« Par leurs actions violentes et spectaculaires, les terroristes montrent qu’ils détiennent le pouvoir de convertir de simples actes individuels, micropolitiques, en résultats macropolitiques ». (Josepha Laroche, Politique internationale, 2e édition, L.G.D.J, Paris, 2000)
Depuis la chute du mur Berlin et la fin de l’Union soviétique, l’humanité est traversée par une série de crises et de conflits avec l’émergence de nouveaux acteurs qui prônent une violence physique, morale et psychologique sur les populations civiles. Cette violence aveugle, parfois déterritorialisée, qu’exercent les groupes armés privés est devenue complexe, et est incarnée par une multitude de figures du djihadisme, lesquelles sous la bannière d’une idéologie radicale cherchent à imposer leur vision du monde aux Etats et à modifier en profondeur les relations internationales.
Si les attentats du 11 septembre 2001 ont montré l’apparition d’une nouvelle forme de radicalité dans la guerre contre l’Amérique et les Etats démocratiques, indépendants, libres ou qui aspirent à l’être, cette radicalité n’est ni un terrorisme ordinaire, ni un mouvement de libération nationale, ni une révolution, mais un terrorisme barbare qui cherche à faire le maximum de victimes et de dégâts au nom d’une vision erronée de la religion et de la foi.
La violence spectacle que nous observons, vivons, depuis deux décennies à travers la planète, trouve aussi ses explications dans la singularité de ce terrorisme mouvant, car il unit des acteurs criminels aux origines sociales, politiques, culturelles et nationales différentes sur une même conception de l’Islam radical et sur la haine de l’autre.
Les mouvances djihadistes, au-delà de la terreur et de l’émoi qu’elles soulèvent ici et là, s’inscrivent pleinement dans la modernité par leur nature de réseau criminel global. Elles sont capables de mobiliser les ressources humaines nécessaires, d’investir d’énormes sommes d’argent et beaucoup de temps dans la planification et la conception d’une attaque criminelle, dans la mesure où elles le font dans le but ultime d’atteindre des cibles stratégiques et symboliques, de déstabiliser l’ordre mondial, voire de s’accaparer des territoires entiers comme ce fût le cas avec Daesh dans les territoires irakiens, syriens et Al-Qaeda en Afghanistan avec le tandem Ben Laden - Mollah Omar.
Nous sommes de plain-pied dans l’ère de la stratégie du faible au fort avec de nouvelles formes de conflictualités asymétriques qui voient ces sociétés criminelles essayer de leurrer leurs adversaires afin de les frapper et de les atteindre dans leur intégrité et identité.
Le nouvel ennemi pour reprendre les mots de Donald Rumsfeld « ne combat plus à la loyale. » Aidé en cela par le développement extraordinaire des nouvelles technologies, il utilise toutes les ruses et les moyens de communication les plus sophistiqués pour arriver à ses funestes desseins.
In fine, les attaques de ces unités actives ont tendance à être plus violentes et meurtrières que celles des groupes armés laïcs, du fait des systèmes de valeurs et des concepts moraux différents, des mécanismes de justification et des visions manichéennes du monde qui influencent directement leurs jugements, motivations et actions. Ainsi, elles utilisent les textes religieux sous toutes leurs formes afin de légitimer une action de terreur, porter atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes, s’emparer de leurs biens, les kidnapper et les massacrer.
Traqués un peu partout à travers le monde, il semble aujourd’hui que l’Afrique soit devenue une cible prioritaire des mouvements djihadistes. L’invasion pendant plusieurs mois du territoire malien (avant les interventions militaires françaises et africaines) due surtout à la déliquescence du pouvoir central, incapable de faire face à un afflux massif de djihadistes venus de la Libye après la chute du régime de Momar Khadafi ; les énormes difficultés du Nigéria pour venir à bout des islamistes de Boko Haram, qui occupent plus de 20000 Km2 dans le nord-est du pays et qui se sont illustrés à maintes reprises par leur cruauté en tuant sans distinction combattants et non combattants ; l’instabilité chronique de la Somalie ; les attaques répétitives contre le Kenya par les islamistes d’Al-Shabaab ; la dangerosité du sahel, devenu un sanctuaire de multiples groupes affiliés à Al-Qaeda et la tentative de déstabilisation du Burkina Faso, qui ne cesse de subir depuis 2015 les attaques meurtrières des groupes armés, sont autant de situations extrêmement préoccupantes. La déstabilisation complète du Burkina Faso engendrera une nouvelle forme de tragédie dans toute la sous-région.
L’Afrique, vaste continent en mutation et en progrès, n’a pas d’autre choix que de continuer à traiter avec beaucoup d’autorité ces questions essentielles de sécurité pour ne pas se laisser déstabiliser davantage ou sombrer dans l’état de nature.
Face à cette complexité, les Etats africains se doivent de maintenir la vigilance sur ces groupes très mobiles, extrêmement violents et pervers, en continuant à renforcer leurs politiques de défense, lesquelles passent par la coopération, la poursuite de la modernisation de leurs forces armées, l’augmentation de leurs capacités de projection, la mise en place des unités d’élite, formées pour lutter contre le terrorisme et les prises d’otages et enfin, le développement de leurs services de renseignement.
Ces derniers représentent un des piliers de la sécurité intérieure et extérieure des Etats, mais en même temps, ils peuvent être des outils précieux pour aider les pouvoirs publics à prendre les décisions idoines qui s’imposent.
La mise en place du groupe de coopération militaire et de développement, G5 Sahel en 2014 et composé du Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad et de la Mauritanie ( soit 80 millions d’habitants qui vivent sur 5 millions de km2), pour traquer les djihadistes et coordonner certaines politiques de développement peut être un élément d’espoir dans le traitement de cette question cruciale s'il bénéficie suffisamment d'un appui financier, technique, logistique et d’une large assistance militaire de la communauté internationale.
En définitive, la question du djihadisme impose donc aux Etats à prendre les devants en continuant à former des unités spéciales destinées à la traque et à la lutte contre la terreur des bandes armées, tout en sachant que l’ennemi peut disposer d’une base géographique, comme il peut ne pas en disposer. Il se déplace en fonction des circonstances et ne dépend pas forcément d’un centre de commandement. Il est uniquement motivé par la terreur et la barbarie.
Par ailleurs, il faudra renforcer les dispositifs législatifs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme tout en continuant à traiter la question de la pauvreté, qui est une des sources de radicalisation.
Au Sénégal, depuis 2012, de réels efforts budgétaires ont été consentis par les pouvoirs publics sous l’impulsion du Président Macky SALL pour augmenter la capacité de projection de nos forces armées, mettre en place de nouvelles unités spéciales ( par exemple, le Groupe d’action rapide d'intervention et de surveillance du Sahel ) et acquérir du matériel de haute précision. Ces efforts sécuritaires sans précédent sont à encourager, car la sécurité est « le préalable de la démocratie, pas son horizon. » (M. Foessel)
Dr Souleymane S. Diallo, chercheur, chargé des élections APR France
Dialloley@yahoo.fr
Depuis la chute du mur Berlin et la fin de l’Union soviétique, l’humanité est traversée par une série de crises et de conflits avec l’émergence de nouveaux acteurs qui prônent une violence physique, morale et psychologique sur les populations civiles. Cette violence aveugle, parfois déterritorialisée, qu’exercent les groupes armés privés est devenue complexe, et est incarnée par une multitude de figures du djihadisme, lesquelles sous la bannière d’une idéologie radicale cherchent à imposer leur vision du monde aux Etats et à modifier en profondeur les relations internationales.
Si les attentats du 11 septembre 2001 ont montré l’apparition d’une nouvelle forme de radicalité dans la guerre contre l’Amérique et les Etats démocratiques, indépendants, libres ou qui aspirent à l’être, cette radicalité n’est ni un terrorisme ordinaire, ni un mouvement de libération nationale, ni une révolution, mais un terrorisme barbare qui cherche à faire le maximum de victimes et de dégâts au nom d’une vision erronée de la religion et de la foi.
La violence spectacle que nous observons, vivons, depuis deux décennies à travers la planète, trouve aussi ses explications dans la singularité de ce terrorisme mouvant, car il unit des acteurs criminels aux origines sociales, politiques, culturelles et nationales différentes sur une même conception de l’Islam radical et sur la haine de l’autre.
Les mouvances djihadistes, au-delà de la terreur et de l’émoi qu’elles soulèvent ici et là, s’inscrivent pleinement dans la modernité par leur nature de réseau criminel global. Elles sont capables de mobiliser les ressources humaines nécessaires, d’investir d’énormes sommes d’argent et beaucoup de temps dans la planification et la conception d’une attaque criminelle, dans la mesure où elles le font dans le but ultime d’atteindre des cibles stratégiques et symboliques, de déstabiliser l’ordre mondial, voire de s’accaparer des territoires entiers comme ce fût le cas avec Daesh dans les territoires irakiens, syriens et Al-Qaeda en Afghanistan avec le tandem Ben Laden - Mollah Omar.
Nous sommes de plain-pied dans l’ère de la stratégie du faible au fort avec de nouvelles formes de conflictualités asymétriques qui voient ces sociétés criminelles essayer de leurrer leurs adversaires afin de les frapper et de les atteindre dans leur intégrité et identité.
Le nouvel ennemi pour reprendre les mots de Donald Rumsfeld « ne combat plus à la loyale. » Aidé en cela par le développement extraordinaire des nouvelles technologies, il utilise toutes les ruses et les moyens de communication les plus sophistiqués pour arriver à ses funestes desseins.
In fine, les attaques de ces unités actives ont tendance à être plus violentes et meurtrières que celles des groupes armés laïcs, du fait des systèmes de valeurs et des concepts moraux différents, des mécanismes de justification et des visions manichéennes du monde qui influencent directement leurs jugements, motivations et actions. Ainsi, elles utilisent les textes religieux sous toutes leurs formes afin de légitimer une action de terreur, porter atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes, s’emparer de leurs biens, les kidnapper et les massacrer.
Traqués un peu partout à travers le monde, il semble aujourd’hui que l’Afrique soit devenue une cible prioritaire des mouvements djihadistes. L’invasion pendant plusieurs mois du territoire malien (avant les interventions militaires françaises et africaines) due surtout à la déliquescence du pouvoir central, incapable de faire face à un afflux massif de djihadistes venus de la Libye après la chute du régime de Momar Khadafi ; les énormes difficultés du Nigéria pour venir à bout des islamistes de Boko Haram, qui occupent plus de 20000 Km2 dans le nord-est du pays et qui se sont illustrés à maintes reprises par leur cruauté en tuant sans distinction combattants et non combattants ; l’instabilité chronique de la Somalie ; les attaques répétitives contre le Kenya par les islamistes d’Al-Shabaab ; la dangerosité du sahel, devenu un sanctuaire de multiples groupes affiliés à Al-Qaeda et la tentative de déstabilisation du Burkina Faso, qui ne cesse de subir depuis 2015 les attaques meurtrières des groupes armés, sont autant de situations extrêmement préoccupantes. La déstabilisation complète du Burkina Faso engendrera une nouvelle forme de tragédie dans toute la sous-région.
L’Afrique, vaste continent en mutation et en progrès, n’a pas d’autre choix que de continuer à traiter avec beaucoup d’autorité ces questions essentielles de sécurité pour ne pas se laisser déstabiliser davantage ou sombrer dans l’état de nature.
Face à cette complexité, les Etats africains se doivent de maintenir la vigilance sur ces groupes très mobiles, extrêmement violents et pervers, en continuant à renforcer leurs politiques de défense, lesquelles passent par la coopération, la poursuite de la modernisation de leurs forces armées, l’augmentation de leurs capacités de projection, la mise en place des unités d’élite, formées pour lutter contre le terrorisme et les prises d’otages et enfin, le développement de leurs services de renseignement.
Ces derniers représentent un des piliers de la sécurité intérieure et extérieure des Etats, mais en même temps, ils peuvent être des outils précieux pour aider les pouvoirs publics à prendre les décisions idoines qui s’imposent.
La mise en place du groupe de coopération militaire et de développement, G5 Sahel en 2014 et composé du Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad et de la Mauritanie ( soit 80 millions d’habitants qui vivent sur 5 millions de km2), pour traquer les djihadistes et coordonner certaines politiques de développement peut être un élément d’espoir dans le traitement de cette question cruciale s'il bénéficie suffisamment d'un appui financier, technique, logistique et d’une large assistance militaire de la communauté internationale.
En définitive, la question du djihadisme impose donc aux Etats à prendre les devants en continuant à former des unités spéciales destinées à la traque et à la lutte contre la terreur des bandes armées, tout en sachant que l’ennemi peut disposer d’une base géographique, comme il peut ne pas en disposer. Il se déplace en fonction des circonstances et ne dépend pas forcément d’un centre de commandement. Il est uniquement motivé par la terreur et la barbarie.
Par ailleurs, il faudra renforcer les dispositifs législatifs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme tout en continuant à traiter la question de la pauvreté, qui est une des sources de radicalisation.
Au Sénégal, depuis 2012, de réels efforts budgétaires ont été consentis par les pouvoirs publics sous l’impulsion du Président Macky SALL pour augmenter la capacité de projection de nos forces armées, mettre en place de nouvelles unités spéciales ( par exemple, le Groupe d’action rapide d'intervention et de surveillance du Sahel ) et acquérir du matériel de haute précision. Ces efforts sécuritaires sans précédent sont à encourager, car la sécurité est « le préalable de la démocratie, pas son horizon. » (M. Foessel)
Dr Souleymane S. Diallo, chercheur, chargé des élections APR France
Dialloley@yahoo.fr