Jean Paul Dias déborde de colère après la condamnation de son fils, Barthélemy Dias, à deux ans de prison dont six mois ferme en sus d’une amende de 25 millions à payer à la famille de Ndiaga Diouf. Dans cet entretien avec EnQuête, il charge son allié de l’Alliance pour la République (APR) avant d’aborder d’autres questions liées à la crise gambienne, à l’échec du Sénégal à l’élection de la présidence de la commission de l’Union africaine ainsi que les échéances électorales à venir.
Votre fils Barthélémy Dias a été reconnu coupable du meurtre de Ndiaga Diouf survenu en décembre 2011. D’où sa condamnation à deux ans de prison dont six mois ferme en plus d’une amende de 25 millions. Comment appréciez-vous ce verdict ?
Je commence par l’amende. C’est ici, à cet endroit (chez lui) que Macky Sall en personne, avait déclaré urbi et orbi devant le monde entier, que c’était l’Etat du Sénégal qui était responsable de cette affaire, que Barthélémy n’avait rien fait, qu’il fallait le libérer et qu’il fallait poursuivre les commanditaires. Donc les 25 millions, Macky Sall n’a qu’à les payer, puisqu’aujourd’hui, c’est lui qui personnifie l’Etat. Dans le verdict, il y avait à peu près une dizaine de nervis sur cent assaillants que le substitut du procureur a préféré appeler des visiteurs ; si on voulait se moquer de la tête des gens, on n’utiliserait pas un autre terme. Des nervis qui sont des mercenaires comme le disait à l’époque Macky Sall, des gens envoyés pour aller tuer. Parmi eux, quatre ont été relaxés sous prétexte qu’ils étaient en vacances. Sur ces quatre qui ont été relaxés, trois ont fait l’objet de mandat d’arrêt. Cela veut dire qu’ils ne se sont pas présentés et se sont moqués du tribunal qui a décidé qu’il fallait les relaxer. Les six autres nervis ont eu deux ans avec sursis. Pendant ce temps, on condamne Barthélémy. Mais je vous dis que ce verdict est une insulte à l’intelligence des Sénégalais. Je ne parle pas du Parquet qui fait ce que Sidiki Kaba lui demande de faire.
Vous avez décidé d’interjeter appel au même titre que le Parquet qui pense…
(Il coupe). Le procureur ne pense rien du tout. Il est dans son cinéma. Depuis quand vous avez vu le Procureur interjeter appel et faire un communiqué qui passe en prime time dans les télévisions ? Donnez-moi un procès !
Est-ce que ce n’est pas risqué pour vous d’interjeter appel ?
Pourquoi ? Puisqu’on est sûr de notre bon droit. Ce que vous ne savez pas, c’est que en général, en correctionnel, les avocats plaident, c’est de l’oral. Et les juges prennent des notes. De temps en temps ils dorment un peu. Mais nos avocats ont confectionné un dossier béton qu’on leur a donné avec tous les éléments techniques. Qu’en ont-ils fait ? Selon nos informations, le tribunal s’acheminait vers la relaxe et que ce sont des pressions venant de partout, y compris de la Présidence, qui les ont amenés à botter en touche. Et c’est irresponsable. On n’a pas peur du tout. Nos avocats, certains sont absents du pays. Mais nous avons été les premiers à vouloir interjeter appel. Nous continuerons le combat. Mais cette fois-ci, à la différence des autres fois où à la demande de ma famille, j’avais observé beaucoup de retenue, de recul, de réserve, je ne le referai plus. Je me battrai auprès de mon fils ‘’ba foumou yém niou xamé ko nonou’’ (quoi qu’il en coûte).
Au-delà de cette affaire, des agents de la DAF et de la Perception de la ville de Dakar, sont convoqués à la Division des investigations criminelles. Qu’en pensez-vous ?
Ce sont des choses qui sont liées et je voudrais donner un conseil à Macky Sall puisqu’il ne me parle pas. Je lui recommande de bien se souvenir de ce qui s’est passé entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Abdou Diouf a passé son temps à mettre Abdoulaye Wade en prison. Mais le jour où Dieu a décidé que ce dernier devait être le chef de l’Etat, il l’a été. Et comme Abdou Diouf n’est pas courageux, il a fui le Sénégal. Parce qu’il se disait qu’un matin, Wade va se lever du mauvais pied et va l’envoyer à Rebeuss. Qu’il se souvienne de ça ! Ce qui fait qu’Abdou Diouf a pratiquement vécu en exil. Abdoulaye Wade arrive au pouvoir et met Bara Tall en prison, Idrissa Seck en prison ; moi-même, j’ai été incarcéré deux fois, Barthélémy Dias de même, et peut-être qu’il y en a d’autres que j’ai oubliés. Wade a quand même quitté le pouvoir et son fils s’est retrouvé en prison pour un séjour supérieur à ceux que tous ces gens ont cumulé. Maintenant, il a sa fille qui ne peut pas mettre les pieds au Sénégal et il vit en exil avec sa famille. Que Macky Sall fasse très attention et se souvienne de ces choses-là. Dieu est plus fort que tout le monde. Ça, c’est la première chose. La deuxième chose, c’est que moi, j’ai été conseiller municipal à la ville de Dakar à deux reprises. Dans le montage du budget de la ville de Dakar, il y a des moyens qui sont mis à la disposition du maire. Tout autant que le président de la République a des moyens qui sont mis à sa disposition au même titre que le président de l’Assemblée ou encore le ministre de l’Intérieur ou le ministre des Affaires étrangères. Il faut arrêter de tenter de martyriser les gens sur des faux détails comme ça. Je lui conseille de ne pas tenter de chercher à liquider ses adversaires politiques. Maintenant, s’il ne le fait pas tant pis ! Dieu sait ce qui se passera demain.
Donc selon vous, il y a une tentative de liquidation d’adversaires politiques ?
C’est une tentative de liquidation d’adversaires politiques. Dans le cas de Barthélémy Dias, la condamnation est pour le liquider. Vous avez toute une bande de théoriciens qui sont là à nous bassiner les oreilles pour nous dire que oui, tel article ou tel autre a dit ceci ou cela. Nous, on lit à travers les lignes. Avec cette condamnation, s’il ne fait pas appel, il ne sera pas éligible. C’est fait exprès pour d’abord le dégager des élections et aussi pour briser sa carrière. Tous ces gens ne sont ni Dieu, ni fils de Dieu, ni prophète. Ce ne sont pas eux, ni l’Exécutif qui pourront briser la carrière de Barthélémy Dias si Dieu en a décidé autrement.
Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu frustré par rapport à la tournure de ces évènements ?
Je suis scandalisé, fâché et énervé parce que c’est de l’acharnement. Même quelque part, le Parquet qui fait son appel, c’est de l’acharnement. Le Parquet a mal travaillé au prétoire.
Dans un entretien paru dans notre édition d’aujourd’hui (hier), Mamadou Ndoye dit qu’on a l’impression que la justice est aux ordres…
Il a mal parlé. On n’a pas l’impression. Elle est aux ordres. Il n’y a pas d’impression, il faut parler clairement. La justice est aux ordres. En tout cas, une bonne partie.
Le Sénégal a récemment essuyé un revers à l’issue de l’élection de la présidence de la commission de l’Union africaine. Quelles leçons tirez-vous de cet échec ?
La principale leçon que je tire de ce revers, comme vous le dites, c’est qu’au Sénégal, on doit prendre l’habitude de présenter des candidatures nationales. C’est-à-dire, le candidat du Sénégal à une position internationale ne doit pas être le candidat du gouvernement ou celui d’un groupe. Cela signifie que dans les démarches, il faudrait y associer bien sûr les gens du gouvernement, qu’il s’agisse des membres du gouvernement ou des gens proches du gouvernement. Mais aussi y associer les gens de la société civile. Vous savez bien que je ne suis pas copain de la société civile mais je le dis ; et associer aussi des gens de l’opposition parfois. Dans cette affaire-là, on nous dit qu’on a envoyé, je ne sais pas 46 ou 49 missions diplomatiques à l’extérieur. Mais le modus operandi n’est pas bon.
Pourquoi vous le dites ?
Parce que d’abord, vous avez envoyé des gens qui, pour certains, n’ont pas l’expérience pour ça. La façon de faire de la diplomatie en Afrique est complètement différente de celle de faire de la diplomatie en Europe ou en Amérique. Les relations internationales en Afrique ont pour soubassement des relations personnelles qu’il faut développer. De sorte que lorsque par exemple, nous avons des gens comme Cheikh Tidiane Gadio, il faut les utiliser. Il y a des chefs d’Etat avec qui il peut parler. Moi, je connais des gens de la société civile qui sont à ‘’tu’’ et à ‘’toi’’ avec le président actuel du Burkina Faso. Ces gens, leurs démarches auraient été plus efficaces que celles d’un ministre qui va voir le président du Burkina Faso. La personne qui a été envoyée en mission au Cap-Vert n’était pas la plus indiquée. Parce que justement elle ne sait pas comment les choses fonctionnent là-bas. Au Cap-Vert, le détenteur du pouvoir, le décideur, ce n’est pas le président de la République. Elle est allée amener le message au président de la République alors que, au-delà du président de la République, le plus efficace, c’est le Premier ministre. Sur place, vous avez l’ancien président de la République, Pedro Pires, considéré comme un des doyens de la lutte de libération, qui jouit d’un respect exceptionnel en Angola et au Mozambique. Donc, il fallait aller voir ce dernier et l’associer à une démarche en direction du Mozambique et de l’Angola. En plus, le président Pires est lauréat du prix Mo Ibrahim, un homme d’affaires qui est capable de parler à des chefs d’Etat. Donc il fallait demander à Pedro Pires de nous soutenir dans cette action, quitte à l’accompagner ou mettre un jet privé à sa disposition. Tout cela n’a pas été fait. Je termine par un autre exemple. Pourquoi n’a-t-on pas impliqué Abdoulaye Wade ? Tout le monde sait que je ne suis pas celui qui doit tisser des lauriers à Abdoulaye Wade. Mais je dis les choses comme elles sont. Abdoulaye Wade, le président de la Mauritanie lui est redevable. Tout le monde le sait. Le président de la Côte d’Ivoire lui est redevable. Tout le monde le sait. Entre les deux tours en Côte d’Ivoire, il avait envoyé son jet privé au Président Ouattara. Le président de la Guinée Alpha Condé lui est redevable. Donc, qu’est-ce qui empêchait d’envoyer un émissaire à Abdoulaye Wade à Paris, de mettre un jet privé à sa disposition ? Qu’il fasse ces trois pays, qu’il vienne rendre compte à Dakar et qu’il rentre chez lui à Paris.
Est-ce que les considérations politiques n’ont pas pris le dessus sur la démarche du gouvernement ?
Eh bien ! C’est pourquoi je dis : ou bien on fait de la candidature une candidature nationale ; auquel cas on va au dépassement, ou bien on fait une candidature gouvernementale et l’échec ne peut pas être étonnant. C’est de ça que je parle.
Il y a cette affaire, mais il y a également la gestion de la crise gambienne par le Sénégal. Comment avez-vous apprécié la démarche du Sénégal dans ce dossier ?
Je dépasse la gestion du Sénégal dans la crise gambienne. Parce que, on a à redire et à critiquer. Je parle de la posture du Sénégal aujourd’hui par rapport à la Gambie.
Et quelle doit être cette posture ?
Aujourd’hui, le Sénégal doit s’imposer à rester dans la partie nord du département de Bignona qui jouxte la Gambie, y compris même à l’intérieur de la Gambie pendant au moins deux ans. Il n’y a pas de Cedeao, il y a rien du tout. Il faut y rester.
Mais pourquoi ?
Pour nettoyer tous les nids d’irrédentisme. C’est la seule zone où il y avait vraiment encore la rébellion. Mais il n’y avait pas que la rébellion. Il y avait encore des coupeurs de route : des Sierra léonais, des Libériens, de ‘’sambaboy’’ (délinquants en langue Wolof) d’autres pays. Donc, il faut rester là-bas deux ans pour nettoyer tout cela. Et d’ailleurs, profiter de l’occasion pour installer des camps militaires puissants dans cette zone, qui puissent accueillir des hélicoptères ou des petits avions, etc. Donc, voilà une des choses qu’il faut faire.
La deuxième chose qu’il faut faire, parce qu’à chaque fois qu’il y a eu des problèmes en Gambie (Fodé Kaba 1, Fodé Kaba 2), nous nous sommes investis, nous Sénégalais. Nos soldats ont même payé de leur vie pour la continuation de l’Etat gambien. Donc, ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas être là à faire de la diplomatie des ronds de jambes. Il faut imposer des choses à la Gambie. Et dans cette affaire, il faut déjà imposer un double pont à Farafégny. Un pont essentiellement réservé aux poids lourds, un autre essentiellement réservé aux véhicules de tourisme et aux minibus. Le système serait un système tel que si par extraordinaire, il y a un pont qui est en maintenance, tout le monde passe de l’autre côté, ou vice-versa. Et le système serait tel que lorsque vous arrivez devant le pont, comme on fait pour l’autoroute à péage, vous payez, vous partez, vous traversez la Gambie, vous continuez. Il n’y a pas de contrôle douanier, il n’y a pas de contrôle de rien du tout. Parce que la Gambie doit au Sénégal un droit de passage. C’est une exigence du droit international public et ce droit de passage, il est gratuit. Je ne comprends pas qu’au Sénégal, on banalise cette affaire. Il ne s’agit pas de faire un pont pour payer des taxes au trésor gambien. Non ! Maintenant, par générosité sénégalaise, on peut supposer, on peut accepter que peut-être, un souillard reste sur le trésor gambien. Mais, on doit venir prendre le ticket sans descendre du véhicule, payer le passage et sortir de l’autre côté. Un point c’est tout. C’est une obligation. Parce que dans ces cas-là, les seuls frais qu’on fait supporter à ceux qui utilisent ce passage, ce sont des frais qui sont calculés pour s’occuper de la maintenance.
Dans ces conditions qui va s’occuper de la gestion des ponts ?
Il faut que ces deux ponts soient gérés non pas par l’Etat gambien, mais par une sorte de Haute autorité mixte entre la Gambie et le Sénégal. Dans ce cadre, il faut, je ne parle pas de forcer, amener la Gambie à adhérer au CFA. C’est même dans l’intérêt de la Gambie. Ou alors, si la Gambie ne veut pas adhérer au CFA, ce que nous, nous payons, on le paie en CFA, on avance. Parce que vous savez que jusqu’à présent, quand vous arrivez là-bas, vous êtes obligés d’aller chercher des ‘’Dallasis’’ (devise gambienne) sur lesquels on vous escroque. Ça, c’est dans l’intérêt de la Gambie, ces deux ponts-là. Parce que ça permet de relier le Nord au Sud de la Gambie. Ensuite, ultérieurement, il faut faire un autre pont vers l’est de la Gambie, vers Basse. Parce que là, tout le bassin arachidier, tout l’Est du Sénégal pourra passer pour aller en Casamance, vers Vélingara.
Mais, est-ce qu’il ne faut pas également faire des voies de contournement pour ne pas traverser la Gambie ?
Je vous remercie de cette idée. En fait, je l’avais oubliée. Pendant ce temps, il ne faut pas rester naïf. Il faut construire la voie de contournement. Après ‘’Ila Touba’’ (autoroute en cours de construction reliant Dakar-Touba), il ne faut rien faire d’autre que ça. Parce que la voie de contournement, le trajet existe, les gens passent sur le ‘’rang-rang’’ (route latérite). Eh bien ! Vous avez vu comment l’économie est en train de faire vivre les localités que traverse le trajet de contournement. Il faut faire la voie de contournement. C’est ça la posture aujourd’hui minimale du Sénégal. Il faut arrêter avec le ‘’massela’’ ( ), le nékhalaté ( ). Je n’ai pas dit d’annexer la Gambie. Je n’ai pas dit de ne pas respecter ce pays. Mais, pour tout ce que nous avons fait pour la Gambie, du début jusqu’à aujourd’hui, y’en a marre de subir les affronts et la corruption de petits policiers gambiens. Ça suffit.
L’actualité reste dominée par la panne de la radiothérapie de l’hôpital Aristide Le Dantec. Mais également par la sortie du président de la République contre l’opposition à qui il accuse de vouloir politiser la question. Comment appréciez-vous cette affaire ?
Je conseille au président de la République d’être un peu plus prudent dans ses propos. Parce que ce n’est pas son rôle de proférer des menaces. Les gens ont le droit de parler. Cette affaire est une affaire de ‘’mis management’’ (mauvaise gestion en Anglais). C’est une affaire de mal gouvernance. Ce n’est pas un accident et ce n’est pas une panne. Parce qu’un accident et une panne, ce sont des choses qui ne sont pas prévues et qui, malheureusement, arrivent. C’est de la mal gouvernance. Depuis longtemps, on savait que cette machine allait rendre l’âme. Depuis longtemps, elle était obsolète. Donc dire que ce n’est pas honteux d’envoyer nos malades à l’étranger, c’est faux. C’est honteux, surtout en Mauritanie. Et même au Maroc, c’est honteux parce que les Marocains qui soignent là-bas, c’est nous Sénégalais qui les avons formés. C’est honteux. Quand on vous dit que le Burkina Faso a trois appareils de cette nature, la Mauritanie en a 7, le Maroc en a 32 et vous, vous avez une vieille guimbarde dans ce domaine-là, vous croyez que ce n’est pas honteux ? C’est honteux ! Je considère jusqu’à présent que la façon de gérer cette affaire est nulle. Parce que tout d’un coup, on trouve de quoi acheter trois machines.
Cette affaire-là, c’est exactement comme celle du ‘’Joola’’. A ce bateau, il manquait un moteur de 250 millions de F CFA qu’on a négligé. On est allé retaper un avion présidentiel qui, aujourd’hui, est à la casse. Eh bien ! vous avez vu, ça nous a coûté la catastrophe maritime la plus grave dans l’histoire du monde. C’est exactement la même chose. Donc ce qu’il fallait faire, ce n’est pas de dire qu’on a débloqué 6 ou 7 milliards pour acheter trois machines. Ça ne nous ébranle pas. Ça ne nous impressionne pas. Ce qu’il fallait faire, c’est dire à ceux qui vendent la machine, écoutez : soit avec vos clients soit vous-mêmes, trouvez nous une machine de relais. On discute avec l’armée française, elle nous met ça dans un avion de transport de troupes, on l’amène à Dakar et on branche. C’est comme ça qu’il faut faire.
D’une manière globale, comment vous appréciez la gestion du pays sous l’ère Macky Sall ?
Je pense qu’il y a une chose qu’il faut que Macky Sall tienne en compte. A partir du moment où un ministre fait 5 ans, ou plus, même en discontinu, dans une position, il tombe dans la routine, il atteint le niveau d’incompétence. Ça, il faut en tenir compte.
Vous voulez parler d’Eva Marie Coll Seck ?
Je dis les choses. Je parle de tout le monde. A partir du moment où vous dépassez 5 ans à une position ministérielle, que vous l’ayez fait en discontinu ou en continu, vous commencez à tomber dans la routine et vous atteignez votre seuil d’incompétence. C’est ce que je peux dire parce que c’est conforme à la vérité. Je veux dire qu’il doit en tenir compte après 2017 ou en 2019. On ne peut pas mettre quelqu’un 10 ans quelque part et après on s’étonne que ça ne marche pas.
Où en êtes-vous dans votre compagnonnage au niveau de ‘’Macky 2012’’ ?
A l’heure où je vous parle, je suis encore lié aux amis de ‘’Macky 2012’’. Ils me marquent beaucoup de considération et de respect. Je les en remercie. Ce sont de braves combattants. Ce sont ces gens-là qui ont élu Macky Sall. Il faut bien le savoir. Le bulletin de vote du 2ème tour portait la mention ‘’Macky 2012’’. Pas autre chose. Malheureusement, ils n’ont pas été gratifiés comme il le fallait.
Vous pensez que vous êtes relégués au second plan au profit d’autres leaders ?
Vous savez, j’ai beaucoup parlé de cette question. Je ne vais pas insister. Mais je dis simplement que tous ces gens-là n’ont pas été gratifiés comme il le fallait.
Justement où en êtes-vous dans vos rapports personnels avec le président de la République ? On vous a vu être très proches au début de la seconde alternance…
Il a préféré avoir de nouveaux amis. Ceux du deuxième tour dont personne n’avait besoin. Il a préféré ces gens-là à nous autres de ‘’Macky 2012’’ et à certains ‘’apéristes’’ d’ailleurs. Il y a des ‘’apéristes’’ qui ont été relégués au profit des ralliés. Ceux que j’appelle des ralliés.
Vous sentez-vous trahi ?
Ce n’est pas ça la question. Moi je suis un homme. Lorsque je m’engage, je m’engage carrément et totalement. Mais les élections ça vient et ça revient. C’est tout.
Bientôt les législatives de 2017. Vous avez votre parti et vous êtes au niveau de ‘’Macky 2012’’. Sous quelle forme comptez-vous engager ces joutes électorales ?
Pour le moment, nous avons pris des options. Mais nous attendons parce qu’il y a une option A, B, C… Pour le moment, nous attendons qu’on nous parle pour partir avec le groupe présidentiel. C’est la première option. Si nous n’y trouvons pas notre compte, les autres options seront ouvertes, peut être que nous partirons seuls ou avec d’autres. Je vais vous donner un exemple. Lors des élections législatives de 2012, même en comptant ses dissidents, le PDS (Parti démocratique sénégalais : Ndlr), qui avait tout seul 35% des voix à la présidentielle, s’est retrouvé avec 12 députés. Parmi ses dissidents, Bokk gis gis de Pape Diop avait, je crois, 4 députés, Decroix 1 et Djibo Ka 1. Donc, l’ensemble fait moins de 20 députés. Il y a des gens qui ont fait 11 ou 13% ; donc qui ont fait le tiers du score du PDS et qui sont se retrouvés avec 20 députés. Et pendant ce temps, ceux qui ont accompagné Macky Sall pour le faire gagner ont eu zéro (0) député. Ça, ce n’est pas acceptable. Cette fois-ci, il n’est pas question que des gens aient tout et que d’autres n’aient rien. C’est la position du BCG. On n’acceptera pas que des gens qui n’ont plus la puissance électorale qu’ils avaient en 2012, se tapent 20 députés et que le BCG n’ait rien du tout. Ce n’est pas négociable et ce n’est pas acceptable. C’est un exemple que je vous donne parmi tant d’autres.
Au niveau de cette coalition Benno bokk yaakaar (BBY), le débat sur la tête de liste se pose. Il y a certains qui proposent Moustapha Niasse. Comment appréciez-vous cela ?
Cela me ramène à ce que je vous ai dit par rapport aux ministres. Au-delà de cinq ans, on tombe dans la routine et on atteint son seuil d’incompétence. Maintenant, je peux comprendre la stratégie du Président mais elle ne devrait pas dépasser 2019.
D’après nos confrères du journal Walfadjri, Macky Sall a désigné Abdoulaye Makhtar Diop pour diriger les listes à Dakar…
Bonne route ! Abdoulaye Makhtar Diop est mon jeune frère et ‘’Kilifeu’’ (autorité) à Dakar. Mais je suis son grand frère. Je lui souhaite bonne route.
Est-ce que Jean Paul Dias est prêt à être tête de liste ?
Je ne me déroberais pas si on me demande d’être tête de liste nationale. Ce qui a d’ailleurs été une proposition de beaucoup de compagnons de la coalition Macky 2012. Je ne cracherais pas dessus parce que je peux tout à fait remplir le rôle et plus tard assumer la fonction
Votre fils Barthélémy Dias a été reconnu coupable du meurtre de Ndiaga Diouf survenu en décembre 2011. D’où sa condamnation à deux ans de prison dont six mois ferme en plus d’une amende de 25 millions. Comment appréciez-vous ce verdict ?
Je commence par l’amende. C’est ici, à cet endroit (chez lui) que Macky Sall en personne, avait déclaré urbi et orbi devant le monde entier, que c’était l’Etat du Sénégal qui était responsable de cette affaire, que Barthélémy n’avait rien fait, qu’il fallait le libérer et qu’il fallait poursuivre les commanditaires. Donc les 25 millions, Macky Sall n’a qu’à les payer, puisqu’aujourd’hui, c’est lui qui personnifie l’Etat. Dans le verdict, il y avait à peu près une dizaine de nervis sur cent assaillants que le substitut du procureur a préféré appeler des visiteurs ; si on voulait se moquer de la tête des gens, on n’utiliserait pas un autre terme. Des nervis qui sont des mercenaires comme le disait à l’époque Macky Sall, des gens envoyés pour aller tuer. Parmi eux, quatre ont été relaxés sous prétexte qu’ils étaient en vacances. Sur ces quatre qui ont été relaxés, trois ont fait l’objet de mandat d’arrêt. Cela veut dire qu’ils ne se sont pas présentés et se sont moqués du tribunal qui a décidé qu’il fallait les relaxer. Les six autres nervis ont eu deux ans avec sursis. Pendant ce temps, on condamne Barthélémy. Mais je vous dis que ce verdict est une insulte à l’intelligence des Sénégalais. Je ne parle pas du Parquet qui fait ce que Sidiki Kaba lui demande de faire.
Vous avez décidé d’interjeter appel au même titre que le Parquet qui pense…
(Il coupe). Le procureur ne pense rien du tout. Il est dans son cinéma. Depuis quand vous avez vu le Procureur interjeter appel et faire un communiqué qui passe en prime time dans les télévisions ? Donnez-moi un procès !
Est-ce que ce n’est pas risqué pour vous d’interjeter appel ?
Pourquoi ? Puisqu’on est sûr de notre bon droit. Ce que vous ne savez pas, c’est que en général, en correctionnel, les avocats plaident, c’est de l’oral. Et les juges prennent des notes. De temps en temps ils dorment un peu. Mais nos avocats ont confectionné un dossier béton qu’on leur a donné avec tous les éléments techniques. Qu’en ont-ils fait ? Selon nos informations, le tribunal s’acheminait vers la relaxe et que ce sont des pressions venant de partout, y compris de la Présidence, qui les ont amenés à botter en touche. Et c’est irresponsable. On n’a pas peur du tout. Nos avocats, certains sont absents du pays. Mais nous avons été les premiers à vouloir interjeter appel. Nous continuerons le combat. Mais cette fois-ci, à la différence des autres fois où à la demande de ma famille, j’avais observé beaucoup de retenue, de recul, de réserve, je ne le referai plus. Je me battrai auprès de mon fils ‘’ba foumou yém niou xamé ko nonou’’ (quoi qu’il en coûte).
Au-delà de cette affaire, des agents de la DAF et de la Perception de la ville de Dakar, sont convoqués à la Division des investigations criminelles. Qu’en pensez-vous ?
Ce sont des choses qui sont liées et je voudrais donner un conseil à Macky Sall puisqu’il ne me parle pas. Je lui recommande de bien se souvenir de ce qui s’est passé entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Abdou Diouf a passé son temps à mettre Abdoulaye Wade en prison. Mais le jour où Dieu a décidé que ce dernier devait être le chef de l’Etat, il l’a été. Et comme Abdou Diouf n’est pas courageux, il a fui le Sénégal. Parce qu’il se disait qu’un matin, Wade va se lever du mauvais pied et va l’envoyer à Rebeuss. Qu’il se souvienne de ça ! Ce qui fait qu’Abdou Diouf a pratiquement vécu en exil. Abdoulaye Wade arrive au pouvoir et met Bara Tall en prison, Idrissa Seck en prison ; moi-même, j’ai été incarcéré deux fois, Barthélémy Dias de même, et peut-être qu’il y en a d’autres que j’ai oubliés. Wade a quand même quitté le pouvoir et son fils s’est retrouvé en prison pour un séjour supérieur à ceux que tous ces gens ont cumulé. Maintenant, il a sa fille qui ne peut pas mettre les pieds au Sénégal et il vit en exil avec sa famille. Que Macky Sall fasse très attention et se souvienne de ces choses-là. Dieu est plus fort que tout le monde. Ça, c’est la première chose. La deuxième chose, c’est que moi, j’ai été conseiller municipal à la ville de Dakar à deux reprises. Dans le montage du budget de la ville de Dakar, il y a des moyens qui sont mis à la disposition du maire. Tout autant que le président de la République a des moyens qui sont mis à sa disposition au même titre que le président de l’Assemblée ou encore le ministre de l’Intérieur ou le ministre des Affaires étrangères. Il faut arrêter de tenter de martyriser les gens sur des faux détails comme ça. Je lui conseille de ne pas tenter de chercher à liquider ses adversaires politiques. Maintenant, s’il ne le fait pas tant pis ! Dieu sait ce qui se passera demain.
Donc selon vous, il y a une tentative de liquidation d’adversaires politiques ?
C’est une tentative de liquidation d’adversaires politiques. Dans le cas de Barthélémy Dias, la condamnation est pour le liquider. Vous avez toute une bande de théoriciens qui sont là à nous bassiner les oreilles pour nous dire que oui, tel article ou tel autre a dit ceci ou cela. Nous, on lit à travers les lignes. Avec cette condamnation, s’il ne fait pas appel, il ne sera pas éligible. C’est fait exprès pour d’abord le dégager des élections et aussi pour briser sa carrière. Tous ces gens ne sont ni Dieu, ni fils de Dieu, ni prophète. Ce ne sont pas eux, ni l’Exécutif qui pourront briser la carrière de Barthélémy Dias si Dieu en a décidé autrement.
Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu frustré par rapport à la tournure de ces évènements ?
Je suis scandalisé, fâché et énervé parce que c’est de l’acharnement. Même quelque part, le Parquet qui fait son appel, c’est de l’acharnement. Le Parquet a mal travaillé au prétoire.
Dans un entretien paru dans notre édition d’aujourd’hui (hier), Mamadou Ndoye dit qu’on a l’impression que la justice est aux ordres…
Il a mal parlé. On n’a pas l’impression. Elle est aux ordres. Il n’y a pas d’impression, il faut parler clairement. La justice est aux ordres. En tout cas, une bonne partie.
Le Sénégal a récemment essuyé un revers à l’issue de l’élection de la présidence de la commission de l’Union africaine. Quelles leçons tirez-vous de cet échec ?
La principale leçon que je tire de ce revers, comme vous le dites, c’est qu’au Sénégal, on doit prendre l’habitude de présenter des candidatures nationales. C’est-à-dire, le candidat du Sénégal à une position internationale ne doit pas être le candidat du gouvernement ou celui d’un groupe. Cela signifie que dans les démarches, il faudrait y associer bien sûr les gens du gouvernement, qu’il s’agisse des membres du gouvernement ou des gens proches du gouvernement. Mais aussi y associer les gens de la société civile. Vous savez bien que je ne suis pas copain de la société civile mais je le dis ; et associer aussi des gens de l’opposition parfois. Dans cette affaire-là, on nous dit qu’on a envoyé, je ne sais pas 46 ou 49 missions diplomatiques à l’extérieur. Mais le modus operandi n’est pas bon.
Pourquoi vous le dites ?
Parce que d’abord, vous avez envoyé des gens qui, pour certains, n’ont pas l’expérience pour ça. La façon de faire de la diplomatie en Afrique est complètement différente de celle de faire de la diplomatie en Europe ou en Amérique. Les relations internationales en Afrique ont pour soubassement des relations personnelles qu’il faut développer. De sorte que lorsque par exemple, nous avons des gens comme Cheikh Tidiane Gadio, il faut les utiliser. Il y a des chefs d’Etat avec qui il peut parler. Moi, je connais des gens de la société civile qui sont à ‘’tu’’ et à ‘’toi’’ avec le président actuel du Burkina Faso. Ces gens, leurs démarches auraient été plus efficaces que celles d’un ministre qui va voir le président du Burkina Faso. La personne qui a été envoyée en mission au Cap-Vert n’était pas la plus indiquée. Parce que justement elle ne sait pas comment les choses fonctionnent là-bas. Au Cap-Vert, le détenteur du pouvoir, le décideur, ce n’est pas le président de la République. Elle est allée amener le message au président de la République alors que, au-delà du président de la République, le plus efficace, c’est le Premier ministre. Sur place, vous avez l’ancien président de la République, Pedro Pires, considéré comme un des doyens de la lutte de libération, qui jouit d’un respect exceptionnel en Angola et au Mozambique. Donc, il fallait aller voir ce dernier et l’associer à une démarche en direction du Mozambique et de l’Angola. En plus, le président Pires est lauréat du prix Mo Ibrahim, un homme d’affaires qui est capable de parler à des chefs d’Etat. Donc il fallait demander à Pedro Pires de nous soutenir dans cette action, quitte à l’accompagner ou mettre un jet privé à sa disposition. Tout cela n’a pas été fait. Je termine par un autre exemple. Pourquoi n’a-t-on pas impliqué Abdoulaye Wade ? Tout le monde sait que je ne suis pas celui qui doit tisser des lauriers à Abdoulaye Wade. Mais je dis les choses comme elles sont. Abdoulaye Wade, le président de la Mauritanie lui est redevable. Tout le monde le sait. Le président de la Côte d’Ivoire lui est redevable. Tout le monde le sait. Entre les deux tours en Côte d’Ivoire, il avait envoyé son jet privé au Président Ouattara. Le président de la Guinée Alpha Condé lui est redevable. Donc, qu’est-ce qui empêchait d’envoyer un émissaire à Abdoulaye Wade à Paris, de mettre un jet privé à sa disposition ? Qu’il fasse ces trois pays, qu’il vienne rendre compte à Dakar et qu’il rentre chez lui à Paris.
Est-ce que les considérations politiques n’ont pas pris le dessus sur la démarche du gouvernement ?
Eh bien ! C’est pourquoi je dis : ou bien on fait de la candidature une candidature nationale ; auquel cas on va au dépassement, ou bien on fait une candidature gouvernementale et l’échec ne peut pas être étonnant. C’est de ça que je parle.
Il y a cette affaire, mais il y a également la gestion de la crise gambienne par le Sénégal. Comment avez-vous apprécié la démarche du Sénégal dans ce dossier ?
Je dépasse la gestion du Sénégal dans la crise gambienne. Parce que, on a à redire et à critiquer. Je parle de la posture du Sénégal aujourd’hui par rapport à la Gambie.
Et quelle doit être cette posture ?
Aujourd’hui, le Sénégal doit s’imposer à rester dans la partie nord du département de Bignona qui jouxte la Gambie, y compris même à l’intérieur de la Gambie pendant au moins deux ans. Il n’y a pas de Cedeao, il y a rien du tout. Il faut y rester.
Mais pourquoi ?
Pour nettoyer tous les nids d’irrédentisme. C’est la seule zone où il y avait vraiment encore la rébellion. Mais il n’y avait pas que la rébellion. Il y avait encore des coupeurs de route : des Sierra léonais, des Libériens, de ‘’sambaboy’’ (délinquants en langue Wolof) d’autres pays. Donc, il faut rester là-bas deux ans pour nettoyer tout cela. Et d’ailleurs, profiter de l’occasion pour installer des camps militaires puissants dans cette zone, qui puissent accueillir des hélicoptères ou des petits avions, etc. Donc, voilà une des choses qu’il faut faire.
La deuxième chose qu’il faut faire, parce qu’à chaque fois qu’il y a eu des problèmes en Gambie (Fodé Kaba 1, Fodé Kaba 2), nous nous sommes investis, nous Sénégalais. Nos soldats ont même payé de leur vie pour la continuation de l’Etat gambien. Donc, ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas être là à faire de la diplomatie des ronds de jambes. Il faut imposer des choses à la Gambie. Et dans cette affaire, il faut déjà imposer un double pont à Farafégny. Un pont essentiellement réservé aux poids lourds, un autre essentiellement réservé aux véhicules de tourisme et aux minibus. Le système serait un système tel que si par extraordinaire, il y a un pont qui est en maintenance, tout le monde passe de l’autre côté, ou vice-versa. Et le système serait tel que lorsque vous arrivez devant le pont, comme on fait pour l’autoroute à péage, vous payez, vous partez, vous traversez la Gambie, vous continuez. Il n’y a pas de contrôle douanier, il n’y a pas de contrôle de rien du tout. Parce que la Gambie doit au Sénégal un droit de passage. C’est une exigence du droit international public et ce droit de passage, il est gratuit. Je ne comprends pas qu’au Sénégal, on banalise cette affaire. Il ne s’agit pas de faire un pont pour payer des taxes au trésor gambien. Non ! Maintenant, par générosité sénégalaise, on peut supposer, on peut accepter que peut-être, un souillard reste sur le trésor gambien. Mais, on doit venir prendre le ticket sans descendre du véhicule, payer le passage et sortir de l’autre côté. Un point c’est tout. C’est une obligation. Parce que dans ces cas-là, les seuls frais qu’on fait supporter à ceux qui utilisent ce passage, ce sont des frais qui sont calculés pour s’occuper de la maintenance.
Dans ces conditions qui va s’occuper de la gestion des ponts ?
Il faut que ces deux ponts soient gérés non pas par l’Etat gambien, mais par une sorte de Haute autorité mixte entre la Gambie et le Sénégal. Dans ce cadre, il faut, je ne parle pas de forcer, amener la Gambie à adhérer au CFA. C’est même dans l’intérêt de la Gambie. Ou alors, si la Gambie ne veut pas adhérer au CFA, ce que nous, nous payons, on le paie en CFA, on avance. Parce que vous savez que jusqu’à présent, quand vous arrivez là-bas, vous êtes obligés d’aller chercher des ‘’Dallasis’’ (devise gambienne) sur lesquels on vous escroque. Ça, c’est dans l’intérêt de la Gambie, ces deux ponts-là. Parce que ça permet de relier le Nord au Sud de la Gambie. Ensuite, ultérieurement, il faut faire un autre pont vers l’est de la Gambie, vers Basse. Parce que là, tout le bassin arachidier, tout l’Est du Sénégal pourra passer pour aller en Casamance, vers Vélingara.
Mais, est-ce qu’il ne faut pas également faire des voies de contournement pour ne pas traverser la Gambie ?
Je vous remercie de cette idée. En fait, je l’avais oubliée. Pendant ce temps, il ne faut pas rester naïf. Il faut construire la voie de contournement. Après ‘’Ila Touba’’ (autoroute en cours de construction reliant Dakar-Touba), il ne faut rien faire d’autre que ça. Parce que la voie de contournement, le trajet existe, les gens passent sur le ‘’rang-rang’’ (route latérite). Eh bien ! Vous avez vu comment l’économie est en train de faire vivre les localités que traverse le trajet de contournement. Il faut faire la voie de contournement. C’est ça la posture aujourd’hui minimale du Sénégal. Il faut arrêter avec le ‘’massela’’ ( ), le nékhalaté ( ). Je n’ai pas dit d’annexer la Gambie. Je n’ai pas dit de ne pas respecter ce pays. Mais, pour tout ce que nous avons fait pour la Gambie, du début jusqu’à aujourd’hui, y’en a marre de subir les affronts et la corruption de petits policiers gambiens. Ça suffit.
L’actualité reste dominée par la panne de la radiothérapie de l’hôpital Aristide Le Dantec. Mais également par la sortie du président de la République contre l’opposition à qui il accuse de vouloir politiser la question. Comment appréciez-vous cette affaire ?
Je conseille au président de la République d’être un peu plus prudent dans ses propos. Parce que ce n’est pas son rôle de proférer des menaces. Les gens ont le droit de parler. Cette affaire est une affaire de ‘’mis management’’ (mauvaise gestion en Anglais). C’est une affaire de mal gouvernance. Ce n’est pas un accident et ce n’est pas une panne. Parce qu’un accident et une panne, ce sont des choses qui ne sont pas prévues et qui, malheureusement, arrivent. C’est de la mal gouvernance. Depuis longtemps, on savait que cette machine allait rendre l’âme. Depuis longtemps, elle était obsolète. Donc dire que ce n’est pas honteux d’envoyer nos malades à l’étranger, c’est faux. C’est honteux, surtout en Mauritanie. Et même au Maroc, c’est honteux parce que les Marocains qui soignent là-bas, c’est nous Sénégalais qui les avons formés. C’est honteux. Quand on vous dit que le Burkina Faso a trois appareils de cette nature, la Mauritanie en a 7, le Maroc en a 32 et vous, vous avez une vieille guimbarde dans ce domaine-là, vous croyez que ce n’est pas honteux ? C’est honteux ! Je considère jusqu’à présent que la façon de gérer cette affaire est nulle. Parce que tout d’un coup, on trouve de quoi acheter trois machines.
Cette affaire-là, c’est exactement comme celle du ‘’Joola’’. A ce bateau, il manquait un moteur de 250 millions de F CFA qu’on a négligé. On est allé retaper un avion présidentiel qui, aujourd’hui, est à la casse. Eh bien ! vous avez vu, ça nous a coûté la catastrophe maritime la plus grave dans l’histoire du monde. C’est exactement la même chose. Donc ce qu’il fallait faire, ce n’est pas de dire qu’on a débloqué 6 ou 7 milliards pour acheter trois machines. Ça ne nous ébranle pas. Ça ne nous impressionne pas. Ce qu’il fallait faire, c’est dire à ceux qui vendent la machine, écoutez : soit avec vos clients soit vous-mêmes, trouvez nous une machine de relais. On discute avec l’armée française, elle nous met ça dans un avion de transport de troupes, on l’amène à Dakar et on branche. C’est comme ça qu’il faut faire.
D’une manière globale, comment vous appréciez la gestion du pays sous l’ère Macky Sall ?
Je pense qu’il y a une chose qu’il faut que Macky Sall tienne en compte. A partir du moment où un ministre fait 5 ans, ou plus, même en discontinu, dans une position, il tombe dans la routine, il atteint le niveau d’incompétence. Ça, il faut en tenir compte.
Vous voulez parler d’Eva Marie Coll Seck ?
Je dis les choses. Je parle de tout le monde. A partir du moment où vous dépassez 5 ans à une position ministérielle, que vous l’ayez fait en discontinu ou en continu, vous commencez à tomber dans la routine et vous atteignez votre seuil d’incompétence. C’est ce que je peux dire parce que c’est conforme à la vérité. Je veux dire qu’il doit en tenir compte après 2017 ou en 2019. On ne peut pas mettre quelqu’un 10 ans quelque part et après on s’étonne que ça ne marche pas.
Où en êtes-vous dans votre compagnonnage au niveau de ‘’Macky 2012’’ ?
A l’heure où je vous parle, je suis encore lié aux amis de ‘’Macky 2012’’. Ils me marquent beaucoup de considération et de respect. Je les en remercie. Ce sont de braves combattants. Ce sont ces gens-là qui ont élu Macky Sall. Il faut bien le savoir. Le bulletin de vote du 2ème tour portait la mention ‘’Macky 2012’’. Pas autre chose. Malheureusement, ils n’ont pas été gratifiés comme il le fallait.
Vous pensez que vous êtes relégués au second plan au profit d’autres leaders ?
Vous savez, j’ai beaucoup parlé de cette question. Je ne vais pas insister. Mais je dis simplement que tous ces gens-là n’ont pas été gratifiés comme il le fallait.
Justement où en êtes-vous dans vos rapports personnels avec le président de la République ? On vous a vu être très proches au début de la seconde alternance…
Il a préféré avoir de nouveaux amis. Ceux du deuxième tour dont personne n’avait besoin. Il a préféré ces gens-là à nous autres de ‘’Macky 2012’’ et à certains ‘’apéristes’’ d’ailleurs. Il y a des ‘’apéristes’’ qui ont été relégués au profit des ralliés. Ceux que j’appelle des ralliés.
Vous sentez-vous trahi ?
Ce n’est pas ça la question. Moi je suis un homme. Lorsque je m’engage, je m’engage carrément et totalement. Mais les élections ça vient et ça revient. C’est tout.
Bientôt les législatives de 2017. Vous avez votre parti et vous êtes au niveau de ‘’Macky 2012’’. Sous quelle forme comptez-vous engager ces joutes électorales ?
Pour le moment, nous avons pris des options. Mais nous attendons parce qu’il y a une option A, B, C… Pour le moment, nous attendons qu’on nous parle pour partir avec le groupe présidentiel. C’est la première option. Si nous n’y trouvons pas notre compte, les autres options seront ouvertes, peut être que nous partirons seuls ou avec d’autres. Je vais vous donner un exemple. Lors des élections législatives de 2012, même en comptant ses dissidents, le PDS (Parti démocratique sénégalais : Ndlr), qui avait tout seul 35% des voix à la présidentielle, s’est retrouvé avec 12 députés. Parmi ses dissidents, Bokk gis gis de Pape Diop avait, je crois, 4 députés, Decroix 1 et Djibo Ka 1. Donc, l’ensemble fait moins de 20 députés. Il y a des gens qui ont fait 11 ou 13% ; donc qui ont fait le tiers du score du PDS et qui sont se retrouvés avec 20 députés. Et pendant ce temps, ceux qui ont accompagné Macky Sall pour le faire gagner ont eu zéro (0) député. Ça, ce n’est pas acceptable. Cette fois-ci, il n’est pas question que des gens aient tout et que d’autres n’aient rien. C’est la position du BCG. On n’acceptera pas que des gens qui n’ont plus la puissance électorale qu’ils avaient en 2012, se tapent 20 députés et que le BCG n’ait rien du tout. Ce n’est pas négociable et ce n’est pas acceptable. C’est un exemple que je vous donne parmi tant d’autres.
Au niveau de cette coalition Benno bokk yaakaar (BBY), le débat sur la tête de liste se pose. Il y a certains qui proposent Moustapha Niasse. Comment appréciez-vous cela ?
Cela me ramène à ce que je vous ai dit par rapport aux ministres. Au-delà de cinq ans, on tombe dans la routine et on atteint son seuil d’incompétence. Maintenant, je peux comprendre la stratégie du Président mais elle ne devrait pas dépasser 2019.
D’après nos confrères du journal Walfadjri, Macky Sall a désigné Abdoulaye Makhtar Diop pour diriger les listes à Dakar…
Bonne route ! Abdoulaye Makhtar Diop est mon jeune frère et ‘’Kilifeu’’ (autorité) à Dakar. Mais je suis son grand frère. Je lui souhaite bonne route.
Est-ce que Jean Paul Dias est prêt à être tête de liste ?
Je ne me déroberais pas si on me demande d’être tête de liste nationale. Ce qui a d’ailleurs été une proposition de beaucoup de compagnons de la coalition Macky 2012. Je ne cracherais pas dessus parce que je peux tout à fait remplir le rôle et plus tard assumer la fonction