Ce mardi, lors de l'audience solennelle de prestation de serment du chef de l'État, Papa Oumar Sakho, le président du Conseil Constitutionnel, a lancé un message en direction de la classe politique et répondu aux opposants qui, durant la dernière présidentielle, s'en prenaient aux institutions qui encadraient le processus électoral.
"Le pacte démocratique et l’État de droit supposent un rapport positif à la loi et aux institutions, c’est-à-dire, pour reprendre le mot de François OST, une ‘‘inclination à la civilité’’ républicaine. Ils supposent, en outre, un respect mutuel et un esprit de dépassement entre les acteurs du jeu politique, en vue de surmonter la suspicion entre adversaires politiques, afin de trouver un minimum de consensus sur les questions essentielles, notamment en matière électorale. Ils supposent, enfin, la participation active à la vie de la Cité, de personnalités indépendantes et suffisamment équidistantes des parties qui pourraient se trouver en situation de conflit, pour se donner la légitimité d’arbitres ou de médiateurs impartiaux, en vue de la pacification de l’espace social et politique. Il semble bien que des efforts soient encore nécessaires en la matière".
"Calomnies dans les médias et les réseaux sociaux"
"L’histoire politique du Sénégal n’a certes pas été un long fleuve tranquille. Parfois, elle a, en effet, mis en présence des adversaires irréductibles. Ces derniers ont cependant toujours su prendre suffisamment de hauteur, pour s’asseoir autour d’une table, afin de trouver des points d’équilibre improbables et des consensus inédits, en vue d’aller toujours en avant dans notre longue marche sur le chemin de la démocratie. Force est de constater aujourd’hui, une mutation des mœurs politiques à travers la substitution au dialogue fécond, des monologues parallèles, faits d’invectives et de calomnies dans les médias et les réseaux sociaux".
"Le Conseil constitutionnel ne se faisait pas d’illusions"
"C’est fort de ce constat que le Conseil constitutionnel, malgré le caractère non public et non contradictoire de ses procédures, mais conscient que sa mission de sauvegarde de la volonté de l’électeur et de garantie de la sincérité du scrutin doit s’appuyer sur une démarche empreinte de transparence, a ouvert ses activités à la présence des représentants des candidats et à des personnalités sans affiliation connue à une entité politique. Ce choix se justifiait par le souci d’instaurer un climat apaisé, non pas au sein de la société dont la sérénité n’a jamais été prise à défaut, mais entre les différents acteurs politiques. Le Conseil constitutionnel ne se faisait cependant pas d’illusions, car la contestation principielle de la loi sur le parrainage et la confiscation du débat citoyen avaient pour conséquences logiques, la contestation de la mise en œuvre de ladite loi et, au-delà, la contestation des institutions".
"Rendre hommage aux institutions souvent prises à partie"
"Ces institutions si souvent prises à partie aujourd’hui, sont pourtant celles qui, en l’espace de douze années, ont permis deux alternances démocratiques. C’est pourquoi il faut rendre hommage aux forces de défense et de sécurité, à l’administration chargée des élections, à la Commission électorale nationale autonome, au Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, à la Commission nationale de recensement des votes, aux commissions départementales de recensement des votes et aux délégués de la Cour d’appel, pour avoir, encore une fois, avec discrétion et efficacité, permis aux citoyens d’exercer leur droit de vote dans un cadre organisé, transparent et sécurisé.
"Apprendre à respecter les électeurs"
"C’est aussi le lieu de saluer la maturité des électeurs qui, à nouveau, ont fait preuve de responsabilité et de discernement, pour la préservation de nos acquis démocratiques. Ces électeurs, composante anonyme et laborieuse de la société, n’ont fait ni vœu de contestation systématique, ni allégeance inconditionnelle à quelque chapelle politique que ce soit. Ils savent cependant que leur voix compte, et attendent patiemment le jour du scrutin pour exprimer leur choix. Il faut apprendre à les respecter et à compter avec eux. En allant massivement aux urnes, ils ont su préserver la paix sociale par leur comportement civique, renouvelant ainsi leur confiance aux institutions républicaines impliquées dans le processus électoral. Le discours politique gagnerait à s’élever à la hauteur de la conscience citoyenne de ce peuple, afin que le Sénégal reflète enfin et pour toujours, l’image de la démocratie mature et apaisée qu’il est réellement".
"Pourquoi cette élection a été particulière"
"Si cette élection du 24 février 2019 a été si particulière, c’est aussi et, peut-être surtout, parce que de nouvelles perspectives économiques semblent s’ouvrir pour notre pays. Elles en ont décuplé les enjeux et exacerbé les passions. Les Sénégalais sont conscients qu’ils entrent dans une nouvelle ère. Ils l’appréhendent autant qu’ils l’espèrent, car ils savent qu’elle sera, en fonction de ce que nous en ferons, une bénédiction ou une malédiction. L’expérience, c’est en effet ce qu’on fait de ses propres erreurs, mais c’est aussi les leçons que l’on tire des erreurs des autres".
"Dans ce monde d’épines, le Sénégal reste un espace de paix"
"En vous faisant dépositaire de leur confiance, vos compatriotes vous confient surtout leur espoir de paix, car la paix est aux États ce que la santé est aux hommes : sans elle, rien n’est possible. On ne le sait, souvent, qu’après l’avoir perdue. Ils vous confient aussi leur espoir de cohésion nationale, afin que dans ce monde plein d’épines, le Sénégal reste un espace de paix d’où seraient bannis les affres de la division et la violence, sous toutes ses formes. Les Sénégalais vous confient enfin l’avenir de la jeunesse exposée au fléau de la migration clandestine, afin qu’elle ne se mue plus jamais en Argonautes des temps modernes, errant à travers déserts et océans, dans une odyssée où, elle ne rencontre que désillusion, intolérance et humiliation".