Les élections présidentielle et législatives resteront toujours gravées dans la mémoire collective de l’histoire politique du Sénégal. Elles avaient enregistré un taux de participation de 58,77%. Le Président sortant, Abdou Diouf, était réélu avec 73,20% des suffrages exprimés, contre 25,80% pour Me Abdoulaye Wade, son principal rival. A l’Assemblée nationale, le parti socialiste (Ps) avait obtenu 103 députés contre 7 pour le Parti démocratique sénégalais (Pds). Avant la proclamation des résultats, beaucoup d’agitation et de violentes manifestions s’en sont suivies, un peu partout à Thiès et à Dakar, dans les établissements scolaires et universitaires.
A la suite de ces incidents, l’Etat avait pris des mesures. Le lundi 29 février 1988, le ministre de l’Intérieur de l époque, André Sonko, sot un communiqué interdisant les rassemblements sur la voie publique. «…Pour prévenir tout désordre, les rassemblements sur la voie publique sont interdits et des instructions très fermes ont été données en ce sens aux agents de la force publique», lisait-on dans le communiqué. Un arrêté signé le même jour ajoutait que «la circulation des personnes et des véhicules sur les voies publiques à l’intérieur de la région de Dakar est interdite de 21h à 06h du matin pendant la période d’application de l’état d’urgence».
En effet, par Décret n°88.229 du 29 février 1988, l’état d’urgence a été proclamé sur toute l’étendue du territoire de la région de Dakar.
Ces mesures ont été prises après des séries de casses et de heurts. Des voitures brûlées puis retournées, des magasins saccagés, des stations d’essence en proie aux flammes, tel était le décor du moment. Me Abdoulaye fut arrêté le 29 février 1988. Plus de 200 autres personnes, dont feu Boubacar Sall, Ousmane Ngom, Abdoulaye Faye et Joseph Ndong, ont également été interpellées par la gendarmerie.
Abdoulaye Wade, feu Boubacar Sall, Ousmane Ngom, Abdoulaye Faye et Joseph Ndong sont jugés devant la Cour de la Sûreté de l’Etat du Sénégal . Le 11 mars 1988, le verdict tombe.
Me Ousmane Ngom, Abdoulaye Faye et Joseph Ndong relaxés
Feu Boubacar Sall (ancien leader du Pds à Thiès, décédé (Ndlr)), considéré jusqu’alors comme le numéro 2 du Parti démocratique sénégalais, est condamné à 2 ans de prison ferme. Badara Camara et Assane Dia écopent de 6 mois ferme. Le principal prévenu, Me Abdoulaye Wade, est condamné à un an avec sursis. Me Ousmane Ngom, Abdoulaye Faye et Joseph Ndong, ont été relaxés…».
Il était reproché à feu Boubacar Sall d’avoir fait organiser une réunion électorale en dépit de l’interdiction des autorités administratives, d’avoir commandité une opération de jets de pierres par des enfants sur le cortège d Abdou Diouf et défié les autorités chargées du maintien de l’ordre.
Quant à Me Abdoulaye Wade, sa responsabilité pénale sur les événements de la journée du 29 février 1988 était recherchée.
Au soir de l’Aïd- El-Fitr (fête de Korité), qui a eu lieu le mardi 17 mai de la même année, le président de la République, Abdou Diouf, avait annoncé la levée de l’état d’urgence, la proposition à l’Assemblée nationale d’un projet de loi d’amnistie pour les condamnés et appelé Me Abdoulaye Wade, leader de l’opposition parlementaire d’alors, pour une concertation sur les maux affligeant le pays. Toutes ces promesses ont été effectivement tenues. D’ailleurs, le Secrétaire général du Pds, Me Wade, avait accueilli favorablement cette initiative. Ayant obtenu le feu vert du Bureau politique du Pds «pour répondre à l’appel du Chef de l’Etat en vue d’une concertation pour la recherche de solution aux problèmes économiques, politiques et sociaux graves ainsi qu’aux problèmes de la jeunesse qui hypothèquent l’avenir de notre pays», Me Wade avait rencontré Abdou Diouf dans l’après-midi du jeudi 26 mai 1988.
Me Wade, à sa sortie d’audience au palais
A sa sortie d audience au Palais, Abdoulaye Wade déclarait pour expliquer sa décision de répondre à l appel de Diouf : «Nous avons pensé aux millions de Sénégalais qui, aujourd’hui, ont le regard tourné vers nous, nous avons mesuré notre responsabilité et croyez que nous avons travaillé d’une manière très sérieuse». Avaient assisté à l’audience, le ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence de la République, Jean Collin et Me Ousmane Ngom, président du groupe parlementaire Pds à l’Assemblée nationale. Me Wade s’était engagé, à sa sortie d’audience, à l’organisation, dans 15 jours, d’une table ronde nationale à laquelle serait convoquée l’opposition.
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