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Justice : les 10 commandements de Macky SALL (Contribution)

Rédigé par Dakarposte le Mardi 13 Décembre 2016 à 20:32 modifié le Mardi 13 Décembre 2016 - 20:34

Justice : les 10 commandements de Macky SALL (Contribution)
Le triptyque pouvoir Exécutif, pouvoir Législatif, pouvoir Judiciaire est l’ossature même de la République et de l’Etat de droit. En principe, il n’y a pas de relations hiérarchiques, ni de prééminence, encore même de préséance entre les trois pouvoirs.

 En réalité, il ne fait aucun doute, au Sénégal, que le pouvoir Législatif est totalement inféodé au pouvoir Exécutif. Toutes proportions gardées, le pouvoir judiciaire est aux ordres de la chancellerie, elle-même dépendante de l’Exécutif. Une tutelle qui gère la carrière de ces fonctionnaires de l’Etat placés sous son autorité, avec tout ce que cela comporte comme pouvoir d’influence. A quelques exemples près, dont l’ex-procureur Ousmane Diagne, «exécuté» et dont le seul «tort» a été de refuser d’être un béni oui-oui à la solde de l’Exécutif, l’ex-président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums), Abdoul Aziz Seck, son successeur et actuel patron de la structure, Magatte Diop, ainsi que bon nombre de leurs collègues, qui sont des hommes d’honneur, qui ne reconnaissent au-dessus d’eux aucune autorité autre que la loi, beaucoup de magistrats sont aux ordres. 

Avec l’existence décriée d’un ministère de la justice qui ôte toute velléité d’indépendance de juges devant rendre la justice au nom du peuple sénégalais, et non soumis à des décisions sous forte influence du pouvoir en place, il est illusoire de prétendre à une justice indépendante. Avec des immixtions intempestives de l’Exécutif, et notamment du chef de l’Etat, c’est l’équilibre entre les trois pouvoirs, et en particulier entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judicaire, qui est rompu. Ne dit-on pas que quand la politique rentre dans le prétoire par la porte, le droit en sort  par la fenêtre. De la flopée d’injonctions émanant du chef de l’Etat, le président Macky Sall, au demeurant peu soucieux du principe de la séparation des pouvoirs, et qui se déclinent en commandements exécutables, on peut en dénombrer une bonne dizaine à l’effet d’étayer à suffisance la thèse de « justice des vainqueurs » qui prévaut au Sénégal depuis l’avènement du régime dit de la deuxième alternance.

1er commandement : Liberté provisoire pour Barthélémy Dias

A la faveur de son accession à la magistrature suprême, le 25 mars 2012, avec une candidature portée par une coalition Benno Bokk Yaakaar où figure en bonne place le Parti socialiste de Ousmane Tanor Dieng alors patron incontesté de Barthélémy Dias, le président Macky Sall, nouvellement élu, n’a pas mis beaucoup de temps pour instruire le parquet dans le sens de la délivrance d’une ordonnance de mise en liberté provisoire délivrée le 22 mai 2012 au maire de la commune Mermoz Sacré-Cœur qui avait pourtant revendiqué publiquement, et devant les caméras de télévision, le meurtre de Ndiaga Diouf, avait suggéré aux futurs enquêteurs d’aller vérifier l’information en visitant les morgues des hôpitaux et, dans la foulée, avait présenté ses condoléances à la famille de sa victime, en direct et face aux micros et caméras des journalistes.

2ème commandement : Liberté provisoire pour Cheikh Béthio Thioune

Au lendemain de la défaite du président Abdoulaye Wade dont il était l’un des plus tonitruants soutiens au second tour de l’élection présidentielle de 2012, Cheikh Béthio Thioune a été placé sous mandat de dépôt depuis le 26 avril 2012 pour complicité d’homicide volontaire, détention d’arme sans autorisation administrative, recel de cadavre, inhumation sans autorisation et association de malfaiteurs dans le cadre du double meurtre des Thiantakounes Bara Sow et Ababacar Diagne. Etait-ce une condition ou une clause non-écrite pour sa mise en liberté provisoire survenue le 4 février 2013 ? Toujours est-il qu’à sa sortie de prison, l’ancien souteneur impénitent du président Abdoulaye Wade est devenu un défenseur acharné du président Macky Sall. Même les interdictions de «thiant» qui étaient assorties de sa condamnation à…sont levées de façon tacite car ces cérémonials ont repris de plus belle.

3ème commandement : Grâce pour Karim Wade

Après 3 années éprouvantes au cours desquelles le détenu encombrant et surnommé « le prisonnier le plus célèbre de toute l’histoire du Sénégal », aura été une patate chaude entre ses mains, le président Macky Sall a gracié Karim Wade, par décret n°2016-880 du 24 juin 2016, et a fait organiser, dans le secret le plus total, son exfiltration de la prison de Rebeuss, à travers un scénario digne d’un film de série B, avec réception dans sa cellule d’une machine pour la confection, séance tenante, d’un passeport diplomatique, exfiltration nocturne, bref détour au domicile de Me Madické Niang afin que «le colis» puisse recevoir les prières express de son marabout venu directement de Touba pour la circonstance, transfert à l’aéroport où l’attendait, moteurs en marche et prêt à décoller, un jet privé affrété spécialement par le Qatar et dont le procureur en personne (équivalent de ministre de la justice) piaffait d’impatience à bord de l’aéronef.

4ème commandement : Les désirs de la Première dame sont des ordres

Lapsus ou pas, les révélations fracassantes du député Apr Seydina Fall Bougazzelli, lors du vote du budget du ministère de la Justice, le 5 décembre 2016, nous laissent interdits. Le fait que son ami, arrêté pour chanvre indien puis interné à la prison de Rebeuss où il a été atteint par balles lors de la mutinerie du 20 septembre 2016, ait pu obtenir une liberté provisoire grâce à l’intervention de la Première dame, vient confirmer et conforter la thèse des immixtions intempestives de la famille présidentielle, et notamment de l’épouse du président de la république, Marème Faye Sall, dans les affaires de l’Etat. Pour rappel, le ministre Mbagnick Ndiaye avait avoué que les ministres Matar Bâ et lui-même, mais aussi d’autres veinards, doivent leurs nomination à l’épouse du chef de l’Etat.

5ème commandement : Avec une majorité qualifiée, l’Assemblée nationale est dans la poche

Fort de sa majorité mécanique au Parlement avec des députés Godillot qui réagissent «comme du bétail», selon les commentaires d’un journal de la place, le président Macky Sall a fait passer, dans la nuit du 5 au 6 décembre 2016, les doigts dans le nez, ou comme lettre à la poste, et sans coup férir, son projet de loi sur la réforme du statut des magistrats qui ne devrait bénéficier qu’à 18 bienheureux d’entre eux sur les quelques 500 membres que compte la corporation. Adopté au-delà de zéro heure, ce projet de loi peut bien être baptisé «la loi de minuit». Le même coup de force a été perpétré lors du vote de la loi scélérate, le 5 juin 2015, sur la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ainsi, le mandat du Président de l’Assemblée nationale est passé d’un à cinq ans. Et désormais il faut un dixième des députés (soit 15 députés) pour former un groupe parlementaire. Aussi, tout député qui quitte son groupe parlementaire ne peut pas en intégrer un autre.

6ème commandement : L’arme fatale du délit d’offense au chef de l’Etat

Considéré comme une loi antidémocratique qui fait obstruction à la libre expression des citoyens sénégalais, l’article 80 du Code pénal sénégalais résiste encore au temps. Il s’agit d’un «outil» considéré comme une disposition liberticide toujours dirigée vers l’opposition, quel que soit le pouvoir en place, pour toujours lui opposer «l’offense au chef de l’Etat» à la moindre rebuffade. L’article 254 (loi n° 77-87 P.M. –S.G.G.-S.L. du 10 août 1977) du Code pénal sénégalais définit «l’offense au président de la République» par l’un des moyens énoncés dans l’article 248.Transposition dans le droit républicain du crime de lèse-majesté d’ancien régime, en France, le délit d’offense au chef de l’Etat est aujourd’hui très controversé de par le monde. D’aucuns vont même jusqu’à demander tout simplement son abrogation à cause de «son caractère exorbitant, disproportionné, propice à l’arbitraire et potentiellement attentatoire à la liberté d’expression et d’opinion». Mais, le président Macky Sall n’en a cure et maintient à l’Etat ces lois qui lui permettent d’attaquer librement ses adversaires politiques en sa qualité de chef de l’Apr, pour enlever aussitôt cette casquette lorsque ces derniers répliquent, pour revêtir le manteau de chef de l’Etat et de les accuser d’offense au chef de l’Etat.

7ème commandement : «La loi c’est moi !»

Un pouvoir toujours enclin à tordre le bras aux juges, à infléchir les décisions de justice ou à faire administrer une justice à deux vitesses, n’est pas de nature à favoriser l’Etat de droit. Sinon, comment comprendre les injonctions faites par la chancellerie au parquet général pour s’opposer systématiquement aux ordonnances de mise en liberté provisoire accordée à des opposants à chaque fois que le doyen des juges ou la chambre d’accusation  y est favorable ?

L’on se rappelle en mars 2014 que, pour avoir été l’auteur de coups de feu sur ses adversaires politiques dans la commune de Ogo (région de Matam), Farba Ngom, député, mais surtout griot attitré et intouchable du Président Macky Sall, avait refusé de déférer à une convocation de la police de Matam requise par le procureur de la République. En toute impunité.

En revanche, l’imam ratib de Kolda, Ibrahima Sèye, attrait à la barre dans une affaire d’apologie du terrorisme, d’incitation à la désobéissance militaire et d’intolérance religieuse, a été condamné à un an, par le tribunal de grande instance de Kolda. Le Président Macky Sall avait jugé sa peine trop clémente. Le Parquet avait saisi la balle au bond pour faire appel de la condamnation en première instance. Rejugé le 18 octobre 2016,  par la deuxième Chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Dakar, l’imam Ibrahima Sèye a vu sa peine corsée et portée à deux ans, conformément à la volonté du président Macky Sal.

8ème commandement : La Cour suprême doit être aux ordres du chef de l’Etat

Le mercredi 23 septembre 2015, la Cour suprême a rendu, son verdict pour casser l’arrêté n°3816 du 24 juillet 2014 signé par le ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam, et portant annulation d’admission de 690 élèves-maîtres au concours de recrutement aux Centres régionaux de formation des personnels de l’éducation pour fraude. Contre toute attente, le président Macky Sall, a apporté son soutien à son ministre de l’Education, dans une déclaration à Tivaouane, le 11 décembre 2015, à l’occasion de l’inauguration des infrastructures du Projet d’amélioration de la qualité et de l’équité de l’éducation de base (Paqeeb). Après cette défiance ouverte du pouvoir judiciaire à travers l’une de ses plus illustres institutions qu’est la Cour Suprême, le pouvoir législatif est entré dans la danse avec les députés de la majorité Benno Bokk Yaakaar qui ont voté de façon mécanique, comme d’habitude, une résolution de soutien au ministre Serigne Mbaye Thiam. Il n’en fallait pas plus pour que le Grand cadre des syndicats d’enseignants dénonce «l’apologie de la désobéissance institutionnelle». Avec le vote du projet de loi organique portant statut des magistrats, le président Macky Sall, a voulu que le premier président de la Cour Suprême et le procureur général près ladite Cour soient totalement acquis à sa cause, quitte à leur graisser la patte en leur appliquant une rallonge pour ne prendre finalement leur retraite qu’à 68 ans. Devant le tollé général provoqué par cette mesure discriminatoire car ne bénéficiant exclusivement qu’à 18 d’entre eux parmi les quelques 500 magistrats en poste, le chef de l’Etat a élargi la disposition aux présidents de Chambre de ladite Cour et les premiers présidents des Cours d’Appel et procureurs généraux près lesdites Cours.

9ème commandement : «Je nomme qui je veux, peu importe son casier judiciaire»

De tous les rapports d’audit 2008 commandités par l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), celui du ministère de la Femme et de la Famille dirigé alors par Awa Ndiaye avait le plus défrayé la chronique avec les achats de cuillères, carafes, tapis de prière, etc. D’autres marchés avaient été mis en cause par l’audit qui porte la signature du cabinet Mamina Camara. L’audit transmis au Parquet et qui visait la gestion d’Awa Ndiaye, avait épinglé des présomptions de surfacturation avec une clé USB à 97 500 F CFA, un tapis de prière à 15 850 F CFA, une cuisinière grand modèle à 2 115 000 F CFA, un ordinateur à 1 695 000 F CFA, une imprimante à 845 000 F CFA, des sacs de luxe en cuir à 245.000 F Cfa, des cuillères grand modèle à 37 500 F CFA, des couteaux grand modèle à 42 000 F CFA et des carafes grand modèle à 47 100 F CFA, etc. Après avoir transhumé à l’Apr, Awa Ndiaye, ex-égérie de «la Génération du Concret» de Karim Wade a été nommée par le président Macky Sall à la tête de la présidence de la Commission de protection des données personnelles (Cdp).

El Hadji Seck Ndiaye Wade, ex-directeur national des Transports routiers, responsable Apr dans le département de Mbour, était sous le coup d’une inculpation prononcée à son encontre par le juge d’instruction du 1er cabinet sis au tribunal de grande instance de Louga, dans une affaire de corruption et de trafic de documents au Service des mines. Il avait été aussitôt placé sous mandat de dépôt puis écroué à la prison centrale de Louga en mars 2016. Extrait de sa cellule, El Hadji Seck Ndiaye Wade a été nommé en juillet 2016 président du conseil d’administration du Fonds d’entretien routier autonome du Sénégal (FERA) par décret présidentiel n°2016-985 du 13 juillet 2016, signé par le président Macky Sall.

10ème commandement : Président du Conseil supérieur de la magistrature, j’y suis j’y reste

En juillet 2016, dans un communiqué rendu public et réaffirmant son vœu d’aller vers le renforcement de l’indépendance de la justice, le Bureau exécutif de l’Union des magistrats sénégalais (Ums), dirigé par Magatte Diop, a récusé le président Macky Sall qu’il ne veut plus voir présider le Conseil supérieur de la magistrature, tout comme le ministre de la justice qui en est le vice-président. Pour les magistrats sénégalais, «le renforcement de l’indépendance de la justice passe nécessairement par cette mutation». Auparavant, en août 2014, au cours de son Assemblée générale annuelle, l’Ums, alors dirigée par Abdou Aziz Seck avait de listé les maux dont souffre le pouvoir judiciaire. S’adressant directement au ministre de la Justice, Me Sikidi Kaba, les magistrats se lui ont signifié qu’«au cours des derniers mois, le ministère de la Justice a procédé à la libération conditionnelle de plusieurs détenus, parmi lesquels des individus bénéficiant d’une certaine notoriété et impliqués dans des affaires qui ont défrayé la chronique, dont la libération a suscité moult commentaires». Avant de trancher : «Même s’il est admis que tout condamné peut bénéficier de la libération conditionnelle et que cette mesure peut contribuer à désengorger nos prisons surpeuplées, les magistrats appellent au respect scrupuleux des règles de procédure applicables en la matière».

Enfin, les magistrats n’ont pas compris «l’empressement avec lequel la Chancellerie, qui ne recueille  pas toujours l’avis de la commission pénitentiaire de l’aménagement des peines, [et qui] a agi en toute illégalité en libérant ainsi des personnes ne remplissant pas les conditions légales ou d’autres jugées dangereuses par les organes compétents».

Interrogé au lendemain de la publication des propositions de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), l’ex-président de l’Union des magistrats sénégalais, Abdou Aziz Seck, disait ceci : «L’Ums a toujours revendiqué une réforme du système judiciaire intégrant la suppression des liens de subordination avec le pouvoir exécutif et une gestion transparente de la carrière des magistrats fondée sur le mérite, la compétence et la probité, exige du gouvernement l’adoption, dans les plus brefs délais, de ces projets de textes».

Il est encore bien loin, le jour où, au Sénégal, l’autorité judiciaire finira par briser les chaines de l’asservissement et se défaire du joug de l’Exécutif, une situation dont elle est en partie responsable en refusant de prendre son indépendance. Il est loisible de rappeler, à cet égard, cette anecdote du président Abdoulaye Wade qui racontait l’histoire, devant les magistrats, de cet esclave qui venait d’être affranchi par son maître et qui, après avoir fait 200 mètres, est revenu sur ses pas pour lui dire : «Maître, je ne sais pas où aller».

 

Par Pape SAMB

papeaasamb@gmail.com

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