Les entreprises européennes en Chine fragilisées par les risques d'un marché «moins prévisible»

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 21 Mars 2024 à 03:39 modifié le Jeudi 21 Mars 2024 03:48

Face à un marché chinois « devenu moins prévisible », dit un rapport de la chambre de commerce de l’Union européenne publié ce mercredi 20 mars 2024, ces entreprises sont contraintes « d’allouer davantage de ressources pour prévenir les risques ».


Voilà des mois que les dirigeants chinois répètent qu’ils ouvrent grand les bras aux investisseurs étrangers, mais dans les faits, et depuis la réouverture du pays post-Covid, pour ces entreprises étrangères, c'est la douche froide ! L’accent mis par le gouvernement chinois sur l’offre et les exportations, la faiblesse de la demande locale et plus globalement les pressions politiques, renforcent « un sentiment d’insécurité générale », disent les sondés.

Au niveau de l'entreprise, le volume, la complexité et la gravité des risques auxquels les entreprises sont confrontées a connu une croissance exponentielle ces dernières années, à mesure que la politique s’est infiltrée dans l’environnement des affaires. 55% des 1 700 membres de la Chambre de commerce européenne à Pékin font part d'un climat des affaires « davantage politisé que l'an dernier »et ont dû renforcer leur gestion des risques pays. Marcus Hermann, directeur du China Macro Group qui a participé à l’étude.

« Un élément qui fait partie de la gestion des risques, ce sont notamment les nouvelles règles en matière de cybersécurité. C'est quelque chose qui a certainement affecté les entreprises étrangères, car il s'agit d'une intervention réglementaire qui tente de protéger le matériel. Mais il s'agit aussi de régir la protection des données ainsi que les flux de données transfrontalières. C’est donc, je pense, l'un des exemples où l'impact est le plus évident. »



Stratégie d’autosuffisance

Le rapport de la chambre précise également que la stratégie d’autosuffisance de la Chine, a poussé au remplacement de certaines importations par des fournisseurs chinois, à la suite d'incitations voir de « pressions » des municipalités et des gouvernements provinciaux, ce qui a clairement joué en défaveur des Européens. « Quelque chose devra changer parce que l'Europe ne peut pas simplement accepter que les industries stratégiquement viables constituant la base industrielle européenne soient retirées du marché », a ainsi déclaré Jens Eskelund. Les entreprises sont prises dans l’étau des tensions Chine/UE, notamment depuis que Bruxelles a lancé une enquête anti-subventions sur les exportations de véhicules électriques Made in China en 2023.

Pékin affirme ne pas comprendre le triptyque de Bruxelles, qui considère la Chine à la fois comme « un partenaire, un concurrent et un rival systémique ». « Ce triple positionnement n'est ni conforme à la réalité ni viable dans la pratique », a critiqué le ministre chinois des Affaires étrangères lors d’une conférence de presse en marge de la réunion du Parlement chinois au début du mois. « C'est comme si une voiture était à une intersection et que les feux rouge, jaune et vert étaient tous allumés. On ne saurait plus dans quelle direction aller », avait feint de s'interroger Wang Yi.

Dans ce contexte, les entreprises européennes risquent-elles de quitter le navire Chine ? « Should I stay or should I go ? »Les choses sont en réalité plus contrastées, constatent les auteurs du rapport. « D'après les sondages et les observations générales du marché, très peu d'entreprises choisissent de quitter le marché chinois, affirme Marcus Hermann. Il existe une variété de stratégies que les entreprises adoptent et que nous avons décrites dans ce rapport. Certaines renforcent leur présence sur le marché chinois pour accroître leur localisation, d'autres au contraire décident de déplacer leurs investissements et/ou une partie de leurs opérations hors du pays. Il existe aussi une approche attentiste, avec une stratégie "Chine + 1" dans laquelle le siège du groupe alloue de nouveaux investissements à d'autres régions comme l'Asie du Sud-Est et moins à la Chine, afin de diversifier fondamentalement son engagement dans la région Asie-Pacifique. »

Externalisation de la demande
Pour« naviguer entre les risques »et mieux les appréhender, s'entourer de cabinets de consultants est« indispensable » pour les entreprises étrangères et peut même devenir un« avantage compétitif »en Chine, estime la Chambre. La notion de réduction des risques (de-risking) s'est imposée ces derniers mois comme un élément central de la politique de l'UE pour la sécurité de ses approvisionnements, souligne l’AFP.La démarche « ne vise aucun pays en particulier », mais est devenue une nécessité après la crise du Covid-19 et l'invasion russe de l'Ukraine, poursuit le rapport.

Car le déséquilibre de la relation reste criant. Le déficit commercial de l'UE avec la Chine a atteint 291 milliards d'euros en 2023, cela après le record décennal de 397 milliards d'euros en 2022, qualifié de « pire déficit de l’histoire de l’humanité »par l’actuel ambassadeur de la délégation européenne en Chine. « Il est difficile pour moi d'imaginer que l'Europe restera tranquillement assise et assistera à la désindustrialisation accélérée de l'Europe en raison de l'externalisation de la faible demande intérieure en Chine », a ajouté Jens Eskelund.





















rfi
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