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Les « Gor Jiguène » traqués sur le net et maltraités…

Rédigé par Dakarposte le Mardi 19 Septembre 2017 à 11:17 modifié le Mardi 19 Septembre 2017 - 11:19

Sur les réseaux sociaux maliens, des groupes de discussion connaissent un succès fulgurant en faisant ce qu’ils appellent « la chasse aux homosexuels ». Leur objectif : diffuser des photos, parfois des vidéos, de personnes présumées homosexuelles… et inviter à les retrouver pour leur « régler leur compte ».

« Tout le monde regarde, voilà un PD », « c’est le PD de [la région de] Kaye(s) » ou encore, « c’est un avertissement pour avoir montré ton arrière (sic) ». Ces messages d’internautes sont souvent accompagnés de photos des visages, parfois taguées avec le nom de la personne malienne dont elles visent à « dénoncer » la présumée homosexualité.
Le phénomène est difficile à dater. Il a cependant pris une ampleur inquiétante durant l’été 2017, dans un pays où il n’existe aucune loi pénalisant les relations homosexuelles, pas plus que de lois protégeant les gays, lesbiennes ou transgenres victimes d’agressions en lien avec leur orientation sexuelle. Des pages ou des groupes souvent baptisées avec l’acronyme LCHM, pour « Lutte contre l’homosexualité au Mali », se sont récemment multipliées sur Facebook, YouTube ou WhatsApp.

Derrière ces pages se trouvent des administrateurs qui publient régulièrement des images, souvent manifestement volées, montrant des hommes travestis, parfois même des enregistrements sonores ou des vidéos révélant des relations homosexuelles intimes. Des propos, souvent tenus en bambara, l’une des langues les plus parlées au Mali, invitent à traquer ces individus identifiés comme « homosexuels ».

Ces pages sont également friandes de vidéos montrant de présumés homosexuels être tabassés ou humiliés publiquement. Certaines atteignent plusieurs centaines de milliers de vues. Bien souvent, les personnes qui publient n’ont pas de « preuve » de l’orientation sexuelle de la personne incriminée, mais la présomption semble suffire à l’accusation.

Entre appels à la haine décomplexés et négation des faits
Joints par France 24, deux administrateurs de ces pages Facebook ont un discours radicalement différent. Le premier, administrateur de la page LCHM Chico 223, affirme vivre près de Bamako même s’il répond sur un numéro de téléphone portable français. Il explique vouloir « mettre fin à l’homosexualité au Mali » et détaille même comment il s’y prend pour « identifier les homosexuels » :

J’AI DES PERSONNES DE CONFIANCE QUI ME FONT REMONTER LES INFORMATIONS SUR LES HOMOSEXUELS DANS LEUR QUARTIER. NOUS INFILTRONS LEURS RÉSEAUX ET RÉCUPÉRONS DES PHOTOS D’EUX, PARFOIS DANS LEUR VIE PERSONNELLE. D’ABORD, JE LES APPELLE POUR LEUR DIRE QUE JE CONNAIS LEUR ORIENTATION SEXUELLE. S’ILS AVOUENT, JE DISCUTE AVEC EUX POUR LEUR EXPLIQUER QU’IL NE FAUT PAS FAIRE ÇA ET TENTER DE LES RAMENER DANS LE DROIT CHEMIN. S’ILS NIENT, JE DIFFUSE LEUR PHOTO POUR QUE TOUT LE MONDE SACHE QUE CE SONT DES PD. MÊME SI BEAUCOUP ME CRITIQUENT ET SIGNALENT MA PAGE, JE CONTINUERAI À DIFFUSER LES PHOTOS DES HOMOSEXUELS POUR METTRE FIN À ÇA DANS MON PAYS, CAR CE N’EST PAS DANS NOTRE CULTURE.


Changement de ton radical pour le second administrateur, un Malien vivant entre le Canada et les États-Unis. Il reconnaît avoir des pages Facebook destinées à la « lutte contre l’homosexualité au Mali », mais affirme ne jamais avoir diffusé d’appel à la haine, alors que des vidéos en bambara prouvent clairement le contraire.

« On n’est pas là pour appeler à la violence, tuer ou agresser qui que ce soit, ce n’est pas comme ça qu’on réglera ce problème. Notre but, c’est de lutter pour que le gouvernement légifère comme ça a été le cas en Ouganda », affirme-t-il. [Une loi ougandaise de 2014 a encore durci la répression des relations homosexuelles, NDLR]

Des pages Facebook qui sont régulièrement désactivées…
Ces pages Facebook ne visent pas seulement des anonymes : des stars locales du show-business sont régulièrement désignées par ces pages comme gay pour tenter de ternir leur réputation. C’est ce qui est notamment arrivé au chanteur Ladji Lagaré Kanté, après la diffusion, sur la page LCHM Chico 223, d’une vidéo prétendant le montrer en plein ébats sexuels avec un homme. Ce qui a poussé l’artiste à se justifier par une série de vidéos, niant qu’il s’agissait de lui, allant jusqu’à jurer sur le Coran qu’il n’était pas homosexuel.

Très actives durant l’été 2017, ces pages Facebook le sont un peu moins ces dernières semaines. Pour cause : elles ont été la cible d’une contre-attaque de pages Facebook influentes du Web malien, comme le Tribunal des Stars, ou Mali Jolies Dew, qui sont intervenues pour dénoncer leurs publications auprès de Facebook, et ridiculiser leurs actions jugées « d’un autre temps ».

La page LCHM Chico 223 est notamment restée indisponible pendant plusieurs semaines avant de réapparaître mercredi 13 septembre. Cependant, la plupart des vidéos où des photos incitaient ouvertement à la haine, ont été supprimées. Mais certaines sont en revanche toujours accessibles.


Dans cette vidéo, toujours disponible sur la page Facebook LCHM Chico 223 au 15 septembre en langue bambara, un individu est présenté comme un homosexuel en donnant son nom. Il affirme ensuite « que « toutes personnes qui tue un homosexuel aura droit à une récompense au paradis » puis ajoutant « Attrapez les, kidnappez et torturez les PD, Il n’y aura aucun problème là dessus ».


…et utilisent un logo volé
Autre association qui est montée au créneau : la véritable association « Lutte contre l’homosexualité au Mali » (LCHM), basée à Bamako. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, cette dernière a condamné l’utilisation de son logo « par des individus malintentionnés qui font des vidéos pour insulter, chose que nous déplorons beaucoup car contraire à nos valeurs ».

Contacté par France 24, un porte-parole de l’association explique que l’action de LCHM est « pacifique, basée sur la sensibilisation et l’incitation de l’État à prendre des mesures [contre l’homosexualité, NDLR], mais surtout pas à agir nous-mêmes ». L’association a expliqué à France 24 se réserver le droit de poursuites en justice si le phénomène venait à continuer.

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