Il faut dire qu’un homme qui a pu trouver sa place dans tous les gouvernements depuis 1980 et peut-être avant, est un homme qui sort de l’ordinaire.
Cependant, si cela a été possible, c’est que ces gouvernements qui se sont succédés sont assez mal structurés. En effet, nous voyons mal l’idéologie socialiste, l’idéologie libérale et l’idéologie républicaine puisse trouver une place pour une seule et même personne si tant est que cet homme est une personne qui aura assimilé des valeurs au point de se forger une identité politique.
Forcement de deux choses l’une : ou nous n’avons pas d’idéologie et que les gouvernements s’accommodent de tous profils politiques, ou que monsieur Ka a un profil qui, au gré des circonstances, permet de s’adapter à l’idéologie dominante entendue dans le sens ou c’est l’idéologie qui est portée au pouvoir et qui est capable de rétribuer financièrement l’effort de réflexion à la différence naturellement de l’opposition ou pour rester fidèle à notre approche de la contradiction.
S’intéresser ou mettre l’accent sur la personne de monsieur Ka nous amènerait à nous départir de nos préoccupations les plus fortes, c’est-à-dire les préoccupations objectives autour de la chose publique, pour nous engager dans une démarche subjective. Or nous sommes d’avis que c’est cette démarche qu’il faut bannir à jamais.
Les grandes idées des nations civilisées ne sont pas forcément celle d’un individu, mais celles de tout une génération. Ce qui nous intéresse le plus c‘est la structuration de la vision politique de la classe dirigeante. C’est cette classe qui à chaque étape de la vie d’un peuple reste le symbole de la pensée dominante suite aux élections qui sont le mode d’expression le plus démocratique de la volonté populaire.
Nous sommes malheureusement dans une position ou après avoir sélectionné notre équipe type, nous nous retrouvons avant même de rejoindre les gradins pour supporter, à voir que tous les acteurs écartés avec toute la rigueur inhérente au choix politique, se retrouvent à des postes clefs, réduisant à néant tous les efforts de changement, tous les efforts d’alternance qui naturellement , constitue à chaque fois qu’elle est dite démocratique, une victoire du peuple. Il est peut-être temps de cesser d’assimiler l’histoire d’un peuple à celle d’un homme.
L’induction immédiate de la reconduction systématique des mêmes personnes depuis 1980 est que le peuple qui leur donne une place pendant plus de 35 ans est forcément, et manifestement pas un peuple qui n’a pas évolué.
Nous serions tellement tristes de la véracité d’une telle hypothèse que nous préférons envisager le problème sous un autre angle pour voir au fond ce qui justifie tant de succès de cet homme extraordinaire.
Est-ce sa superpuissance ou la faiblesse d’un régime, d’un système qui a du mal à se réinventer depuis les indépendances.
Ce serait néanmoins une fuite de responsabilité que d’orienter l’analyse, la critique sur d’autres que nous même est de considérer que le phénomène est la faute exclusive du gouvernement. Nous croyons par expérience que la question de choix d’une équipe gouvernementale est la première épreuve après l’investiture à la magistrature suprême, l’efficacité du gouvernement étant consubstantiel à son succès au regard du peuple.
Le choix des individus qui incarnent le gouvernement est donc nécessairement vital face aux assauts de l’opposition ou pour être plus conforme à notre esprit, des contradicteurs du gouvernement. Mais si l’offre n’est pas de qualité le choix sera forcément médiocre.
Le choix limité oblige à se retourner facilement vers l’histoire pour reconduire ceux qui ont, ou qui auraient des arguments pour rassurer le peuple. Une manière de se rassurer par l’emprunt d’expérience. C’est toutefois oublier que le progrès est à la base fondé sur le courage et la volonté ferme de parvenir au changement par l’effort continu. A vaincre sans péril…..
Il serait en effet illusoire de promettre le développement comme un miracle à une population qui effectivement pèche dans l’identité politique, pèche dans la culture du travail, dans le sens de la persévérance. Nul individu aussi dévoué qu’il soit ne peut être tenu à l’impossible. Et l’impossible c’est de concevoir la performance dans des conditions ou le civisme, la culture politique, la connaissance des choses de l’Etat, la probité sont à leur niveau le plus réduit.
Pour un peuple qui se respecte même l’expérience douloureuse de l’échec doit être source de motivation car étant la preuve structurelle des limites de la population .Nos leaders politiques doivent avoir le courage du changement et concevoir l’échec le cas échéant comme une responsabilité partagée autant que le succès, le tout sur un discours véridique.
Ceux qui n’ont pas pu empêcher leur propre chute pourront difficilement dans le même domaine empêcher celle d’un autre parce qu’en réalité ils ne sont pas ceux qui décident.
Une manière de voir parmi d’autre pour l’amour du Sénégal.
Me Bocar Arfang Ndao
Avocat