Independance Confisquee : L’économie Sénégalaise Sous Contrôle Extérieur

Rédigé par Dakarposte le Dimanche 3 Avril 2016 à 21:28 modifié le Dimanche 3 Avril 2016 21:36

La République du Sénégal souffle ce 4 Avril 2016 ses cinquante-six bougies. Pour célébrer cet anniversaire, le président Macky SALL a décidé de se départir de la prise d’armes en sortant la grande artillerie. Seulement, si l’indépendance est d’abord économique, le Sénégal peut-il réellement se targuer de souveraineté ?


Le Sénégal exhibe ce 4 Avril 2016 sur le boulevard du Général De Gaule, la panoplie d’éléments qui compose son Armée pour commémorer ses 56 ans d’indépendance. Mais, une Armée nationale, même super équipée, peut-elle, à elle seule, refléter la souveraineté d’un Etat ? A cette question, le président de la République avait, lors de l’édition de 2015, répondu par la négative. «Notre défi pour le présent et l’avenir, c’est de gagner notre indépendance économique en nous libérant du besoin de l’aide et de la dépendance de l’extérieur pour tout ce que nous pouvons produire par nous-mêmes», avait observé Macky SALL le 4 avril dernier après la prise d’armes qui s’était déroulée sous ses yeux. Si l’indépendance du Sénégal est à gagner, c’est qu’elle loin d’être acquise. Au-delà des stigmates culturels de la colonisation encore présents, la libéralisation des secteurs les plus vitaux de l’économie sénégalaise maintient celle-ci sous la grande dépendance.

L’économie sous contrôle extérieur

Si l’indépendance est d’abord économique, le Sénégal est loin de l’être. Le franc des Colonies françaises d’Afrique (Cfa) a certes mué en Communauté financière d’Afrique mais demeure plus que jamais garanti par le trésor public français qui peut décider de sa dévaluation sans forcément tenir compte des avis des huit présidents africains dont les pays ont en partage cette devise. L’ancien président sénégalais Abdou Diouf n’avait-il pas tout tenté pour empêcher la dévaluation du F Cfa survenue en 1994 ? A ce sujet, le président Tchadien Idriss Déby, repris par Wikipédia, avait observé : «Il y a aujourd’hui le FCFA qui est garanti par le trésor français. Mais cette monnaie, elle est africaine. C’est notre monnaie à nous. Il faut maintenant que réellement dans les faits cette monnaie soit la nôtre pour que nous puissions, le moment venu, faire de cette monnaie une monnaie convertible et une monnaie qui permet à tous ces pays qui utilisent encore le FCFA de se développer.»

Au-delà de la monnaie, l’essentiel des fils qui tissent l’économie sénégalaise ornent les doigts d’hommes d’affaires et/ou de multinationales étrangers. L’exemple le plus patent demeure sans doute Jean Claude Mimran. En effet, ils sont nombreux les Sénégalais qui se demandent pourquoi le sucre est aussi cher au Sénégal. La canne à sucre est cultivée par des Sénégalais, sur le sol sénégalais dans des plantations irriguées par  le fleuve Sénégal. Cette canne ainsi obtenue n’est exportée nulle part pour transformation, elle est acheminée dans une usine où des Sénégalais s’activent. Pourtant, dans la plupart des pays même, ceux qui l’importent, le produit est insolemment moins cher. Pendant ce temps, la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) se targue, régulièrement, de chiffres d’affaires se comptant en millions d’euros. Et avant que le monopole du secteur ne soit dernièrement parcellement cassé, le baron Mimran se concurrençait tout seul à travers le sucre Souki que les Grands moulins de Dakar (Gmd), dont il est le propriétaire, distribuent.

Chasser en meute

En plus du sucre, le secteur arachidier qui constituait l’un des fleurons de l’économie nationale est plongé dans une déliquescence qui plonge les agriculteurs dans le marasme et le monde rural au bord  du chaos. En cédant la Sonacos à Abbas Jaber, l’Etat a laissé les paysans à eux-mêmes, organisant ainsi leur face-à-face d’avec un businessman entouré d’opérateurs sans scrupules. Le réveil a été tardif. Avant que l’usine dont il a changé le nom ne lui soit arrachée par l’Etat, Abbas Jaber aura réussi à réduire sensiblement le nombre des travailleurs qui ne trouvaient du pain que grâce à la Sonacos. A Diourbel, on parle de près de 70 % d’employés en moins entre la Sonacos et Suneor. L’agriculture dévoyée, la pêche qui permet à des milliers de  Sénégalais de joindre les deux bouts va également subir les soubresauts d’une politique axée sur la recherche inlassable d’investisseurs et de gains. Les licences accordées régulièrement à des navires de pêche étrangers, la filière ne parvient plus à nourrir ses acteurs. Pis, l’essentiel des produits halieutiques acheminés à l’extérieur, il ne reste aux Sénégalais que la sardinelle(Yaaboye). Quid du secteur de la téléphonie ? Si des citoyens d’un autre pays ont en charge un secteur aussi sensible que la téléphonie, les Sénégalais ne devraient-ils  pas se sentir espionnés, surveillés ? Aujourd’hui, tous les opérateurs téléphoniques du Sénégal sont étrangers. Face à la presse, au début du mois de mars dernier, Ndèye Founé Niang Diallo, Secrétaire générale de la section Télécom du Syndicat national des travailleurs des postes et télécommunications (Sntpt) observait : «Il est de notoriété publique, à travers la presse, qu’Orange France entretiendrait des relations étroites avec la DGSE, les services de renseignements français». A ces considérations, s’ajoutent des plaintes et des complaintes des travailleurs de la Sonatel qui dénoncent un «néo-colonialisme» impactant significativement «l’économie et la souveraineté du Sénégal». Les Industries chimiques cédées aux Indiens ont cessé d’être l’une des entreprises les plus rentables du Sénégal. Quid d’Eiffage, qui rafle tous les marchés d’infrastructures d’envergure du pays, du GroupeBolloré Logistics, maître du terminal Roulier du port de Dakar, deNécotrans pour le Vraquier, de Total qui s’est accaparé du secteur des hydrocarbures ? La liste est loin d’être exhaustive. Et la «chasse en meute» des entreprises françaises en terre africaine, préconisée par d’éminents économistes français et bénie visiblement par l’Elysée, est en phase de se concrétiser, n’en déplaise à la proie. L’image de la station Total, trônant au beau milieu de l’autoroute à péage de Senac, filiale d’Eiffage, est des plus éloquentes. Pour ceux qui n’ont pas de cartes bancaires de la SGBS et de la BICIS, les deux plus grandes banques françaises au Sénégal, inutile de s’y attarder.

Nonobstant ses centaines de kilomètres de côtes, ses trois fleuves (Gambie, Casamance et Sénégal) qui le traversent, le Sénégal importe annuellement des centaines de milliers de tonnes de riz, près de 15 mille tonnes de pomme de terre etc. Se nourrissant pour l’essentiel de ce qu’ils ne produisent pas, les Sénégalais peinent à se départir du pain dont la matière première est aussi importée. Cette dépendance se manifeste sur bien d’autres aspects.

Les sapeurs-pompiers qui défilent élégamment, chaque année, n’ont pas pu venir à bout, des flammes qui avaient retenu Karim Wade à l’intérieur de l’immeuble Tamaro. Il fallut une intervention française pour sortir le super ministre d’alors d’un bâtiment en feu. Que dire du génie civil qui parade aussi magnifiquement chaque année ? Face au fameux joint de l’usine de Keur Momar Sarr qui avait privé les Dakarois d’eau, durant plus de vingt jours, les ingénieurs sénégalais se sont révélés impuissants. Là également, il a fallu l’intervention de la France pour sortir la capitale de la pénurie d’eau.

S’il ne peut être imputé au président Macky Sall une quelconque responsabilité dans la dépendance économique du Sénégal, depuis qu’il est à la tête de l’Etat, à part promouvoir l’autosuffisance en riz, il n’a posé aucun acte allant dans le sens d’assurer au Sénégal son indépendance économique. Bien au contraire. Si Abdoulaye Wade avait manifesté sa volonté de réduire le champ d’action des Français, militaire notamment, son successeur n’a pas fait grand-chose pour sortir les quelques Sénégalais qui émergent de la peau du sous-traitant.

Mame Birame WATHIE (WALFNET)

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