Les réseaux sociaux "passifs" face à la menace de l'EI

Rédigé par Dakarposte le Mercredi 20 Juillet 2016 à 17:07 modifié le Mercredi 20 Juillet 2016 17:08

Les grands opérateurs d'internet et des réseaux sociaux n'ont pas pris la mesure de la menace de la propagande djihadiste et font preuve d'une "attitude passive", déplore un rapport parlementaire français publié mercredi après six mois de travail sur l'organisation Etat islamique et ses moyens.


"Il est apparu très clairement que les plateformes de web social ne sont pas assez proactives dans la lutte contre la propagande de Daech (acronyme arabe de l'EI)", relève le rapport, qui, parmi des dizaines d'auditions d'experts, sociologues, responsables policiers, a également entendu des représentants de Facebook, Twitter, Google et Dailymotion. Ces opérateurs "doivent se doter d'outils et d'équipes performantes pour lutter contre la prolifération des discours extrémistes, et ne sauraient se limiter, comme aujourd'hui, à une attitude passive qui consiste à simplement retirer les contenus signalés par les internautes ou les autorités", selon la mission parlementaire. 

Et encore. Certains contenus sont jugés illicites dans certains pays, pas dans d'autres, et le niveau de blocage varie localement. "Les réseaux sociaux interprètent de manière extensive la liberté d'expression ou le droit à l'information", et "certaines personnes auditionnées ont parlé d'impunité dans les réseaux sociaux, où Daech recrute et lève des fonds dans l'indifférence des entreprises de ce domaine", indique le rapport.

En outre, "les moyens humains consacrés aux repérages de contenus illicites en ligne sont très faibles", ajoute-t-il, mentionnant notamment Twitter, qui dispose d'une centaine de personnes, pour l'ensemble du monde, affectée à la surveillance des contenus. Le rapport cite aussi l'exemple de la vidéo du tueur de Magnanville (qui a assassiné un couple de policiers le 14 juin à leur domicile en région parisienne), postée juste après le meurtre en direct sur Facebook live, et qui n'a été retirée que onze heures plus tard. 

Pourtant, selon cette mission, présidée par un député de droite, Jean-Frédéric Poisson et dont le rapporteur est un député socialiste, Kader Arif, "la plus grande force de l'organisation jihadiste (réside dans) sa capacité d'attraction". La propagande de Daech, professionnelle et organisée, s'appuie sur sept branches médiatiques spécialisées - dont l'agence Amaq - dans la production de contenus visuels, écrits, ou audios, rappelle le rapport. Ses publications sont traduites en onze langues, dont le mandarin, le russe, le turc. 

Extorsions et trafics
La mission s'est également penchée sur les moyens matériels de Daech, rassemblant des informations provenant de toutes sources -services de renseignements étrangers et français, ONU, institutions spécialisées-. A la fois "proto-Etat", contrôlant 70.000 à 78.000 km2 de territoires en Syrie et Irak, (soit 5 à 8 millions d'habitants), organisation mafieuse et structure terroriste internationale, l'EI "dispose de ressources importantes qui lui permettent d'être auto-suffisant sur le plan financier". 

Même si l'organisation perd du terrain et des ressources en raison des frappes de la coalition internationale, la valeur théorique des actifs sous son contrôle (réserves de pétrole, gazières, minerais, actifs monétaires), a pu être estimée à 2000 milliards de dollars fin 2015. S'ajoutent les trafics d'oeuvres d'art et d'antiquités (estimés de quelques millions à 150 millions de dollars), les trafics d'êtres humains, et un "pseudo système fiscal" instauré sur son territoire, qui s'apparente davantage à "des mécanismes d'extorsion" ayant rapporté entre 800 et 900 millions de dollars en 2015, selon le rapport.

"L'ampleur des financements étrangers de Daech est source de fantasmes, alors qu'ils ne représentent qu'une infime part des ressources de l'organisation, estimée à environ 5 millions de dollars par an", selon le document, qui fait l'"amer constat que la majorité des sommes collectées aujourd'hui ne provient pas d'une poignée de riches financiers, mais d'une myriade de sympathisants disséminés partout dans le monde". Au cours de ses six mois d'enquête, la mission s'est notamment rendue aux Etats-Unis, en Belgique, en Arabie Saoudite, en Turquie.
7SUR7
Ngom Fatou Thiam
Recommandé Pour Vous