Internés au Pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec, les blessés de la mutinerie portent encore les séquelles des événements du mardi 20 septembre. Atteints par balle au niveau de la tête, du thorax ou encore de l’œil, certains ont perdu l’usage de leurs jambes, d’autres sont soit paralysés, soit dans le coma. Immersion dans l’enfer des mutilés de Rebeuss.
Le grand portail de l’hôpital Aristide Le Dantec s’ouvre. Une ambulance fait son entrée. «Laisser passer», hurle le vigile posté à l’accueil. Cet après-midi de la fête de Tamkharit, une foule incontrôlable se bouscule à la porte. Sur le trottoir, à côté des petites gargotes où l’on peut se restaurer, de petits commerçants pullulent. Certains vendent des cigarettes, d’autres des fruits, de la bouillie locale ou encore des cartes de recharges téléphoniques. En longeant le grand couloir qui fait face à l’entrée, sur une aile de l’hôpital, se dresse le Pavillon spécial, situé en bordure de mer. Construite en 1986, cet unique établissement pénitentiaire réservé aux détenus malades loge davantage d’hommes que de femmes. Derrière la détention, un jardin potager et une bananeraie y sont aménagés. Les pensionnaires sont libres de se promener entre 9 et 19 heures. Sous les arbres, des tentes devant recevoir les blessés ont dû être installées, faute de place dans les chambres. Le long d’un mur défraîchi, des malades dorment à même le sol, sur leur natte ou sur des pagnes. Un des parents de détenu tente de remonter le moral de ceux qui sont encore conscients. Plus loin, dans le couloir qui mène aux chambres d’hospitalisation, un détenu portant des traces de coups pleure auprès de sa mère en détresse.
En promenant le regard, on aperçoit des détenus hospitalisés dans une des salles. Les uns ont le bras ou la jambe cassée, les autres portent des bandages sur leur crâne rasé. Cette salle présente toutes les horreurs vécues lors de la mutinerie. Étalés sur les lits, certains ont le visage tellement défiguré que se l’on se croirait à une infirmerie des mutilés de guerre. «Ce sont des vraies blessures de guerre, soit des blessures par éclats ou par balles», confie un médecin préoccupé par les blessés de la mutinerie. La priorité leur est accordée, aux dépens des autres pensionnaires malades issus des différentes prisons du pays. Beaucoup attendent, «comme dans le couloir de la mort», d’être opérés. «Nous nous encourageons les uns les autres pour ne pas tomber. Nous nous sacrifions pour qu’ils revivent un jour», indique un jeune interne qui s’occupe d’un blessé amputé de la main et qui sanglote dans ses bras.
Ndiol traine toujours des balles dans le corps
Vingt jours après les événements du mardi 20 septembre, des blessés sous surveillance de gardes pénitentiaires, sont toujours hospitalisés, tant leurs blessures sont «graves». Certains ont perdu l’usage de leurs jambes, d’autres sont paralysés ou dans le coma. Amadou Diop alias «Ndiol» se trouvait à la mythique chambre 9 de Rebeuss, lorsque la mutinerie a éclaté. Il a reçu plusieurs balles dans le corps, au niveau des côtes, du pied et des mains, au moment où il tentait de sauver un voisin de chambre touché. Il a quitté l’hôpital Principal où il était en réanimation et est admis à la cellule 4 du Pavillon spécial. Mais une source médicale rapporte que «deux balles logées au niveau des reins ne sont pas encore extraites». En détention provisoire depuis treize mois, Ndiol a été arrêté pour «complicité de trafic de drogue» et mis sous mandat de dépôt par le doyen des juges.
Au Pavillon spécial, des sanglots rompent le silence par-ci, des complaintes sont chantées par-là pour implorer Dieu. Des cris et des pleurs rythment la journée. On aperçoit de loin une dame courir, les mains sur la tête, le pagne solidement noué à la ceinture. On vient de lui annoncer que son fils n’est pas encore sorti du coma. Un jeune homme marchant à pas pressés la frôle, à la recherche de son neveu blessé. Mais dans ce couloir, le cas du détenu PMD attire l’attention. Assis sur une chaise roulante, le regard hagard, celui-ci s’est retrouvé paralysé, avec des signes extérieurs de troubles mentaux, à cause d’une balle reçue à la tête. Tous ses membres sont inactifs. Incarcéré pour vol, ce détenu qui purgeait une peine de six mois devait recouvrer la liberté, le 7 novembre prochain.
Un mineur de 17 ans touché au thorax
Il est 16 heures 30. Le moment pour l’équipe du soir de faire le point sur la matinée écoulée, avec leurs collègues de garde. Moustapha Sow de la cellule 44 vient de subir une opération, après avoir reçu une balle au niveau du ventre. Pensionnaire de la chambre 3, Yankhoba Top s’est retrouvé avec le pied cassé. Quant à Abou Wade, incarcéré à la cellule 9, il a perdu l’usage de ses deux pieds. Trois autres détenus sont toujours dans le coma. L’un d’eux a vu son doigt gauche coupé. Le deuxième, Aly Cissokho, a été touché au niveau des reins, lorsqu’il tentait de rejoindre la chambre 10, selon les informations recueillies sur place. Le même sort a frappé son acolyte Ibrahima Cissokho. Parmi les blessés figure un mineur de 17 ans, du nom de Saliou Bèye. Ce dernier a été trouvé dans la chambre 12, qui abrite les mineurs incarcérés à Rebeuss. Selon les témoignages de ses codétenus, «il se trouvait dans les toilettes de sa cellule, quand un garde lui a tiré dessus».
Dans cet établissement, neuf détenus blessés lors de la mutinerie du 20 septembre, y sont encore gardés. Le dixième, Birane Dieng, se trouve toujours à l’hôpital Principal. Ce prisonnier qui a reçu une balle dans l’œil a, aujourd’hui, perdu la vue. A ce jour, seuls Moussa Ndiaye et Lazar Diamacoune (interné à l’infirmerie) sont retournés à Rebeuss, après quinze jours d’hospitalisation. Enfin, pour le treizième détenu porté disparu, c’est à l’hôpital Principal qu’il aurait perdu la vie, selon ses codétenus qui déclarent avoir vu les médecins mettre son corps sans vie dans une caisse. Mais cette information qui n’est pas encore confirmée de manière officielle, reste encore au stade de rumeur.
Pape NDIAYE (Walf Quotidien)
Le grand portail de l’hôpital Aristide Le Dantec s’ouvre. Une ambulance fait son entrée. «Laisser passer», hurle le vigile posté à l’accueil. Cet après-midi de la fête de Tamkharit, une foule incontrôlable se bouscule à la porte. Sur le trottoir, à côté des petites gargotes où l’on peut se restaurer, de petits commerçants pullulent. Certains vendent des cigarettes, d’autres des fruits, de la bouillie locale ou encore des cartes de recharges téléphoniques. En longeant le grand couloir qui fait face à l’entrée, sur une aile de l’hôpital, se dresse le Pavillon spécial, situé en bordure de mer. Construite en 1986, cet unique établissement pénitentiaire réservé aux détenus malades loge davantage d’hommes que de femmes. Derrière la détention, un jardin potager et une bananeraie y sont aménagés. Les pensionnaires sont libres de se promener entre 9 et 19 heures. Sous les arbres, des tentes devant recevoir les blessés ont dû être installées, faute de place dans les chambres. Le long d’un mur défraîchi, des malades dorment à même le sol, sur leur natte ou sur des pagnes. Un des parents de détenu tente de remonter le moral de ceux qui sont encore conscients. Plus loin, dans le couloir qui mène aux chambres d’hospitalisation, un détenu portant des traces de coups pleure auprès de sa mère en détresse.
En promenant le regard, on aperçoit des détenus hospitalisés dans une des salles. Les uns ont le bras ou la jambe cassée, les autres portent des bandages sur leur crâne rasé. Cette salle présente toutes les horreurs vécues lors de la mutinerie. Étalés sur les lits, certains ont le visage tellement défiguré que se l’on se croirait à une infirmerie des mutilés de guerre. «Ce sont des vraies blessures de guerre, soit des blessures par éclats ou par balles», confie un médecin préoccupé par les blessés de la mutinerie. La priorité leur est accordée, aux dépens des autres pensionnaires malades issus des différentes prisons du pays. Beaucoup attendent, «comme dans le couloir de la mort», d’être opérés. «Nous nous encourageons les uns les autres pour ne pas tomber. Nous nous sacrifions pour qu’ils revivent un jour», indique un jeune interne qui s’occupe d’un blessé amputé de la main et qui sanglote dans ses bras.
Ndiol traine toujours des balles dans le corps
Vingt jours après les événements du mardi 20 septembre, des blessés sous surveillance de gardes pénitentiaires, sont toujours hospitalisés, tant leurs blessures sont «graves». Certains ont perdu l’usage de leurs jambes, d’autres sont paralysés ou dans le coma. Amadou Diop alias «Ndiol» se trouvait à la mythique chambre 9 de Rebeuss, lorsque la mutinerie a éclaté. Il a reçu plusieurs balles dans le corps, au niveau des côtes, du pied et des mains, au moment où il tentait de sauver un voisin de chambre touché. Il a quitté l’hôpital Principal où il était en réanimation et est admis à la cellule 4 du Pavillon spécial. Mais une source médicale rapporte que «deux balles logées au niveau des reins ne sont pas encore extraites». En détention provisoire depuis treize mois, Ndiol a été arrêté pour «complicité de trafic de drogue» et mis sous mandat de dépôt par le doyen des juges.
Au Pavillon spécial, des sanglots rompent le silence par-ci, des complaintes sont chantées par-là pour implorer Dieu. Des cris et des pleurs rythment la journée. On aperçoit de loin une dame courir, les mains sur la tête, le pagne solidement noué à la ceinture. On vient de lui annoncer que son fils n’est pas encore sorti du coma. Un jeune homme marchant à pas pressés la frôle, à la recherche de son neveu blessé. Mais dans ce couloir, le cas du détenu PMD attire l’attention. Assis sur une chaise roulante, le regard hagard, celui-ci s’est retrouvé paralysé, avec des signes extérieurs de troubles mentaux, à cause d’une balle reçue à la tête. Tous ses membres sont inactifs. Incarcéré pour vol, ce détenu qui purgeait une peine de six mois devait recouvrer la liberté, le 7 novembre prochain.
Un mineur de 17 ans touché au thorax
Il est 16 heures 30. Le moment pour l’équipe du soir de faire le point sur la matinée écoulée, avec leurs collègues de garde. Moustapha Sow de la cellule 44 vient de subir une opération, après avoir reçu une balle au niveau du ventre. Pensionnaire de la chambre 3, Yankhoba Top s’est retrouvé avec le pied cassé. Quant à Abou Wade, incarcéré à la cellule 9, il a perdu l’usage de ses deux pieds. Trois autres détenus sont toujours dans le coma. L’un d’eux a vu son doigt gauche coupé. Le deuxième, Aly Cissokho, a été touché au niveau des reins, lorsqu’il tentait de rejoindre la chambre 10, selon les informations recueillies sur place. Le même sort a frappé son acolyte Ibrahima Cissokho. Parmi les blessés figure un mineur de 17 ans, du nom de Saliou Bèye. Ce dernier a été trouvé dans la chambre 12, qui abrite les mineurs incarcérés à Rebeuss. Selon les témoignages de ses codétenus, «il se trouvait dans les toilettes de sa cellule, quand un garde lui a tiré dessus».
Dans cet établissement, neuf détenus blessés lors de la mutinerie du 20 septembre, y sont encore gardés. Le dixième, Birane Dieng, se trouve toujours à l’hôpital Principal. Ce prisonnier qui a reçu une balle dans l’œil a, aujourd’hui, perdu la vue. A ce jour, seuls Moussa Ndiaye et Lazar Diamacoune (interné à l’infirmerie) sont retournés à Rebeuss, après quinze jours d’hospitalisation. Enfin, pour le treizième détenu porté disparu, c’est à l’hôpital Principal qu’il aurait perdu la vie, selon ses codétenus qui déclarent avoir vu les médecins mettre son corps sans vie dans une caisse. Mais cette information qui n’est pas encore confirmée de manière officielle, reste encore au stade de rumeur.
Pape NDIAYE (Walf Quotidien)