ainsi qu’il faut analyser ses tournées à l’intérieur du pays et son long séjour à Touba. Dans la ville religieuse, il sait que le Président Sall y connaît une réelle difficulté politique. Monsieur Sall n’arrive toujours pas à y remporter une élection depuis 2012.  
C’est dans ce même sillage qu’il avait commencé à faire les yeux doux aux partisans du Maire de Dakar Khalifa Sall qui est présentement en prison à cause de ses déboires avec la justice sur la gestion de la caisse d’avance de la Mairie.  
Dans les projections politiciennes de Monsieur Seck, Khalifa Sall devrait rester en prison ou dans la moindre mesure être condamné et par ricochet perdre ses droits civils et politiques. Ce qui risque de l’empêcher d’être candidat en 2019 et permettre au Président de Rewmi de mettre dans son panier l’électorat du Maire Khalifa Sall.  
C’est d’ailleurs ce qui explique le fait qu’il essaie de porter le combat de ce dernier même s’il continue à garder dans sa tête le deal qu’il avait avec lui lors des législatives : Idy avait soutenu Khalifa aux législatives en attendant en retour celui du Maire de Dakar lors des présidentielles.  
Aujourd’hui, le plus grand handicap de Mara (Idrissa Seck), c’est l’image totalement négative que beaucoup de sénégalais ont de lui. Il est dépeint par beaucoup de compatriotes comme un « trop malin », un « arrogant » qui ne respecte même pas ses propres responsables du parti (ces témoignages sont de ses anciens collaborateurs), un « fin calculateur » ... bref quelqu’un sur qui il ne faut jamais placer une once de confiance parce que « trop intelligent ». 
Ses stratégies de reconquête de la sympathie des sénégalais butent toujours sur la sincérité du geste et de la parole même s’il lui arrive de pousser l’opération jusqu’à pleurer sur un plateau de télévision.  
Sa dernière sortie sur « Bakka » et « Makka » a fini de réduire toutes ses chances de devenir le cinquième Président du Sénégal. En plus il n’a pas réussi un bon maillage du territoire national qui lui aurait permis d’avoir des responsables d’envergure dans tous les départements. Il lui reste du chemin à faire et une stratégie à peaufiner.  
Quid de la coalition Benno Bokk Yakaar ?  
Cette coalition est au pouvoir mais peine toujours à s’entendre sur l’essentiel. Elle est minée par un déficit de maîtrise de sa communication (celle politique et institutionnelle sont toujours confondues), des querelles de positionnement à l’interne et surtout d’une absence de fonctionnement de la coalition, dénoncée d’ailleurs par tous les responsables des partis alliés.  
Les responsables de la coalition et surtout ceux de l’Alliance pour la République (APR) sont restés dans une communication réactive très mauvaise des fois quand on est au pouvoir. L’on constate qu’ils ne communiquent que pour répondre à un membre de l’opposition qui critique le régime en place permettant à ces derniers de rester dans le « débat-polémique » qui nourrit toute opposition.  
Aucun d’entre eux n’est dans une communication explicative, pédagogique, permettant de mettre la lumière sur toutes les réalisations du Président Sall et expliquer clairement les stratégies adoptées pour faire émerger le Sénégal : PSE, PUDC, PUMA....  
Les responsables de la coalition donnent l’impression d’être habités par une peur qui ne dit pas son nom. Aucune activité politique de grande envergure n’est organisée. Ceci s’explique en partie par la colère que les populations au niveau de la base ruminent à l’encontre de leurs responsables locaux.  
A Fatick par exemple, il suffit de fréquenter les groupes de jeunes pour comprendre leur courroux. Ils en veulent à leurs responsables disant que nombreux de ces derniers les ont abandonnés à leur sort alors que le Président Sall en a promu un nombre impressionnant (près d’une centaine : ministres, Directeurs, Présidents de conseil d’administration...).  
A Matam aussi le feu couve pour presque les mêmes raisons.  
Dans presque tous les départements, les responsables ne s’entendent plus et chacun prêche pour sa chapelle créant une situation de division profonde au sein des groupes de militants. Ils se comportent comme s’ils oubliaient que le 24 Février 2019 personne d’entre eux ne sera candidat à part Monsieur Macky Sall.  
Ces tiraillements ont fini de former un lit de contestations dans des régions où on s’y attendait le moins : Matam et Fatick, les deux régions affectives du Président Sall.  
Enfin, il y’a les candidats du buzz du moment (c’est le cas de Sonko et d’autres) et ceux là qui étaient avec le régime à un moment avant de le quitter pour une raison ou une autre (Thierno Alassane Sall, Bamba Dièye, Abdoul Mbaye...).  
De ceux là, Ousmane Sonko est le plus en vue. Dans le discours, il arrive à capter l’attention des sénégalais même si des fois des erreurs d’appréciation sont notées par ci et par là. Dernièrement, on l’a vu se déployer sur le terrain avec son équipe, comprenant que les élections ne se passent ni sur facebook ni sur les plateaux de télévision. Espérons pour lui que ce ne soit pas trop tard. 
Ces candidats même si objectivement ils ne peuvent pas remporter les élections peuvent bien participer à créer les conditions d’un second tour aux Présidentielles de 2019. C’est sous ce rapport qu’il va falloir les surveiller et observer leur déploiement sur le terrain.  
2019 est à la portée du candidat qui aura la meilleure stratégie allant de la base vers le sommet et qui aura réussi l’unité autour de lui. 

Souleymane Ly 
Spécialiste en communication
Mamadou Ndiaye
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