M. Thiam comment vous, administrateur de l’Apr, avez-vous accueilli les propos d’Abou Abel Thiam, qui disait que l’Apr n’est pas un parti ?
C’est une très grosse erreur d’appréciation de la part de notre camarade Abou Abel Thiam. Et je ne pense pas, d’ailleurs, que cela traduise ce qu’il a voulu dire. Car pendant que nous sommes en train de devenir le plus grand parti du Sénégal, entendre ce type de déclaration est pour moi un peu étonnant. Nous couvrons tout le territoire national et la diaspora. Nous avons enregistré beaucoup de nouvelles adhésions, de fusions d’organisations et de partis politiques. Nous sommes un parti organisé au niveau de la base, avec des comités qui existent partout au Sénégal. Nous avons un directoire national, un secrétariat exécutif national, un mouvement des femmes, de jeunes, une convergence des sages, une structure des enseignants du parti, une structure des handicapés du parti, un mouvement des arabophones républicains, une convergence des cadres. Des structures qui fonctionnent toutes. Donc j’aimerais bien qu’on me dise ce qu’est un parti.
Ne donne-t-il pas ainsi des armes à vos adversaires en disant cela ?
Que quelqu’un soit nostalgique d’une structuration verticale, cela n’engage que lui. Mais nous, nous avons opté pour un mode de structuration horizontale. Nous avons un parti jeune, en phase de croissance avec toutes les turpitudes que cela comporte. Et c’est normal, conformément au processus d’apprentissage de toute organisation humaine, qu’il y ait des divergences de vues, dans la phase de croissance. Nous sommes un parti en croissance, en phase de devenir le premier parti politique au Sénégal. C’est dommage que cette déclaration émane d’un très haut responsable du parti. C’est dommage, je le reconnais. Mais il n’en demeure pas moins que cela reste dans le cadre d’un débat d’idées. Mais sur le terrain, l’Apr, qui s’y frotte s’y pique.
Beaucoup se posent des questions sur l’opportunité du Hcct. Quel est d’abord l’objet d’une telle institution ?
Le haut conseil est un instrument dans le dispositif de l’Acte 3 de la décentralisation. Ce n’est pas une institution à part. C’est une institution qui entre dans un processus élaboré par le président de la République. C’est un instrument de facilitation de la territorialisation des politiques publiques. Le président importe toutes les politiques publiques au niveau des localités. Et pour cela, il faudrait avoir un cadre de recensement des besoins des localités. Et c’est pourquoi il a mis en place le haut conseil des collectivités territoriales. L’Apr s’organise, dans le cadre de Benno Bok Yaakar, pour avoir le maximum de sièges mis en compétition. Mais nous le faisons dans le cadre de Benno Bokk yaakar en favorisant la concertation à la base, en favorisant le jeu de la démocratie à la base et en favorisant une synergie entre toutes les parties prenantes de la coalition.
D’aucuns disent que le Hcct n’est qu’une institution de plus, un gouffre à milliards…
Je ne pense pas que ce soit une institution de trop ou une institution parmi d’autres. C’est un maillon d’une chaine qu’on appelle l’Acte 3 de la décentralisation. C’est un complexe managérial que de vouloir tout le temps dire que telle institution va nous couter donc elle n’est pas nécessaire. Le management exige de mobiliser les ressources vers des objectifs déterminés. Parmi ces ressources, il y a le matériel, les hommes et les finances. La démocratie a un cout. Le développement a un cout. Tout le monde est d’accord qu’il est pertinent d’aller vers la communalisation intégrale et la territorialisation des politiques publiques. Donc si on est d’accord dessus, il fallait aller vers un débat sur l’efficience, voir si les outils utilisés sont appropriés pour arriver à cet objectif. Et tout le monde sait qu’aujourd’hui, les élus locaux ont besoin d’un cadre d’expression et de transmission des besoins et préoccupations des localités. Ils ont aussi besoin d’un cadre où ils vont discuter de la décentralisation. Parce que dans le haut conseil, on parlera de territorialisation des politiques publiques, de la décentralisation.
Idrissa Seck et son parti ont boycotté ces élections estimant que ce n’est qu’un prolongement du référendum…
Je ne pense pas. Là où je suis d’accord avec Idrissa Seck, c’est d’avoir refusé de s’engager dans une compétition dans laquelle il part perdant. Vraiment, s’il y a un parti qui a le moins de chances d’avoir des membres dans le haut conseil, c’est le Rewmi de Idy. Parce que ce sont les conseillers qui vont voter, alors que le parti Rewmi se limite à Thiès. C’est un parti municipal qui ne se limite qu’à une seule municipalité. Et je comprends qu’il ne veuille pas dévoiler aux yeux de tous, que les Sénégalais ont fini de lui tourner le dos. C’est une manière de ne pas s’exposer en plein jour que de ne pas participer aux élections. Je ne pense pas que ce soit pour des questions de principe.
Au sein de l’Apr, le choix des hauts conseillers génère déjà des dissensions. Comment gérez-vous cela ?
C’est humainement compréhensible que des hommes, face à des opportunités, puissent exprimer leurs ambitions. C’est tout à fait normal. Ce que nous ne souhaiterions pas, c’est que ces dissensions dépassent le cadre politique. La méthode édictée par le Président du parti, c’est de privilégier la démocratie à la base. Et l’idéal serait que nos responsables, à la base, arrivent à des consensus dans le cadre de Benno Bokk Yaakar. Et si ce n’est pas le cas, le président mettra en brande des mécanismes qui permettront d’opérer les choix que le parti jugera les plus pertinents.
Comment avez-vous accueilli les propos de Wade qui compare le chef de l’État aux présidents fascistes ?
Je trouve dommage qu’un ancien président puisse s’exprimer de la sorte. Je ne peux que regretter que mon ancien président, à qui je voue le plus grand respect et la plus haute considération, puisse s’exprimer ainsi.
Et pourtant, on disait l’Apr et le Pds dans une phase de rapprochement. De tels propos gâtent-ils tout cela ?
Le Président de la République est un homme de dialogue, de fidélité. Il n’a jamais oublié ce qui le lie à ses anciens camarades du Pds, même s’il peut y avoir des différences dans la manière de voir les choses. C’est cet esprit qui l’a amené à appeler au dialogue national. C’est dans ce cadre qu’il faut intégrer ce qu’on appelle le rapprochement entre le Pds et l’Apr. Je pense qu’il n’a pas du tout bougé dans son état d’esprit, celui d’inviter tous à venir travailler ensemble autour du Pse (Plan Sénégal émergent : NDLR). Et il continue de tendre la main à des cadres du Pds, de la société civile et des autres organisations politiques. Maintenant, que l’ancien président soit mu par je ne sais quoi, au point de faire ces déclarations, d’envisager de ternir l’image de son successeur, c’est dévalorisant pour lui. Ça ne peut pas détourner le président Macky Sall de son esprit de dialogue, de solidarité, de concertation et de management participatif. C’est regrettable d’entendre une telle déclaration. Pour moi, c’est un épiphénomène.
La libération de Karim, le remplacement de Nafi Ngom, la sanction contre Sonko, sont autant de décisions qui ont créé la polémique ces derniers temps…
Jusqu’à présent, on ne peut reprocher au Président de la République d’avoir tordu la main à la constitution. Karim est un citoyen sénégalais. C’est pour éviter qu’il y ait deux Sénégal qu’il a été jugé au même titre que d’autres Sénégalais, par une juridiction qui existait bien avant l’arrivée président. Et sa condamnation est en train d’être exécutée avec d’abord un recouvrement d’une partie du montant à recouvrer et il y’a aussi tout un processus pour recouvrer ce qui restait. En tant que citoyen sénégalais, la constitution lui permet de bénéficier de la grâce présidentielle. Il a purgé plus de la moitié de sa peine. La constitution dispose que le président de la République peut, sans motiver sa décision, accorder sa grâce à un sénégalais de ce profil-là. Et c’est ce qui a été fait. Pour moi, c’est un non-événement. Des Sénégalais bénéficient tous les jours de la grâce présidentielle.
Mais ce qui intrigue, c’est la forme, que le procureur du Qatar vient chercher ici Karim en jet privé à l’aéroport.
Moi je crois que ça, c’est une question qu’il faut poser à Karim Wade. Karim a un deal avec le Qatar. C’est là qu’il faut orienter le débat. Vous posez la question au régime alors que ce n’est pas le problème du régime. D’ailleurs, la preuve, c’est que, quelque temps après, vous avez entendu que lui-même, Karim Wade, avait des relations de collaboration avec le Qatar. Je crois que c’est plutôt Karim qui est en deal avec le Qatar et bien avant. Vous comprenez bien que si Karim n’avait pas de relation avec le Qatar, une personnalité du Qatar ne se serait pas déplacée pour l’accompagner dans ce pays-là. Donc le véritable enjeu c’est de faire des investigations sur le deal entre Karim et Qatar. Je crois que c’est plutôt cela. Maintenant, étant libre, il est libre de rester au Sénégal ou d’aller où il veut, ça, ce n’est pas le problème de l’état.
Le remplacement de Mme Nafi Ngom Keita et la sanction contre Sonko aussi fait débat
Pour Mme Nafi Ngom Keita, il s’agit d’un haut fonctionnaire qui a bénéficié de la confiance du Président de la République, qui a l’exclusive prérogative de nommer qui il veut au poste qu’il veut et quand il veut. Elle était régie par un contrat, avec des clauses, dont une clause sur la durée. Le contrat étant arrivé à terme, le président n’a pas jugé nécessaire de la reconduire, et a nommé une autre sénégalaise aussi valeureuse à sa place. Donc c’est un non-évènement. Sonko est un fonctionnaire comme tant d’autres. Aujourd’hui si tous les policiers, tous les douaniers ou tous les médecins se mettaient à déballer, vous vous imaginez ce que serait la République. Il est fonctionnaire, régi par un contrat avec l’État, donc il est tenu par l’obligation de réserve. Il n’a pas le droit d’utiliser les informations qu’il reçoit dans le cadre de ses fonctions à des fins politiciennes. C’est regrettable. Qu’il ait été sanctionné n’est que l’application d’une règlementation qui l’a toujours régi dans le cadre de son contrat de travail.
N’est-ce pas, comme certains le pensent, une manière de sanctionner ceux qui disent des vérités qui n’arrangent pas le pouvoir ?
Le régime de Macky Sall bat tous les records en termes de liberté d’expression. Cependant, il faudrait qu’on sache raison garder et que nos institutions soient respectées et préservées. Ce n’est pas que des gens font des sorties qui n’arrangent pas l’Apr. Ce n’est pas une bonne manière de voir les choses. Au sein de l’Apr, nous avons des responsables qui font parfois des sorties qui ne sont pas en faveur de la position de l’Apr. Mais c’est l’expression de la démocratie. Cependant, démocratie ne veut pas dire anarchie. Quand on est travailleur et régi par un contrat, de la même manière que votre employeur est obligé de vous payer, c’est de cette même manière que vous avez l’obligation de réserve vis-à-vis des secrets dont vous avez eu connaissance dans l’exercice de votre fonction. Il ne s’agit pas de protéger qui que ce soit, il s’agit simplement de faire fonctionner nos institutions.
Quelle est la position de l’administrateur de l’Apr sur la double nationalité ?
Pour moi, il est important que, lorsqu’on brigue un mandat de président de la République, qu’on puisse quand même prouver l’exclusivité de la place de ce pays dans ses choix personnels. Et pour cela, je crois que ce n’est pas du tout exagéré que de demander qu’un candidat à l’élection présidentielle ait exclusivement une nationalité sénégalaise. Un président de la République doit avoir exclusivement la nationalité sénégalaise. Et s’il avait une autre nationalité, il doit user des voies et moyens pour se débarrasser de celle-là.
Votre dernier mot M. Thiam ?
Il faudrait que les élus locaux utilisent le haut conseil comme une opportunité de développement de leurs localités plutôt qu’une opportunité de positionnement personnel. On comprend que les gens expriment leurs ambitions. Mais on doit revenir à l’esprit de parti, à l’esprit de solidarité. Et penser que les citoyens sénégalais qui nous suivent ont aussi le droit d’avoir en face d’eux des hommes suffisamment responsables, orientés vers la résolution de leurs problèmes, plutôt que des gens qui ne sont mus que par leurs intérêts cryptopersonnels. En cela, je souhaite que tous nos responsables reviennent à la raison et que l’élection se passe dans la plus grande sérénité et que la mouvance présidentielle en sorte largement majoritaire.
Auteur: Youssouf SANE