Michel Rocard pensait plus et plus vite que tout le monde. C’est peut-être pour cela qu’il avait ce débit de paroles si particulier, comme si les mots ne pouvaient qu’entraver le cours fulgurant de sa pensée. Socialiste de toujours, mais à sa façon, c’est-à-dire très critique vis-à-vis du mitterrandisme et surtout adepte du « parler-vrai ».
Le rocardisme sera une pépinière si large que Manuel Valls (ex-attaché parlementaire de Rocard et qui aujourd’hui est conseillé par son fils Loïc), autant que Benoît Hamon, s’en réclament. Jean-Marc Ayrault, Michel Sapin, Emmanuel Macron un proche qui a invité Rocard à son mariage, ou Marisol Touraine sont également des héritiers politiques.
Du PSU au PS
Cofondateur en 1960 du Parti socialiste unifié (PSU), une formation que Rocard* lui-même appelait « une drôle de maison où se retrouveront les meilleurs dissidents de gauche de toute obédience ». Cette « deuxième gauche » politique se rassemble essentiellement autour de l’opposition à la guerre d’Algérie et dans le choix de l’autogestion comme modèle économique.
Michel Rocard se présente à l’élection présidentielle de 1969 où il défend « un pouvoir de transition vers le socialisme » ; il obtient 3,61 % des suffrages exprimés. En octobre, il rafle à Maurice Couve de Murville, Premier ministre sortant, son siège de député des Yvelines. Les Français découvrent alors ce jeune homme politique et le placent en tête des personnalités de gauche qu’ils préfèrent. Il n’a que 39 ans et durant plus de soixante ans il surplombera l’arène politique française.
Ralliés au Parti socialiste en 1974, Michel Rocard et son courant des Assises (rocardiens) représentent 15 % des militants du parti en 1975. Mais avec un PS dominé de la tête et des épaules par François Mitterrand, Rocard doit déployer tout son talent pour exister. Il s’oppose au Programme commun et plaide pour une association des réformistes. Mitterrand se méfie terriblement de lui, il sait mieux que personne à quel point l’ambition est une force puissante. Il lui coupe la route de la présidentielle en 1981 alors que Rocard totalise 54 % d’opinions favorables et Mitterrand 37 %, et le lamine en 1988.
La haine au sommet
Sa nomination comme Premier ministre en 1988 (après avoir été ministre de 1981 à 1985), n’enlève rien à l’acrimonie qui règne entre les deux hommes. Cette haine, diront même leurs anciens collaborateurs, est perceptible par tous. Rocard ne rate pas une occasion de souligner l’« archaïsme » de Mitterrand quand ce dernier appuie sur l’« inconsistance » de son nouveau Premier ministre qu’il a cependant nommé puisque « les Français semblent en vouloir », confie-t-il à un visiteur du soir.
Les années n'ont pas apaisé le ressentiment de Michel Rocard envers Mitterrand. Interrogé par l'Obs en avril 2016 qui lui demande si François Hollande n'est pas le meilleur élève de François Mitterrand, l'ex-Premier ministre répond : « La différence avec Mitterrand, c'est que François Hollande est un honnête homme, ce que caractériellement Mitterrand n'était pas »...
Entre 1988 et 1991, sans majorité absolue au Parlement, Michel Rocard aura recours 28 fois à l’article 49-3 établissant ainsi un record pour la Ve République. On lui doit le Revenu minimum d’insertion (RMI), une innovation qu’il comparaît à celle de la Sécurité sociale. Épisode rare, le texte instituant le RMI fut voté à l’unanimité (moins 3 voix). C’est à Michel Rocard qu’on doit aussi les Accords de Matignon qui ont conduit à la pacification de la Nouvelle-Calédonie. Si on ne devait retenir qu’une action de son passage à Matignon disait-il, ce serait celle-là qui lui valut d’ailleurs les attaques les plus virulentes de l'opposition.
La tête du PS comme un piège
Né à Courbevoie, tout près de Paris le 23 août 1930, Michel Rocard aurait dû suivre les traces de son père, Yves Rocard, éminent physicien qui rêvait pour son fils de Polytechnique ou de Normale Sup. Mais à 17 ans le jeune Michel sait que les sciences, les maths, ce n’est pas pour lui ; il s’inscrit donc en catimini à Sciences-Po. Son père le traite d’imbécile et lui coupe les vivres. Il faudra attendre un quart de siècle pour que le père et le fils se réconcilient.
Après l’École nationale d’administration (ENA), Michel Rocard est nommé inspecteur des Finances, la voie royale pour une belle carrière dans la haute fonction publique ou la… politique. Son choix est fait, très vite dans le sillage de Pierre Mendès France, il fait ses classes de militant pro-européen, social-démocrate et s’impose au plan national. Au plan local, il s’ancre à Conflans-Sainte-Honorine dont il sera le maire de 1977 à 1994. Il siègera ensuite au Parlement européen (1994-2009) et au Sénat (1995-1997).
En 1991, le président Mitterrand demande à Michel Rocard de démissionner. Ce passionné d’échecs ne voit rien venir quand le même président le place à la tête du Parti socialiste en 1993. Les élections européennes de 1994 sont un échec pour le PS. Rocard doit quitter la tête du parti en pleine débâcle. Mitterrand a gagné. Amer peut-être, mais certainement lucide, Michel Rocard dira plus tard qu’« avoir accepté le poste de premier secrétaire est la faute de sa carrière ».
La misère du monde
On reprochera à Michel Rocard ou on s’en réclamera, selon le côté où on se place à propos de l’immigration, ses paroles : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde ». Des paroles tronquées a affirmé plus tard son auteur selon lequel il aurait dit : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part ». Version courte ou version longue, entre 1989 et 2009 les déclarations varient…
Le rocardisme sera une pépinière si large que Manuel Valls (ex-attaché parlementaire de Rocard et qui aujourd’hui est conseillé par son fils Loïc), autant que Benoît Hamon, s’en réclament. Jean-Marc Ayrault, Michel Sapin, Emmanuel Macron un proche qui a invité Rocard à son mariage, ou Marisol Touraine sont également des héritiers politiques.
Du PSU au PS
Cofondateur en 1960 du Parti socialiste unifié (PSU), une formation que Rocard* lui-même appelait « une drôle de maison où se retrouveront les meilleurs dissidents de gauche de toute obédience ». Cette « deuxième gauche » politique se rassemble essentiellement autour de l’opposition à la guerre d’Algérie et dans le choix de l’autogestion comme modèle économique.
Michel Rocard se présente à l’élection présidentielle de 1969 où il défend « un pouvoir de transition vers le socialisme » ; il obtient 3,61 % des suffrages exprimés. En octobre, il rafle à Maurice Couve de Murville, Premier ministre sortant, son siège de député des Yvelines. Les Français découvrent alors ce jeune homme politique et le placent en tête des personnalités de gauche qu’ils préfèrent. Il n’a que 39 ans et durant plus de soixante ans il surplombera l’arène politique française.
Ralliés au Parti socialiste en 1974, Michel Rocard et son courant des Assises (rocardiens) représentent 15 % des militants du parti en 1975. Mais avec un PS dominé de la tête et des épaules par François Mitterrand, Rocard doit déployer tout son talent pour exister. Il s’oppose au Programme commun et plaide pour une association des réformistes. Mitterrand se méfie terriblement de lui, il sait mieux que personne à quel point l’ambition est une force puissante. Il lui coupe la route de la présidentielle en 1981 alors que Rocard totalise 54 % d’opinions favorables et Mitterrand 37 %, et le lamine en 1988.
La haine au sommet
Sa nomination comme Premier ministre en 1988 (après avoir été ministre de 1981 à 1985), n’enlève rien à l’acrimonie qui règne entre les deux hommes. Cette haine, diront même leurs anciens collaborateurs, est perceptible par tous. Rocard ne rate pas une occasion de souligner l’« archaïsme » de Mitterrand quand ce dernier appuie sur l’« inconsistance » de son nouveau Premier ministre qu’il a cependant nommé puisque « les Français semblent en vouloir », confie-t-il à un visiteur du soir.
Les années n'ont pas apaisé le ressentiment de Michel Rocard envers Mitterrand. Interrogé par l'Obs en avril 2016 qui lui demande si François Hollande n'est pas le meilleur élève de François Mitterrand, l'ex-Premier ministre répond : « La différence avec Mitterrand, c'est que François Hollande est un honnête homme, ce que caractériellement Mitterrand n'était pas »...
Entre 1988 et 1991, sans majorité absolue au Parlement, Michel Rocard aura recours 28 fois à l’article 49-3 établissant ainsi un record pour la Ve République. On lui doit le Revenu minimum d’insertion (RMI), une innovation qu’il comparaît à celle de la Sécurité sociale. Épisode rare, le texte instituant le RMI fut voté à l’unanimité (moins 3 voix). C’est à Michel Rocard qu’on doit aussi les Accords de Matignon qui ont conduit à la pacification de la Nouvelle-Calédonie. Si on ne devait retenir qu’une action de son passage à Matignon disait-il, ce serait celle-là qui lui valut d’ailleurs les attaques les plus virulentes de l'opposition.
La tête du PS comme un piège
Né à Courbevoie, tout près de Paris le 23 août 1930, Michel Rocard aurait dû suivre les traces de son père, Yves Rocard, éminent physicien qui rêvait pour son fils de Polytechnique ou de Normale Sup. Mais à 17 ans le jeune Michel sait que les sciences, les maths, ce n’est pas pour lui ; il s’inscrit donc en catimini à Sciences-Po. Son père le traite d’imbécile et lui coupe les vivres. Il faudra attendre un quart de siècle pour que le père et le fils se réconcilient.
Après l’École nationale d’administration (ENA), Michel Rocard est nommé inspecteur des Finances, la voie royale pour une belle carrière dans la haute fonction publique ou la… politique. Son choix est fait, très vite dans le sillage de Pierre Mendès France, il fait ses classes de militant pro-européen, social-démocrate et s’impose au plan national. Au plan local, il s’ancre à Conflans-Sainte-Honorine dont il sera le maire de 1977 à 1994. Il siègera ensuite au Parlement européen (1994-2009) et au Sénat (1995-1997).
En 1991, le président Mitterrand demande à Michel Rocard de démissionner. Ce passionné d’échecs ne voit rien venir quand le même président le place à la tête du Parti socialiste en 1993. Les élections européennes de 1994 sont un échec pour le PS. Rocard doit quitter la tête du parti en pleine débâcle. Mitterrand a gagné. Amer peut-être, mais certainement lucide, Michel Rocard dira plus tard qu’« avoir accepté le poste de premier secrétaire est la faute de sa carrière ».
La misère du monde
On reprochera à Michel Rocard ou on s’en réclamera, selon le côté où on se place à propos de l’immigration, ses paroles : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde ». Des paroles tronquées a affirmé plus tard son auteur selon lequel il aurait dit : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part ». Version courte ou version longue, entre 1989 et 2009 les déclarations varient…