Il n’a manqué que quatre points au candidat de l’extrême-droite, Jair Bolsonaro, pour remporter l’élection présidentielle brésilienne dès le premier tour, dimanche 7 octobre. L’entre-deux-tours de ce scrutin laisse peu de temps – trois semaines – à l’héritier de Lula et candidat officiel du Parti des travailleurs (PT), Fernando Haddad, 29 % des voix au premier tour, pour rattraper l’écart de popularité qui le sépare de Jair Bolsonaro, partisan d’une droite militaire et antiféministe, qui a réalisé une performance électorale en atteignant 46 % des votes exprimés.
Le Brésil a rarement été aussi divisé lors des élections générales, durant lesquelles les 147 millions d'électeurs ont aussi désigné les députés de la chambre basse du Congrès et renouvelé les deux tiers des 81 sièges du Sénat.
La fracture du pays se joue entre féministes et anti-racistes d’une part et défenseurs de la hiérarchie sociale d’autre part, entre démocrates et nostalgiques de la dictature militaire, entre partisans de l’utra-libéralisme de marché et ceux qui prônent le socialisme interventionniste, entre la vieille garde politique minée par la corruption et ceux qui misent sur le renouveau promis par Bolsonaro, entre zones rurales et urbaines.
Le fossé entre ces deux sociétés se perçoit géographiquement et socialement. Près des deux tiers des électeurs de Jair Bolsonaro vivent dans le sud du pays, là où se trouvent les deux plus grandes villes brésiliennes, Sao Paulo et Rio de Janeiro, et où se concentrent les Brésiliens les mieux lotis économiquement. Les zones moins développées, dans le nord-est du pays, sont restées fidèles au PT, malgré les affaires de corruption.
Cette carte illustre combien le vote Bolsonaro exprime un rejet de l’ère Lula par la classe moyenne et supérieure de la population, motivée par la peur de l’insécurité et l’envie de voir l’économie partir sur des rails ultra-capitalistes. Ce vote en faveur de l’extrême-droite ressemble au mouvement de balancier anti-Obama qui s'est produit lors de la présidentielle américaine de 2016, et rappelle l'antagonisme politique entre droite dure et gauche libérale qui se creuse, depuis lors, aux États-Unis.
Le trublion Bolsonaro
Ancien capitaine parachutiste de réserve âgé de 63 ans, Jair Bolsonaro convoque dans ses discours Dieu, la famille, les forces armées et l’anti-communisme. Il verbalise tout haut les préoccupations sociétales des catholiques et évangéliques conservateurs, en assumant son mépris des femmes - "je ne vous violerai pas car vous ne le méritez pas. Vous êtes très laide", avait-il lancé en 2014 à une députée -, ainsi que son homophobie – "je serais incapable d’aimer un fils homosexuel. Je préférerais qu’il meure dans un accident de voiture" (interview en 2011). La violence de ces petites phrases plaît à certains électeurs ou importe peu pour d’autres, quand elle attise la colère de milliers de femmes et de personnes LGBT qui ont participé à des actions et des manifestations avec pour slogan "Ele Não" ("Non, pas lui !").
Le milieu des affaires et de la finance se laisse également séduire par le programme du conseiller économique de Bolsonaro, Paulo Guedes. Cet ancien banquier promet privatisations et baisses des impôts, soit une politique ultralibérale quand le candidat Haddad mise sur l’investissement dans les services publics.
Mais si Bolsonaro a convaincu si largement, jusqu’à recueillir 46 % des suffrages au premier tour, c’est avec un discours porté sur l'insécurité. Dans un pays de 208 millions de Brésiliens où le crime a atteint l'an dernier le record de 63 880 morts, soit une moyenne de sept morts par heure, le candidat de l’extrême-droite promet d'assouplir la législation sur le contrôle des armes à feu et de permettre les exécutions extra-judiciaires.
L’attentat qui a failli lui coûter la vie en plein meeting le 6 septembre, a parfait son image de victime et renforcé son discours sur la criminalité. Une photographie publiée sur Instagram peu après l’attentat le montre en train d’imiter un revolver avec ses doigts. Ce geste est devenu sa signature, au point d’être copié par des Brésiliens se photographiant, tout sourire et avec enfants, devant ses affiches de campagne. Ses blessures l’ayant empêché de participer au grand débat politique de fin de campagne, Jair Bolsonaro a tenu son discours sur facebook et compté sur les réseaux sociaux pour concurrencer le média télévisé.
Recentrage des discours
Face à lui, Fernando Haddad, ancien ministre de l’Éducation et ancien maire de Sao Paulo, a fait une campagne très courte de quatre semaines - puisqu’il n’est entré dans la course présidentielle qu’après la confirmation par la justice de l’inéligibilité de l’ancien président Lula, son mentor. S’il tire un lourd héritage du parti des travailleurs, plombé par l’incarcération de Lula et la destitution de Dilma Rousseff, Fernando Haddad peut compter sur l’électorat historique du PT, qui rejette le discours ultralibéral de Jair Bolsonaro, attend davantage d’investissements publics dans les écoles et les hôpitaux, et aspire à voir se réduire les fortes inégalités sociales.
Fernando Haddad pourra ainsi bénéficier du report des votes disséminés au premier tour entre différents candidats de gauche. Il dit avoir d'ores et déjà discuté avec trois autres candidats pour qu'ils se rangent derrière lui dans un front de sauvegarde de la démocratie face à Jair Bolsonaro.
Espérer le report des voix de gauche ne suffira pas, le candidat Haddad doit opérer un recentrage de son discours, estime Maurício Santoro, professeur à l'université publique de Rio de Janeiro. "Haddad va devoir s'éloigner de Lula et choisir rapidement un ministre des Finances proche des marchés. Quant à Bolsonaro, il va devoir renoncer à ses discours haineux et mettre de l'ordre au sein de ses collaborateurs". Les trois semaines jusqu’au second tour peuvent réserver encore bien des surprises.
Le Brésil a rarement été aussi divisé lors des élections générales, durant lesquelles les 147 millions d'électeurs ont aussi désigné les députés de la chambre basse du Congrès et renouvelé les deux tiers des 81 sièges du Sénat.
La fracture du pays se joue entre féministes et anti-racistes d’une part et défenseurs de la hiérarchie sociale d’autre part, entre démocrates et nostalgiques de la dictature militaire, entre partisans de l’utra-libéralisme de marché et ceux qui prônent le socialisme interventionniste, entre la vieille garde politique minée par la corruption et ceux qui misent sur le renouveau promis par Bolsonaro, entre zones rurales et urbaines.
Le fossé entre ces deux sociétés se perçoit géographiquement et socialement. Près des deux tiers des électeurs de Jair Bolsonaro vivent dans le sud du pays, là où se trouvent les deux plus grandes villes brésiliennes, Sao Paulo et Rio de Janeiro, et où se concentrent les Brésiliens les mieux lotis économiquement. Les zones moins développées, dans le nord-est du pays, sont restées fidèles au PT, malgré les affaires de corruption.
Cette carte illustre combien le vote Bolsonaro exprime un rejet de l’ère Lula par la classe moyenne et supérieure de la population, motivée par la peur de l’insécurité et l’envie de voir l’économie partir sur des rails ultra-capitalistes. Ce vote en faveur de l’extrême-droite ressemble au mouvement de balancier anti-Obama qui s'est produit lors de la présidentielle américaine de 2016, et rappelle l'antagonisme politique entre droite dure et gauche libérale qui se creuse, depuis lors, aux États-Unis.
Le trublion Bolsonaro
Ancien capitaine parachutiste de réserve âgé de 63 ans, Jair Bolsonaro convoque dans ses discours Dieu, la famille, les forces armées et l’anti-communisme. Il verbalise tout haut les préoccupations sociétales des catholiques et évangéliques conservateurs, en assumant son mépris des femmes - "je ne vous violerai pas car vous ne le méritez pas. Vous êtes très laide", avait-il lancé en 2014 à une députée -, ainsi que son homophobie – "je serais incapable d’aimer un fils homosexuel. Je préférerais qu’il meure dans un accident de voiture" (interview en 2011). La violence de ces petites phrases plaît à certains électeurs ou importe peu pour d’autres, quand elle attise la colère de milliers de femmes et de personnes LGBT qui ont participé à des actions et des manifestations avec pour slogan "Ele Não" ("Non, pas lui !").
Le milieu des affaires et de la finance se laisse également séduire par le programme du conseiller économique de Bolsonaro, Paulo Guedes. Cet ancien banquier promet privatisations et baisses des impôts, soit une politique ultralibérale quand le candidat Haddad mise sur l’investissement dans les services publics.
Mais si Bolsonaro a convaincu si largement, jusqu’à recueillir 46 % des suffrages au premier tour, c’est avec un discours porté sur l'insécurité. Dans un pays de 208 millions de Brésiliens où le crime a atteint l'an dernier le record de 63 880 morts, soit une moyenne de sept morts par heure, le candidat de l’extrême-droite promet d'assouplir la législation sur le contrôle des armes à feu et de permettre les exécutions extra-judiciaires.
L’attentat qui a failli lui coûter la vie en plein meeting le 6 septembre, a parfait son image de victime et renforcé son discours sur la criminalité. Une photographie publiée sur Instagram peu après l’attentat le montre en train d’imiter un revolver avec ses doigts. Ce geste est devenu sa signature, au point d’être copié par des Brésiliens se photographiant, tout sourire et avec enfants, devant ses affiches de campagne. Ses blessures l’ayant empêché de participer au grand débat politique de fin de campagne, Jair Bolsonaro a tenu son discours sur facebook et compté sur les réseaux sociaux pour concurrencer le média télévisé.
Recentrage des discours
Face à lui, Fernando Haddad, ancien ministre de l’Éducation et ancien maire de Sao Paulo, a fait une campagne très courte de quatre semaines - puisqu’il n’est entré dans la course présidentielle qu’après la confirmation par la justice de l’inéligibilité de l’ancien président Lula, son mentor. S’il tire un lourd héritage du parti des travailleurs, plombé par l’incarcération de Lula et la destitution de Dilma Rousseff, Fernando Haddad peut compter sur l’électorat historique du PT, qui rejette le discours ultralibéral de Jair Bolsonaro, attend davantage d’investissements publics dans les écoles et les hôpitaux, et aspire à voir se réduire les fortes inégalités sociales.
Fernando Haddad pourra ainsi bénéficier du report des votes disséminés au premier tour entre différents candidats de gauche. Il dit avoir d'ores et déjà discuté avec trois autres candidats pour qu'ils se rangent derrière lui dans un front de sauvegarde de la démocratie face à Jair Bolsonaro.
Espérer le report des voix de gauche ne suffira pas, le candidat Haddad doit opérer un recentrage de son discours, estime Maurício Santoro, professeur à l'université publique de Rio de Janeiro. "Haddad va devoir s'éloigner de Lula et choisir rapidement un ministre des Finances proche des marchés. Quant à Bolsonaro, il va devoir renoncer à ses discours haineux et mettre de l'ordre au sein de ses collaborateurs". Les trois semaines jusqu’au second tour peuvent réserver encore bien des surprises.